Billet d'humeur: Un match comme les autres...
Publié : 25 févr. 2014, 16:50
Un match comme les autres... pas tout à fait comme les autres...
La Maison Clermont-Tonnerre
How many roads most a man walk down
Before you call him a man ?
How many seas must a white dove sail
Before she sleeps in the sand ?
Yes, how many times must the cannon balls fly
Before they're forever banned ?
The answer my friend is blowin' in the wind
The answer is blowin' in the wind.
Bob Dylan : blowin' in the wind.
Le match de samedi contre Clermont n'a sans doute pas été un modèle de référence du beau jeu footballistique, pour tout dire on était plus proche de l'affrontement de bûcherons. Mais c'est la grande force du FC Metz depuis deux saisons que de réussir ces matches d'hommes, tendus, aux cordeaux et finalement emportés avec la hargne solidaire qui sert de creuset au renouveau. Nous sommes quelques uns par ici à avoir fait de Kashi plus qu'un symbole, l'incarnation de cette volonté collective non seulement de ne rien lâcher mais d'avancer toujours et encore, vers le but, vers la frappe, vers l'avant.
Sur ces fichus terrains gras où s'étiolent notre beau jeu et nos athlètes filigranes, dans la boue de l'effort, dans les sillons creusés des crampons, ils glissent, se font bousculer, tombent, et quand la balle semble perdue, il en est un ou deux qui toujours, reviennent à la rescousse dans ces admirables phases défensives où Kashi, Mozart du hachoir à viande, où Rocchi, Balboa de St Symphorien, où Marchal font règner l'ordre à l'est, où Choplin, dit chope-le, dit kiss kiss morzy l'oeil cisaille à tout va et où Bussman, la bête des Vosges et Métanire, l'ange noir messin savent que la lumière prend naissance dans les ténèbres des tâches défensives.
De ce groupe du renouveau forgé dans les profondeurs du national sont sortis des hommes qui ont pris cette expérience qui garantit la maturité et qui fait de la victoire étriquée de samedi un match remporté quand depuis quelques trop longues années, nous le perdions.
Si les puristes font la fine bouche sur notre circulation de balle hasardeuse, notre aveu d'impuissance tactique quand nous sautons les lignes et abusons du jeu en profondeur, je rappellerai que la plus grande réussite d'Albert Cartier est d'avoir su insuffler une véritable vertu morale à ce groupe, celle d'un courage sans faille, d'une abnégation totale et d'un esprit de corps à toute épreuve.
Ce sont ces vertus là qui nous ont fait émerger du National, ce sont ces vertus là qui nous ramènent chez nous, en ligue 1 et ce sont ces vertus là qui nous y maintiendront.
Samedi, un autre match nous attend.
Sur un terrain synthétique propice au développement de notre jeu, chacun sait ici que seules les vertus sacrificielles de l'individu au profit de l'équipe nous permettront de ramener un résultat positif.
Un match comme les autres ?
“In every battle there comes a time when one group of warriors must be sacrificed for the benefit of the whole…,”
F.D. Roosevelt
On pourrait le croire, Nancy n'a jamais été qu'un concurrent putatif et même en cas de victoire samedi, leur progression serait encore bien loin de nous inquiéter.
La victoire de Lens et l'incertitude du résultat d'Angers à Brest le 4 mars démontrent que notre préoccupation principale est de maintenir l'écart avec un quatrième qui, quelque soit le titulaire du rang, n'a jamais pu profiter de notre ralentissement pour venir menacer une hiérarchie solidement installée. Mais ni Angers, ni Lens n'ont pu, en ce qui les concerne, réussir à perturber notre marche tranquille vers l'avant.
C'est donc dans cette position de force que l'on aborde le derby.
Le sympathique président Rousselot avait annoncé avant la première manche du derby, que ce match était un match « comme les autres ». Il avait raison. Dans ce début de saison catastrophique de l'ASNL, ce fut un match comme les autres, perdu comme les autres...
Le rondouillard et emblématique entraîneur Correa semble minimiser l'enjeu aux seuls trois points mis en jeu. Fatale erreur.
Albert Cartier l'a déclaré. Ce n'est pas un match comme les autres. C'est le derby.
Et on va y aller comme si on était derniers, comme si on était minables, on y va comme un promu va rencontrer une équipe qui vient de ligue 1 avec la détermination de ceux qui savent d'où ils viennent et connaissent le prix à payer pour décrocher un rêve...
Ce match là, les joueurs le savent, ils ne le jouent pas pour le classement, pas pour la montée ni pour distancier Lens ou Angers. CE match là ils le jouent pour honorer le maillot qu'ils portent, pour honorer le nom de la ville qui en forme le chiffre, pour en honorer la ferveur de ses supporters pour s'inscrire dans une histoire...
Les belles histoires de l'oncle Ambroise
The Battling Bastards of Bataan
No mamas, no papas, no Uncle Sam,
No aunts, No uncles, no cousins, no nieces
No pills, no planes, no artillery pieces,
And nobody gives a damn.
Marche de la mort, Bataan 1942
Je devais avoir 10 ou 11 ans quand à l'aube des années 70 j'ai participé à mon premier derby à Marcel Picot. Au coté de mon père et arborant fièrement mon écharpe et mon bonnet grenats je suis entré dans le stade et j'ai emprunté la piste d'athlétisme menant à la tribune où je devais assister à la rencontre.
En ce temps là, mes chers petits enfants, le parcage n'existait pas et les supporters se mélangeaient fraternellement, en tout cas à St Symphorien, dans la tribune autoroute, il m'arrivait de voir un supporter adverse échanger avec un messin leurs écharpes à titre de souvenir. Moi personnellement, du haut de mes dix ans , je ne comprenais pas qu'on puisse se séparer de l'écharpe de son club, que je n'étais pas loin de considérer comme une étole...
Je m’apprêtais donc à gagner la tribune lorsque je reçus sur le bonnet une bouteille de bière lancée par un supporter de Nancy. Ce n'était pas le bonnet officiel du club mais un solide bonnet grenat tricoté par ma mère, en mailles si serrées qu'elles me firent une cote de maille qui protégea mon crâne de toute blessure. J'ai vu dans les yeux de mon père la colère mêlée d'inquiétude et après s'être enquis que tout allait bien, il eut cette phrase péremptoire : « on ne viendra plus ! ».
Je me souviens des sifflets, sans doute lancés à la fois par des messins et aussi par des nancéens scandalisés, mais ce dont je me souviens le plus c'est mon arrivée dans les gradins et les acclamations des grenats présents autour de moi. J'avais dix ans et le sentiment merveilleux d'être d'un clan, diront certains, mais moi je dirais d'une famille...
Près de quarante ans se sont écoulés.
Mon père, jusqu'à sa mort, n'a jamais plus mis les pieds à Picot. J'ai du attendre d'avoir 18 ans pour y revenir, souvent. J'ai vu les messins y perdre, y gagner, y faire match nul. Je n'ai jamais oublié la bouteille. Celui qui l'a lancée, je voudrais le remercier ici. Il a par son geste ancré en moi pour toujours la fidélité à une couleur dont on s’aperçoit de la valeur quand elle est traînée dans l’opprobre... Il a permis mon entrée symbolique dans ce monde que je n'allais plus jamais quitter, celui des supporters.
Samedi...pour conclure...
"Un homme n’a pas d’âme qui lui est propre, juste un petit morceau d’une grande âme, et cette grande âme appartient à tout le monde […] Je serai partout dans l’obscurité. Je serai partout où que tu regardes. Là où il y a un combat pour que les gens puissent manger, je serai là. Là où un flic frappe un homme, je serai là …".
Tom Joad, Les Raisins de la Colère
Samedi, nos joueurs vont aller défier nos voisins sans le soutien populaire et légitime que nous avons eu la noblesse de leur accorder en leur faisant confiance quant à l'organisation de leur propre déplacement.
L'iniquité du jugement rendu par la ligue, l'injustice des mesures coercitives organisées par le préfet de « Meurtre et Moselle », le filtrage de la vente des billets sont autant d'humiliations. Mais je les remercie, ces décisions, car elles sont autant de fantômes de bouteilles de bière qui viennent frapper les bonnets grenats.
"Was mich nicht umbringt, macht mich stärker."
Si j'emploie la langue de Goethe avec l'ironie de l'historien qui sait si bien les griefs imbéciles et l'utilisation malhonnête du passé, c'est pour rappeler à nos joueurs que nous serons tous à leurs cotés.
Pas sur ce maillot à 10 € la place pour une tronche au pixel, mais dans leur cœur. Dans le muscle même. Et quand ils perdront une balle, nous serons dix mille à courir avec eux.
Quand ils seront débordés, nous seront dix mille à refaire le retard, quand ils prendront un but, nous serons dix mille à les relever, quand ils déborderont sur l'aile nous serons dix mille à la réception du centre et nous serons dix mille à propulser le ballon dans les filets.
Quand tu entendras, Ahmed, les sifflets de Nancy sur tes courses hargneuses, nous serons dix mille à scander ton nom... Chacun d'entre vous, joueurs, qui avez su gagner notre fierté serez dix mille sur le terrain...
Yes, how many times must a man look up
Before he can see the sky ?
Yes, how many ears must one man have
Before he can hear people cry ?
Yes, how many deaths will it take till he knows
That too many people have died ?
The answer my friend is blowin' in the wind
The answer is blowin' in the wind.
Bob Dylan...
La Maison Clermont-Tonnerre
How many roads most a man walk down
Before you call him a man ?
How many seas must a white dove sail
Before she sleeps in the sand ?
Yes, how many times must the cannon balls fly
Before they're forever banned ?
The answer my friend is blowin' in the wind
The answer is blowin' in the wind.
Bob Dylan : blowin' in the wind.
Le match de samedi contre Clermont n'a sans doute pas été un modèle de référence du beau jeu footballistique, pour tout dire on était plus proche de l'affrontement de bûcherons. Mais c'est la grande force du FC Metz depuis deux saisons que de réussir ces matches d'hommes, tendus, aux cordeaux et finalement emportés avec la hargne solidaire qui sert de creuset au renouveau. Nous sommes quelques uns par ici à avoir fait de Kashi plus qu'un symbole, l'incarnation de cette volonté collective non seulement de ne rien lâcher mais d'avancer toujours et encore, vers le but, vers la frappe, vers l'avant.
Sur ces fichus terrains gras où s'étiolent notre beau jeu et nos athlètes filigranes, dans la boue de l'effort, dans les sillons creusés des crampons, ils glissent, se font bousculer, tombent, et quand la balle semble perdue, il en est un ou deux qui toujours, reviennent à la rescousse dans ces admirables phases défensives où Kashi, Mozart du hachoir à viande, où Rocchi, Balboa de St Symphorien, où Marchal font règner l'ordre à l'est, où Choplin, dit chope-le, dit kiss kiss morzy l'oeil cisaille à tout va et où Bussman, la bête des Vosges et Métanire, l'ange noir messin savent que la lumière prend naissance dans les ténèbres des tâches défensives.
De ce groupe du renouveau forgé dans les profondeurs du national sont sortis des hommes qui ont pris cette expérience qui garantit la maturité et qui fait de la victoire étriquée de samedi un match remporté quand depuis quelques trop longues années, nous le perdions.
Si les puristes font la fine bouche sur notre circulation de balle hasardeuse, notre aveu d'impuissance tactique quand nous sautons les lignes et abusons du jeu en profondeur, je rappellerai que la plus grande réussite d'Albert Cartier est d'avoir su insuffler une véritable vertu morale à ce groupe, celle d'un courage sans faille, d'une abnégation totale et d'un esprit de corps à toute épreuve.
Ce sont ces vertus là qui nous ont fait émerger du National, ce sont ces vertus là qui nous ramènent chez nous, en ligue 1 et ce sont ces vertus là qui nous y maintiendront.
Samedi, un autre match nous attend.
Sur un terrain synthétique propice au développement de notre jeu, chacun sait ici que seules les vertus sacrificielles de l'individu au profit de l'équipe nous permettront de ramener un résultat positif.
Un match comme les autres ?
“In every battle there comes a time when one group of warriors must be sacrificed for the benefit of the whole…,”
F.D. Roosevelt
On pourrait le croire, Nancy n'a jamais été qu'un concurrent putatif et même en cas de victoire samedi, leur progression serait encore bien loin de nous inquiéter.
La victoire de Lens et l'incertitude du résultat d'Angers à Brest le 4 mars démontrent que notre préoccupation principale est de maintenir l'écart avec un quatrième qui, quelque soit le titulaire du rang, n'a jamais pu profiter de notre ralentissement pour venir menacer une hiérarchie solidement installée. Mais ni Angers, ni Lens n'ont pu, en ce qui les concerne, réussir à perturber notre marche tranquille vers l'avant.
C'est donc dans cette position de force que l'on aborde le derby.
Le sympathique président Rousselot avait annoncé avant la première manche du derby, que ce match était un match « comme les autres ». Il avait raison. Dans ce début de saison catastrophique de l'ASNL, ce fut un match comme les autres, perdu comme les autres...
Le rondouillard et emblématique entraîneur Correa semble minimiser l'enjeu aux seuls trois points mis en jeu. Fatale erreur.
Albert Cartier l'a déclaré. Ce n'est pas un match comme les autres. C'est le derby.
Et on va y aller comme si on était derniers, comme si on était minables, on y va comme un promu va rencontrer une équipe qui vient de ligue 1 avec la détermination de ceux qui savent d'où ils viennent et connaissent le prix à payer pour décrocher un rêve...
Ce match là, les joueurs le savent, ils ne le jouent pas pour le classement, pas pour la montée ni pour distancier Lens ou Angers. CE match là ils le jouent pour honorer le maillot qu'ils portent, pour honorer le nom de la ville qui en forme le chiffre, pour en honorer la ferveur de ses supporters pour s'inscrire dans une histoire...
Les belles histoires de l'oncle Ambroise
The Battling Bastards of Bataan
No mamas, no papas, no Uncle Sam,
No aunts, No uncles, no cousins, no nieces
No pills, no planes, no artillery pieces,
And nobody gives a damn.
Marche de la mort, Bataan 1942
Je devais avoir 10 ou 11 ans quand à l'aube des années 70 j'ai participé à mon premier derby à Marcel Picot. Au coté de mon père et arborant fièrement mon écharpe et mon bonnet grenats je suis entré dans le stade et j'ai emprunté la piste d'athlétisme menant à la tribune où je devais assister à la rencontre.
En ce temps là, mes chers petits enfants, le parcage n'existait pas et les supporters se mélangeaient fraternellement, en tout cas à St Symphorien, dans la tribune autoroute, il m'arrivait de voir un supporter adverse échanger avec un messin leurs écharpes à titre de souvenir. Moi personnellement, du haut de mes dix ans , je ne comprenais pas qu'on puisse se séparer de l'écharpe de son club, que je n'étais pas loin de considérer comme une étole...
Je m’apprêtais donc à gagner la tribune lorsque je reçus sur le bonnet une bouteille de bière lancée par un supporter de Nancy. Ce n'était pas le bonnet officiel du club mais un solide bonnet grenat tricoté par ma mère, en mailles si serrées qu'elles me firent une cote de maille qui protégea mon crâne de toute blessure. J'ai vu dans les yeux de mon père la colère mêlée d'inquiétude et après s'être enquis que tout allait bien, il eut cette phrase péremptoire : « on ne viendra plus ! ».
Je me souviens des sifflets, sans doute lancés à la fois par des messins et aussi par des nancéens scandalisés, mais ce dont je me souviens le plus c'est mon arrivée dans les gradins et les acclamations des grenats présents autour de moi. J'avais dix ans et le sentiment merveilleux d'être d'un clan, diront certains, mais moi je dirais d'une famille...
Près de quarante ans se sont écoulés.
Mon père, jusqu'à sa mort, n'a jamais plus mis les pieds à Picot. J'ai du attendre d'avoir 18 ans pour y revenir, souvent. J'ai vu les messins y perdre, y gagner, y faire match nul. Je n'ai jamais oublié la bouteille. Celui qui l'a lancée, je voudrais le remercier ici. Il a par son geste ancré en moi pour toujours la fidélité à une couleur dont on s’aperçoit de la valeur quand elle est traînée dans l’opprobre... Il a permis mon entrée symbolique dans ce monde que je n'allais plus jamais quitter, celui des supporters.
Samedi...pour conclure...
"Un homme n’a pas d’âme qui lui est propre, juste un petit morceau d’une grande âme, et cette grande âme appartient à tout le monde […] Je serai partout dans l’obscurité. Je serai partout où que tu regardes. Là où il y a un combat pour que les gens puissent manger, je serai là. Là où un flic frappe un homme, je serai là …".
Tom Joad, Les Raisins de la Colère
Samedi, nos joueurs vont aller défier nos voisins sans le soutien populaire et légitime que nous avons eu la noblesse de leur accorder en leur faisant confiance quant à l'organisation de leur propre déplacement.
L'iniquité du jugement rendu par la ligue, l'injustice des mesures coercitives organisées par le préfet de « Meurtre et Moselle », le filtrage de la vente des billets sont autant d'humiliations. Mais je les remercie, ces décisions, car elles sont autant de fantômes de bouteilles de bière qui viennent frapper les bonnets grenats.
"Was mich nicht umbringt, macht mich stärker."
Si j'emploie la langue de Goethe avec l'ironie de l'historien qui sait si bien les griefs imbéciles et l'utilisation malhonnête du passé, c'est pour rappeler à nos joueurs que nous serons tous à leurs cotés.
Pas sur ce maillot à 10 € la place pour une tronche au pixel, mais dans leur cœur. Dans le muscle même. Et quand ils perdront une balle, nous serons dix mille à courir avec eux.
Quand ils seront débordés, nous seront dix mille à refaire le retard, quand ils prendront un but, nous serons dix mille à les relever, quand ils déborderont sur l'aile nous serons dix mille à la réception du centre et nous serons dix mille à propulser le ballon dans les filets.
Quand tu entendras, Ahmed, les sifflets de Nancy sur tes courses hargneuses, nous serons dix mille à scander ton nom... Chacun d'entre vous, joueurs, qui avez su gagner notre fierté serez dix mille sur le terrain...
Yes, how many times must a man look up
Before he can see the sky ?
Yes, how many ears must one man have
Before he can hear people cry ?
Yes, how many deaths will it take till he knows
That too many people have died ?
The answer my friend is blowin' in the wind
The answer is blowin' in the wind.
Bob Dylan...