
Diafra Sakho a surpris tout le monde à West Ham et mis Upton Park dans sa poche. Photo AFP
L’ancien attaquant du FC Metz est une révélation de la Premier League, sous le maillot de West Ham. Durant deux jours, Diafra Sakho nous a fait partager son nouveau quotidien à Londres.
Ses coéquipiers l’appellent The fireman. Le pompier. Par une nuit d’octobre, Diafra Sakho avait incendié son appartement à Londres. « Je prenais ma douche , j’avais oublié mon thé sénégalais sur le feu, raconte-t-il amusé. Tout l’immeuble et d’autres joueurs, Valencia, Kouyaté, ont été évacués. Quand je me suis retrouvé en bas, je suis resté dans un coin. La honte. »
REPORTAGE
L’ex-Messin, 25 ans, a d’abord affolé la gazette anglaise par accident. Aujourd’hui, le Royaume lui reconnaît d’autres talents de pyromane. Pour son baptême en Premier League, Sakho pèse 12 buts et 2 passes décisives avec West Ham. Une révélation outre-Manche. « A mon arrivée, dit-il , j’ai demandé au coach combien de buts avait marqué son meilleur attaquant l’an dernier. J‘ai dit que j’en mettrai plus. Et je l’ai fait. »
Dans le fond, le garçon n’a pas changé. Même fonctionnement par objectif et même football généreux, nourri de pressings furieux, de courses incessantes et d’un sens du but indifférent au passage de la L2 à l’élite anglaise. Certains détails disent tout, aujourd’hui, du poids acquis chez les Hammers : Adrian, le gardien, cherche systématiquement la tête de l’attaquant sur ses relances. West Ham s’est aussi empressé de le prolonger, salaire doublé à la clef. Et le public lui a dédié une chanson : « Sakho, he scores when he wants ». Sakho, il marque quand il veut.
Des bonus pour Metz
Plutôt favorable à un prêt, l’entraîneur Sam Allardyce était pourtant sceptique au départ. « Il se demandait qui était ce joueur de 2e division », admet le directeur sportif de West Ham. « Après les tests physiques, je suis allé voir la direction. Diafra avait les meilleurs résultats de l’équipe », prolonge Stijn Vandenbroucke, le responsable médical du club, un peu responsable, aussi, du coup, d’un transfert estimé à 4,8 M€. Metz perçoit une prime à chaque titularisation de Sakho. Bonnard, non ?
Oui, ce nouvel environnement est spectaculaire. Sinon extravagant. Témoin cette scène d’entraînement vendredi, où les joueurs ont soudain dû s’écarter pour… laisser atterrir l’hélico du vice-président. Sakho maintient toutefois son style de vie paisible et solitaire. A consommer des films en VO pour perfectionner son anglais. A engloutir des assiettes quotidiennes de riz au lait, dans un appartement de Canary Wharf, le quartier d’affaires séparé du site olympique par la Tamise. L’immeuble porte bien son nom : Nouvelle Providence. Bientôt, Sakho s’installera dans l’Essex. Il y a trouvé une maison délirante, connectée par téléphone, avec piscine, salle de bain privative pour les six chambres notamment et ce barbecue pantagruélique capable de tenir un bœuf. « Ma mère va halluciner , dit-il. Et ma fille va adorer. »
Finalement, le petit Sénégalais épris d’athlé, qui envisageait une carrière de menuisier au pays, a bien grandi. Avec une détermination innée et un rôle de soutien de famille pour meilleurs carburants, sans oublier ses rages intérieures. Sakho peste encore contre les sifflets de certains supporters mosellans ou d’un autre temps à Metz, quand on ne comptait pas sur lui. « J’ai alors décidé de partir en prêt à Boulogne » pour ronger son frein en silence. Pour comprendre le parcours de Sakho, il faut connaître ses colères car elles ont façonné ce monstre d’orgueil et guidé son travail.
« Diaf’ » reste pourtant attaché aux racines. Il a fait construire une maison aux couleurs du FC Metz à Dakar, veut vivre en Moselle après le foot et se dit sensible au Grenat du maillot de West Ham. Pour l’heure, il veut surtout « faire encore parler de (lui) » et garder les fans en poche. Après chaque but, ses bras dessinent d’ailleurs les marteaux croisés, l’emblème du club. Il parle même d’en faire une coupe de cheveux. C’est tellement lui.
De notre envoyé spécial à Londres, Christian JOUGLEUX.
« Je ne pouvais pas rêver mieux »

L’attaquant est très populaire auprès des fans des Hammers.
Comme au bon vieux temps messin, Diafra Sakho est un client rare pour les interviews. Il a accepté de faire une exception pour évoquer son nouveau quotidien, son bonheur, quelques rancœurs aussi, et les Grenats.
Diafra Sakho, comment vivez-vous ce nouveau quotidien à Londres ? « Je ne pouvais pas rêver mieux. Tout a changé sportivement, financièrement, dans la vie de tous les jours, mais je retrouve aussi un peu de Metz : un maillot grenat, un petit stade, un public proche des joueurs. Je sais que je retournerai vivre à Metz après le foot, mais je suis très content d’être venu ici. »
• A-t-il été question de vous engager ailleurs l’été dernier ? « Mönchengladbach était intéressé, Wolfsburg aussi. Je pensais passer par l’Allemagne, m’y aguerrir deux ans avant de tenter l’aventure anglaise. Ça ne s’est pas fait et je ne le regrette pas. »
• Vous avez d’ailleurs été prolongé et augmenté dès votre première saison… « Oui, j’ai un contrat jusqu’en 2020 avec deux ans de plus en option. Je suis très content ( sourire ). »
• Vous sentez-vous prêt à incarner West Ham aussi longtemps ? « Tout va très vite dans le foot, on ne sait jamais. Moi, je sens que ça prend bien avec les supporters. Ils se demandaient d’où venait ce mec de Ligue 2 et, après deux matches, ils chantaient mon nom. J’ai une chanson pour moi ! Mes coéquipiers la chantent même sous la douche ! En plus, j’ai été élu joueur du mois d’octobre en Premier League et j’ai battu un record du club vieux de 1989, en marquant sept buts en sept matches. Je peux m’arrêter là, je sais déjà que je suis dans l’histoire. Franchement, tout me sourit. »
• En quoi ce championnat est-il si différent ? « L’ambiance d’abord et les frissons quand tu entres dans le stade et que tu entends les gens chanter. Tu sais aussi que le monde entier te regarde, en Chine, en Indonésie, c’est fou de sentir ça. Et, ici, il n’y a qu’un mot écrit dans le vestiaire : Win. Gagnez. A domicile ou à l’extérieur, tu arrives sur le terrain pour gagner. C’est obligatoire. On ne nous a jamais demandé d’aller chercher un nul. »
« Le président est un bon gars »
• Avez-vous progressé avec Teddy Sheringham, à l’entraînement ? « Oui, mais je n’oublie pas que le commencement a eu lieu à Metz. J’en remercie l’entraîneur-adjoint d’ailleurs. Qu’il pleuve, qu’il neige, José ( Jeunechamps ) restait avec moi pour me faire travailler devant le but. Comme Christophe Marichez. Aujourd’hui, je reproduis simplement ces bases avec un coach spécifique qui a un plus grand palmarès. »
• Et Metz, dans tout ça ? « Je suis toujours le club. Des amis à Metz me remontent les infos. L’équipe a fait un bon début de saison, mais n’a pas su maintenir ce rythme. Ça me fait mal de les voir là. Le président, franchement, c’est un bon gars. M. Gaillot est exemplaire lui aussi. Et j’entends que c’est la faute d’Albert ( Cartier ), mais il a fait avec les joueurs qu’il avait ! Il faut dire les choses. ( Dominique ) D’Onofrio, derrière son bureau, s’est trompé dans son recrutement. Je ne comprends pas qu’on lui ait confié le cœur de ce club. Pour moi, ce mec n’est pas capable de gérer ça. »
• Pourquoi tant de ressentiment ? « Il sait pourquoi je lui en veux. Quand j’ai voulu partir, il a dit au président que j’étais cuit, qu’il fallait me vendre, que je ne valais pas trois millions d’euros. Quand un directeur sportif te dit ça, il t’aide à partir. »
• Vous auriez pu rester ? « J’avais envie de changer d’air, mais quand ça n’a pas marché avec Mönchengladbach, on s’était mis d’accord avec le président pour que je reste. Après, je demandais un salaire qui ne lui convenait pas, alors qu’il donne le même à d’autres aujourd’hui… Après les montées en L2 et en L1, je pensais que j’avais droit à cette reconnaissance. Je suis allé là où on me respecte plus. Ici, je gagne en une semaine ce que je devais gagner en un mois en Ligue 1, avec le FC Metz ! »
• Vous parlez souvent d’argent. « Mais qui ne joue pas pour l’argent ? Je suis soutien de famille, je fais aussi ce métier pour elle. Si c’était juste du plaisir, je jouerais avec mes potes au bled. »
• Repensez-vous, parfois, à ce petit garçon qui voulait être menuisier au Sénégal ? « Tout le temps ! Je ne peux pas oublier qui j’étais hier, mais je dois aussi accepter ce que je suis aujourd’hui. Je m’achète une maison, je profite, je souris. Je sais que je n’ai rien volé. J’ai travaillé dur pour arriver là. »
• Avez-vous encore un idéal de footballeur ? « La Ligue des Champions. Et pourquoi pas avec West Ham ? »
A Londres, Ch. J.
Il a rencontré Aliou Cissé
Entre Diafra Sakho et la sélection du Sénégal, il faut parler d’une histoire d’amour contrariée. Son absence, dans les listes d’Alain Giresse, a longtemps ému le pays. L’ex-Messin, très attaché à ses racines, avait finalement été appelé, avait même marqué très vite avec les Lions de la Téranga, mais il s’était aussi blessé au dos, en sélection, et avait dû renoncer à la dernière Coupe d’Afrique des Nations dans un contexte polémique.
Aujourd’hui, le climat tendrait à se réchauffer entre les parties et l’arrivée d’un nouveau sélectionneur, Aliou Cissé, n’y est pas étrangère. Ce dernier a d’ailleurs rendu visite à l’attaquant, samedi, après le match face à Stoke City (1-1). « On a discuté de mon futur , explique l’attaquant des Hammers. Il m’a dit que je pourrais défendre les couleurs de mon pays, si je suis performant. J’ai trouvé un bon mec en face de moi, qui te donne envie de te défoncer pour lui. Un peu comme Albert (Cartier) à Metz. Et comme il a été joueur (PSG, Montpellier, Sedan, Birmingham…) , il comprend la situation. De toute façon, j’aime mon pays. Si je suis sélectionné, je ne peux qu’aller jouer. » Quid des polémiques ? « Il pense que ça ne le regarde pas , que c’est du passé, poursuit Sakho. Il faut regarder devant aujourd’hui. Ce sélectionneur m’a donné envie de repartir sur d’autres bases et de laisser toutes les histoires derrière moi. » Le Sénégal appréciera, mais il devra attendre. Touché à la cuisse, l’attaquant de West Ham a été contraint de quitter ses coéquipiers avant l’heure de jeu, samedi face à Stoke City (1-1). Il devrait être indisponible trois semaines.
Ch. J.