RL 10/08 - Merlin le travailleur
Publié : 10 août 2010, 06:15
Merlin Tandjigora s’est mis en évidence face à Evian : « Mais avec le recul, peut-être que j’en ai fait un peu trop », relève le Gabonais. Photo Pascal BROCARD
Merlin Tandjigora poursuit sa découverte : après la coupe de la Ligue, le milieu de terrain gabonais a effectué ses premiers pas en Ligue 2 face à Evian. Vif, tonique et combatif, Merlin le travailleur a séduit Dominique Bijotat.
L e ventre affamé n’a point d’oreille, dit-on en Afrique. Alors moi, je dévore tout ce qui se présente. » On s’en délecte, de ces proverbes africains, nourris de bon sens et étranger à un vocabulaire sophistiqué et surfait. Converser avec Merlin Tandjigora consiste dans un premier temps à se familiariser avec un français académique. Un français certes un brin désuet, mais un français pensé, réfléchi.
Plus que le niveau d’aptitudes mentales injustement moqué par les allergiques de la chose sportive, l’étroitesse du football convoque, comme dans d’autres disciplines, des lieux communs vides de sens à force de les explorer : « Prendre les matchs les uns après les autres », « il faut travailler », « on attend du groupe une révolte », font partie des discours usuels.
Le jeune milieu de terrain du FC Metz, débarqué la saison dernière de son Gabon natal et qui a vécu coup sur coup ses deux premières titularisations avec l’équipe première, d’abord contre Clermont en Coupe de la Ligue puis vendredi dernier face à Evian, sort, lui, du cadre. Pourquoi ? Parce que, comme nombre d’enfants nés sur le continent africain, il porte une histoire singulière. Et pas forcément lestée de relents de misérabilisme…
L’acte de naissance de son parcours est traditionnel, conforme à cette passion immensément partagée en Afrique : « Mon frère aîné avait beaucoup de jouets. Mais le jour où ma tante m’a offert mon premier ballon, j’étais l’enfant le plus heureux du monde ». Merlin vit alors à Ngoue, province du Gabon dirigé par un certain Mouila.
La suite est prévisible : un ballon qui l’escorte « partout, dans la maison, sur le terrain de l’école jour et nuit ». Puis un drame : « La perte de mes parents à l’adolescence ». Et un bienfaiteur : « Mon oncle Alfred Mabika, ancien ministre des sports qui m’a recueilli ». De l’école nationale de football de Port-Gentil, Merlin poursuivra sa carrière au Stade Mandji à 17 ans, dans l’élite de son pays.
« Doubler d’efforts »
Trois saisons dont deux pleines, une première sélection espoirs et un titre de meilleur jeune du pays le conduiront à l’exil : à Metz, où il a posé ses bagages pour devenir, la saison dernière, un artisan majeur de la remontée en CFA. Le conte de Merlin se poursuit cette année… « C’est quelqu’un qui ne traverse pas les entraînements. Il est allé chercher sa place », témoigne Dominique Bijotat. L’enchanteur a charmé son monde. Vendredi, la prestation de Tandjigora résume, à elle seule, le comportement général de l’équipe messine : « Il a osé, il a entrepris, il a débordé. Mais il a rencontré du déchet dans la zone de vérité où tout se resserre, même le temps », observe l’entraîneur.
Tandjigora est pourtant un jeune homme pressé : « J’ai des objectifs élevés. Contrairement à d’autres Africains qui viennent en Europe pour l’argent, moi, je souhaite surtout parfaire ma connaissance footballistique, devenir un footballeur de très haut niveau. Dans mon pays, il n’y a pas encore de personnalités comme Drogba ou Eto’o ».
Pressé, ambitieux mais aussi bien éduqué. Le recrutement de Kévin Diaz apporte une concurrence nouvelle sur le flanc gauche du FC Metz : « Mais je ne me formaliserai pas si Kévin joue. C’est mon aîné, il a pour lui sa maturité professionnelle. Je vais apprendre de lui, doubler d’efforts ». Se dépasser dans un contexte concurrentiel, à un autre poste que celui qu’il affectionne tant (« milieu défensif »). La tâche s’annonce de taille. Mais pas insurmontable. Un dernier proverbe en magasin ? « La voie du salut ne commence pas toujours par la joie ». Le FC Metz peut s’en inspirer…
Jean-Michel CAVALLI.
Publié le 10/08/2010