La peau de chagrin, billet d'humeur
Publié : 31 mars 2010, 12:13
La peau de chagrin
« Le cercle de vos jours, figuré par cette Peau, se resserrera suivant la force et le nombre de vos souhaits, depuis le plus léger jusqu'au plus exorbitant »
Honoré de Balzac, La Peau de Chagrin
A l'aube du crépuscule
Ce qui frappe dans l'essoufflement d'une équipe qui peine a trouver ses marques dans une dernière ligne droite, ça n'est pas tant l'indigence de sa production footballistique que l'écart entre les faits et le discours.
C'est de cette dichotomie qui a le don d'exaspérer les supporters que nous sommes, dont je voudrais ici livrer quelques appréciations personnelles. Tout a été dit ici sur les faits de jeux. Certains, avec un art consommé de l'analyse , nous ont éclairé sur les faiblesse récurrentes, les échecs latents et les choix tactiques.
Devant l'évidence du ralentissement comptable de notre moisson d'aucuns en appellent à la guillotine populiste toujours prompte à trouver des boucs émissaires à sacrifier sur l'autel de leur frustration. Stigmatiser untel quand le naufrage est collectif, pointer du doigt un entraîneur quand les choix sont offensifs, sont des démarches défoulatoires et le forum est devenu en grande partie le cimetière morbide des douleurs hurlantes. Elles sont d'autant plus vaines que la « vox populi » n'est plus depuis longtemps la « vox déi ».
Le match contre Strasbourg s'avère être, au fond, pas plus crucial que ceux qui vont suivre. On a parlé de « finales » a jouer en parlant des derniers matchs qui nous conduiront au verdict sportif de fin de saison. Propos absurdes. Mais aussi incantatoires. Magiques même.
Devant la peur de la nuit chacun y va de son langage pour écarter les ombres. Comme si puiser dans les mots, construire un discours permettait d'éclairer un mystère qui fait l'essence même du sport, sa glorieuse incertitude. Qui fait que lorsque le fort rencontre le faible le résultat ne s'écrit pas à l'avance à l'aune des réputations mais bien à la réalité des volontés. Dès lors quatre discours se croisent, quatre paroles s'expriment pour quatre vérités. Qui, à défaut d'être objectives, recèlent en elles les fondements d'une attitude. J'évoquerai donc ces quatre paroles à savoir le Répu, la direction du club, le groupe équipe entraîneur et le public forumistique.
L'art de la critique
Première peau de chagrin qui se rétrécit douloureusement, notre cher journal a évolué. Il y a trente ans le Répu était au FC Metz ce que l'ORTF était au Général de Gaulle. Avec un parfum de Premier Empire, l'organe sus-cité ne tarissait pas d éloge sur un FC Metz finalement emblématique du football français, qui perdait avec panache et gagnait surtout l'estime due à la modestie de ses moyens. La légende, et je dis bien légende du petit club misérable capable de tailler des croupières aux plus fortunés, mais éternellement victime de son inconstance , naîtra dans l'épopée des artilleurs de Metz et culminera dans la fin des années 80 avec les deux victoires en coupes et l'exploit catalan. Le journalisme de l'époque était descriptif parfois enthousiaste mais rarement polémique.
Quand suivirent les années 90, la décennie Muller, une véritable révolution s'opérait. On passait des Artilleurs de Metz à Metz la Pucelle. Genre forteresse inexpugnable, défense de fer, joueurs au charbon et le seul panache qu'on pouvait distinguer n'était plus le fait de quelqu' héros buteur de légende mais bien d'un collectif lancé à toute vapeur. La presse de l'époque ne peut que reconnaître cet age d'or qui a troqué le spectaculaire au profit de l'infrastructure. Infrastructure de l'outil stade et infrastructure d'un fond de jeu d'équipe fondé sur la solidité défensive, l'intransigeante rugosité d'un collectif à toute épreuve.
L'apogée se meurt dans le dithyrambe de 98. Dans les errements qui vont suivre, les erreurs de choix reconnues et assumées, pas un mot dans le journal si ce n'est pas l'entremise de confessions ou d'aveux, tous tardifs venus des acteurs eux même. L'arrivée d'une génération nouvelle, l'évolution générale des médias, la soif d'information et l'indépendance d'esprit ont fait évoluer le Répu.
Certes nous ne sommes pas encore arrivés à un véritable journalisme d'investigation ni aux excès malodorants d'un Parisien libéré de la déontologie et traquant le scandale mais on sent poindre dans nos colonnes locales quelques pointes en direction du club, de son entraîneur et plus subtilement à l'égard de la direction. On pourrait se réjouir de cet élan critique s'il ne se réduisait pas en réalité a répercuter de façon plus ou moins démagogique les impatiences et à suivre par là la remise en cause de l'entraîneur par une commodité qui exempte du travail d'analyse en profondeur. Si une unité s'avérerait nécessaire derrière l'équipe pour un soutien sans faille dans l'épreuve, la presse n'est plus aux ordres, j'en veux pour preuve la querelle dite de la « comparaison » opposant la rédaction à Bernard Serin.
Bernard Serin et la statue du commandeur
Le président du FC Metz vit une période difficile. Il y a une vérité objective celle des chiffres.
D'un budget de 20 à 22 millions d'euros en cas d'accession à l 'élite qui nous placerait parmi les plus modestes du rang supérieur on passerait à un chiffre de 10 millions en cas de maintien à l'étage inférieur qui nous placerait dans un ventre mou sportif préoccupant pour l'avenir d'un club dont les structures s'avérerait ingérable en l'état, je songe au centre de formation en particulier...
Deuxième difficulté, celle d' affirmer une identité à la fois de discours et de personnalité propre à se détacher de l'ombre tutélaire d'un président de légende dont la présence s'étend encore de manière prégnante.
Cela explique largement la nécessité pour Bernard Serin de développer le concept de « comparaison n'est pas raison » quitte en cela à nier quelques évidences et au besoin à remettre les journalistes en place dans une attitude qui s'apparente au déni de la réalité. S'en suit donc une guerre larvée entre les rédacteurs du journal et le Président tenu à un discours volontariste et quelque peu menaçant à l'égard de celui qui sera le fusible idéal en cas d'un échec qu'il faudrait bien reconnaître comme collectif....
Yvon Pouliquen et les joueurs ou le syndrome Domenech
Certes la comparaison est hardie. Mais je tiens à la justifier sur le plan de la communication. Quel est le rôle aujourd'hui d'un entraîneur? Celui de protéger son groupe de joueur vis à vis des médias quitte à endosser par la rigidité du discours la vindicte populaire.
Car après tout il est condamné à justifier ses choix, les assumer et faire de chaque soirs de défaites ou de match nul un tremplin volontariste pour perpétuer une dynamique dont il a la responsabilité.
Positiver devient alors une obligation morale, une sorte d'incantation magique pour rasséréner ses troupes, conforter l'ensemble, stigmatiser le moins possible et gérer les personnalités. Préserver l'unité du groupe, s'interdire tout aveu d'impuissance et affirmer sa démarche dans la cohérence de moyens mis en œuvre pour atteindre des objectifs qui se taisent , nécessite de la part des joueurs un bloc dans le discours que les journalistes s'évertuent à fissurer comme l'exemple de Mokhtari aux conséquences insidieuses. Car il y a au fond, et il serait naïf de refuser de l'admettre, un part de secret dans les choix et les options, car elle reposent sur le jugement des valeurs d'un groupe d'homme à un moment donné où il faut reconnaître la faiblesse des uns et la forme physique d'autres selon des critères qui échappent à la presse et aux spectateurs, et pour lesquels la moindre erreur est sanctionnée sur le terrain par l'implacable du résultat.
Et comme ce secret échappe aux journalistes n'ayant pas accès aux arcanes et aux spectateurs ne constatant que la production finale, ils ne leur restent alors que l'analyse tronquée d'une réalité à percer ou la réaction émotionnelle pour tenter de faire face à la déception d'un désir commun qui ne trouve plus de raison d'espérer.
Le public forumistique, limite d'un discours
La lecture du forum devient alors, dans ses conditions, limitée. A l'instar d'une société qui communique sur l'immédiateté, la réaction est sanctifiée. Réagir, c'est à dire laisser parler son cœur, ses passions, ses frustrations, sa colère, son dépit, devient un besoin catharsique. Ici , parfois, cela tient de l'exclamation, de l'insulte voire du borborygme. Et quand le débordement devient collectif, les imprécations sans appel, on n'est pas loin de certaines foules de sinistre mémoire.
Je pourrais rêver d'un lieu qui étant offert, permettrait d'exprimer les nuances, partager les interrogations, nuancer les perceptions, asseoir la sévérité sur l'analyse, la critique sur l'argumentaire , et faire ainsi du forum un média exprimant de façon originale et constructive un ressenti qui puisse se différencier d'une presse enfermée dans ses contraintes,
d'un discours de direction rompu a vendre une image et un entraîneur et ses joueurs condamnés à faire de l'espoir sa nourriture quotidienne pour que le rêve se porte le plus longtemps possible...
« Le cercle de vos jours, figuré par cette Peau, se resserrera suivant la force et le nombre de vos souhaits, depuis le plus léger jusqu'au plus exorbitant »
Honoré de Balzac, La Peau de Chagrin
A l'aube du crépuscule
Ce qui frappe dans l'essoufflement d'une équipe qui peine a trouver ses marques dans une dernière ligne droite, ça n'est pas tant l'indigence de sa production footballistique que l'écart entre les faits et le discours.
C'est de cette dichotomie qui a le don d'exaspérer les supporters que nous sommes, dont je voudrais ici livrer quelques appréciations personnelles. Tout a été dit ici sur les faits de jeux. Certains, avec un art consommé de l'analyse , nous ont éclairé sur les faiblesse récurrentes, les échecs latents et les choix tactiques.
Devant l'évidence du ralentissement comptable de notre moisson d'aucuns en appellent à la guillotine populiste toujours prompte à trouver des boucs émissaires à sacrifier sur l'autel de leur frustration. Stigmatiser untel quand le naufrage est collectif, pointer du doigt un entraîneur quand les choix sont offensifs, sont des démarches défoulatoires et le forum est devenu en grande partie le cimetière morbide des douleurs hurlantes. Elles sont d'autant plus vaines que la « vox populi » n'est plus depuis longtemps la « vox déi ».
Le match contre Strasbourg s'avère être, au fond, pas plus crucial que ceux qui vont suivre. On a parlé de « finales » a jouer en parlant des derniers matchs qui nous conduiront au verdict sportif de fin de saison. Propos absurdes. Mais aussi incantatoires. Magiques même.
Devant la peur de la nuit chacun y va de son langage pour écarter les ombres. Comme si puiser dans les mots, construire un discours permettait d'éclairer un mystère qui fait l'essence même du sport, sa glorieuse incertitude. Qui fait que lorsque le fort rencontre le faible le résultat ne s'écrit pas à l'avance à l'aune des réputations mais bien à la réalité des volontés. Dès lors quatre discours se croisent, quatre paroles s'expriment pour quatre vérités. Qui, à défaut d'être objectives, recèlent en elles les fondements d'une attitude. J'évoquerai donc ces quatre paroles à savoir le Répu, la direction du club, le groupe équipe entraîneur et le public forumistique.
L'art de la critique
Première peau de chagrin qui se rétrécit douloureusement, notre cher journal a évolué. Il y a trente ans le Répu était au FC Metz ce que l'ORTF était au Général de Gaulle. Avec un parfum de Premier Empire, l'organe sus-cité ne tarissait pas d éloge sur un FC Metz finalement emblématique du football français, qui perdait avec panache et gagnait surtout l'estime due à la modestie de ses moyens. La légende, et je dis bien légende du petit club misérable capable de tailler des croupières aux plus fortunés, mais éternellement victime de son inconstance , naîtra dans l'épopée des artilleurs de Metz et culminera dans la fin des années 80 avec les deux victoires en coupes et l'exploit catalan. Le journalisme de l'époque était descriptif parfois enthousiaste mais rarement polémique.
Quand suivirent les années 90, la décennie Muller, une véritable révolution s'opérait. On passait des Artilleurs de Metz à Metz la Pucelle. Genre forteresse inexpugnable, défense de fer, joueurs au charbon et le seul panache qu'on pouvait distinguer n'était plus le fait de quelqu' héros buteur de légende mais bien d'un collectif lancé à toute vapeur. La presse de l'époque ne peut que reconnaître cet age d'or qui a troqué le spectaculaire au profit de l'infrastructure. Infrastructure de l'outil stade et infrastructure d'un fond de jeu d'équipe fondé sur la solidité défensive, l'intransigeante rugosité d'un collectif à toute épreuve.
L'apogée se meurt dans le dithyrambe de 98. Dans les errements qui vont suivre, les erreurs de choix reconnues et assumées, pas un mot dans le journal si ce n'est pas l'entremise de confessions ou d'aveux, tous tardifs venus des acteurs eux même. L'arrivée d'une génération nouvelle, l'évolution générale des médias, la soif d'information et l'indépendance d'esprit ont fait évoluer le Répu.
Certes nous ne sommes pas encore arrivés à un véritable journalisme d'investigation ni aux excès malodorants d'un Parisien libéré de la déontologie et traquant le scandale mais on sent poindre dans nos colonnes locales quelques pointes en direction du club, de son entraîneur et plus subtilement à l'égard de la direction. On pourrait se réjouir de cet élan critique s'il ne se réduisait pas en réalité a répercuter de façon plus ou moins démagogique les impatiences et à suivre par là la remise en cause de l'entraîneur par une commodité qui exempte du travail d'analyse en profondeur. Si une unité s'avérerait nécessaire derrière l'équipe pour un soutien sans faille dans l'épreuve, la presse n'est plus aux ordres, j'en veux pour preuve la querelle dite de la « comparaison » opposant la rédaction à Bernard Serin.
Bernard Serin et la statue du commandeur
Le président du FC Metz vit une période difficile. Il y a une vérité objective celle des chiffres.
D'un budget de 20 à 22 millions d'euros en cas d'accession à l 'élite qui nous placerait parmi les plus modestes du rang supérieur on passerait à un chiffre de 10 millions en cas de maintien à l'étage inférieur qui nous placerait dans un ventre mou sportif préoccupant pour l'avenir d'un club dont les structures s'avérerait ingérable en l'état, je songe au centre de formation en particulier...
Deuxième difficulté, celle d' affirmer une identité à la fois de discours et de personnalité propre à se détacher de l'ombre tutélaire d'un président de légende dont la présence s'étend encore de manière prégnante.
Cela explique largement la nécessité pour Bernard Serin de développer le concept de « comparaison n'est pas raison » quitte en cela à nier quelques évidences et au besoin à remettre les journalistes en place dans une attitude qui s'apparente au déni de la réalité. S'en suit donc une guerre larvée entre les rédacteurs du journal et le Président tenu à un discours volontariste et quelque peu menaçant à l'égard de celui qui sera le fusible idéal en cas d'un échec qu'il faudrait bien reconnaître comme collectif....
Yvon Pouliquen et les joueurs ou le syndrome Domenech
Certes la comparaison est hardie. Mais je tiens à la justifier sur le plan de la communication. Quel est le rôle aujourd'hui d'un entraîneur? Celui de protéger son groupe de joueur vis à vis des médias quitte à endosser par la rigidité du discours la vindicte populaire.
Car après tout il est condamné à justifier ses choix, les assumer et faire de chaque soirs de défaites ou de match nul un tremplin volontariste pour perpétuer une dynamique dont il a la responsabilité.
Positiver devient alors une obligation morale, une sorte d'incantation magique pour rasséréner ses troupes, conforter l'ensemble, stigmatiser le moins possible et gérer les personnalités. Préserver l'unité du groupe, s'interdire tout aveu d'impuissance et affirmer sa démarche dans la cohérence de moyens mis en œuvre pour atteindre des objectifs qui se taisent , nécessite de la part des joueurs un bloc dans le discours que les journalistes s'évertuent à fissurer comme l'exemple de Mokhtari aux conséquences insidieuses. Car il y a au fond, et il serait naïf de refuser de l'admettre, un part de secret dans les choix et les options, car elle reposent sur le jugement des valeurs d'un groupe d'homme à un moment donné où il faut reconnaître la faiblesse des uns et la forme physique d'autres selon des critères qui échappent à la presse et aux spectateurs, et pour lesquels la moindre erreur est sanctionnée sur le terrain par l'implacable du résultat.
Et comme ce secret échappe aux journalistes n'ayant pas accès aux arcanes et aux spectateurs ne constatant que la production finale, ils ne leur restent alors que l'analyse tronquée d'une réalité à percer ou la réaction émotionnelle pour tenter de faire face à la déception d'un désir commun qui ne trouve plus de raison d'espérer.
Le public forumistique, limite d'un discours
La lecture du forum devient alors, dans ses conditions, limitée. A l'instar d'une société qui communique sur l'immédiateté, la réaction est sanctifiée. Réagir, c'est à dire laisser parler son cœur, ses passions, ses frustrations, sa colère, son dépit, devient un besoin catharsique. Ici , parfois, cela tient de l'exclamation, de l'insulte voire du borborygme. Et quand le débordement devient collectif, les imprécations sans appel, on n'est pas loin de certaines foules de sinistre mémoire.
Je pourrais rêver d'un lieu qui étant offert, permettrait d'exprimer les nuances, partager les interrogations, nuancer les perceptions, asseoir la sévérité sur l'analyse, la critique sur l'argumentaire , et faire ainsi du forum un média exprimant de façon originale et constructive un ressenti qui puisse se différencier d'une presse enfermée dans ses contraintes,
d'un discours de direction rompu a vendre une image et un entraîneur et ses joueurs condamnés à faire de l'espoir sa nourriture quotidienne pour que le rêve se porte le plus longtemps possible...