Toute une vie
Publié : 05 oct. 2010, 17:59
1984.
George Orwell.Big Brother is watching you. Je regarde mon père. J'ai 6 ans. Je crois que c'est la première fois que je m'intéresse à ce qu'il lit: le Républicain Lorrain. On parle de la victoire du FC Metz en coupe de France, contre Monaco. J'ai le souvenir de la couleur du maillot, et puis rien.
Quelques mois plus tard, on en parle, le grand Barça est tombé, je revois ce maillot, et puis rien. Les années passent. L'enfant du pays haut grandit, et les grenats gagnent la coupe de France une nouvelle fois pour mes 10 ans, beaucoup plus dur cette fois.
Et c'est là que ça commence, les journaux se suivent et je ne loupe rien, je demande même à mes parents un abonnement à France Football comme cadeau d'anniversaire.
88-89-90-91, le FC Metz traverse les saisons dans le ventre mou du championnat, peu de coups d'éclat, des parcours réguliers, pas très enthousiasmant. Sauf quand on a le cœur grenat, la moindre victoire, le moindre but d'exception agitent les neurones, j'affiche les posters et je fais le tour des copains pour compléter la page Fc Metz de mon album Panini. Kastendeuch, l'emblème, je ne l'aurais pas, c'est pas possible!!!
13 ans, mes parents m'offrent un stage de foot au Fc Metz. Je rencontre des gamins venant de toute la Lorraine, je ne connais personne et pourtant, on se reconnait tous. On a les yeux qui brillent en visitant les vestiaires, je fais mon malin quand un autre me demande qui est tel joueur: "Bah Claude Massa! Pff". On assiste aux entrainements, je me casse le pied en renvoyant un ballon sorti du terrain d'entrainement après lequel courrait Chanlot! Ah Chanlot, ses dribbles déroutant sur son aile droite, bonne pioche pour un gars issu de Louhans-Cuiseaux. J'interpelle Drago, il se retourne et je me fais réprimander car ils sont en pleine opposition.
Au bout d'une semaine, c'est Ettorre et Cartier qui nous signent les photos dédicacées. Retour à la maison. Les mois les uns après les autres, les papinades de Calderaro avant son départ pour le PSG qui cassera sa carrière aux portes de l'équipe de France, comme tant d'autres, Séchet etc. L'étoile filante Asanovic qui nous joue un sale tour et part pour Cannes l'européen. Mon idole Kubik l'exemplaire.
Survient la déchirure, Mon père est muté dans le Sud. 14 ans, ils auraient pu attendre que j'ai fini mon collège, la transition collège-lycée aurait été moins dure. Mais non, j'arrive à Carpentras en 3ème: collège Raspail. Là-bas, c'est bizarre. Je passe du monde ouvrier ouvert et solidaire de Longwy, au monde paysan et nombriliste du Vaucluse. Les écharpes sont bleues et blanches et l'Ouvèze ravage Vaison La Romaine en laissant quelques personnes mortes derrière elle. Et même des enfants... Les promoteurs avaient fait construire, avec l'accord de la mairie, en zone inondable. Jamais punis.
Tant pis, j'affiche la couleur, moi c'est grenat et blanc. On se moque dans un sens comme dans l'autre, je ne suis pas très crédible, l'OM devient champion d'Europe. Mais c'est là que le vent tourne. L'Om triche, et c'est la D2. Je prends le dessus dans les débats, et le duo Pouget-Pirès, sans oublier les excellents Zitelli, Song ou Songo'o me permettent de faire le fier. Coupe de la Ligue 96, pas vraiment méritée...
Arrive 98, la pire année du FC Metz, et pourtant la plus belle. Je sors du lycée où j'ai un peu trainé, les babys, le flipper, le billard et la marie-jeanne ne font pas avoir le bac. L'apogée, un régal qui ne peut que bien se terminer, c'est pas possible autrement, on est premier avec un petit matelas d'avance. Et on perd à domicile contre Lens, le match à ne pas perdre, on ne s'en remettra jamais. Je me mets à maudire Florian Maurice que je détesterais le reste de sa vie, pour le plongeon de comédien qu'il nous fait à Paris, nous privant de la victoire, c'était pourtant bien des semaines voire des mois avant. On perd le championnat à la différence de buts. A la différence de buts quoi...il nous fallait un point. ******** de Florian Maurice...
Heureusement, la coupe du monde nous fait oublier tout ça, on se dit que Pirès était encore messin au 12 Juillet et qu'on aura donc un champion du monde messin. Et on s'imagine dans les poules de la Ligue des Champions. Mmhh c'est beau les matchs joués d'avance. Metz ne se remettra jamais de ce championnat loupé pour un point. Helsinki nous tue une 2ème fois, des fois qu'on bouge encore.
Et c'est la fin, on a de l'argent, on vend les meilleurs, Pirès à l'OM, Blanchard à la Juve, Song au promu italien Salernitana etc etc. Et on recrute mal, très mal, en payant des salaires à prix d'or pour des joueurs de seconde zone. C'est le retour au ventre mou. On se retrouve bien en finale de la coupe la ligue une nouvelle fois, mais Lens nous fait la peau une nouvelle fois. Quelque chose est mort au pays. On descend même en D2, mettant fin à la dernière chose qui faisait notre fierté, notre longévité à se maintenir en D1. Mais ça ne peut qu'être une erreur de parcours. On remonte aussitôt en atomisant tout le monde, on se permet même de faire n'importe quoi en fin de saison. Nous voilà de retour en Ligue 1, la normalité quoi. On a failli avoir peur, on retrouve un peu la bonne humeur face aux collègues qui voient l'Om remonter petit à petit.
Feu de paille, on est ridicule, bon dernier de Ligue 1, et retour à la Ligue 2, illico presto, on n'a pas le niveau, on fait illusion 2 saisons, et le néant aujourd'hui.
Parcours résultant d'une seule chose: 1 point en 98. Enc... de Florian Maurice.
On se dit que cette fois c'est fini, c'en est trop. Le FC metz passera désormais au 2eme plan, voire au 3ème. On a d'autres choses à faire. Plus intéressantes, moins énervantes. C'est décidé.
On jettera juste un coup d'œil à l'équipe.fr pour voir le résultat, forcément décevant, en espérant secrètement que c'était juste une blague depuis quelques saisons, et qu'en fait on va remonter, et se maintenir, revenir dans le ventre mou. Ah, quelle ambition! Le ventre mou de la Ligue 1, je payerais cher pour revivre ça.
On jettera un oeil, on mettra quand même la radio les soirs de match si on est dans la voiture, des fois que. On passera sur le site pour voir si ça bouge. Sur le forum pour voir le moral des autres. Pour s'assurer qu'on est toujours pas tout seul.
On a pas choisi. On est grenat ou on ne l'est pas. Si on l'est de loin ou de près, on l'est, on a mal au ventre, on s'emporte ou on relativise. On s'énerve ou on calme les choses. Ça nous tombe dessus comme ça, un jour, sans qu'on s'en doute.
Je regarde mon père, j'ai 6 ans.
George Orwell.Big Brother is watching you. Je regarde mon père. J'ai 6 ans. Je crois que c'est la première fois que je m'intéresse à ce qu'il lit: le Républicain Lorrain. On parle de la victoire du FC Metz en coupe de France, contre Monaco. J'ai le souvenir de la couleur du maillot, et puis rien.
Quelques mois plus tard, on en parle, le grand Barça est tombé, je revois ce maillot, et puis rien. Les années passent. L'enfant du pays haut grandit, et les grenats gagnent la coupe de France une nouvelle fois pour mes 10 ans, beaucoup plus dur cette fois.
Et c'est là que ça commence, les journaux se suivent et je ne loupe rien, je demande même à mes parents un abonnement à France Football comme cadeau d'anniversaire.
88-89-90-91, le FC Metz traverse les saisons dans le ventre mou du championnat, peu de coups d'éclat, des parcours réguliers, pas très enthousiasmant. Sauf quand on a le cœur grenat, la moindre victoire, le moindre but d'exception agitent les neurones, j'affiche les posters et je fais le tour des copains pour compléter la page Fc Metz de mon album Panini. Kastendeuch, l'emblème, je ne l'aurais pas, c'est pas possible!!!
13 ans, mes parents m'offrent un stage de foot au Fc Metz. Je rencontre des gamins venant de toute la Lorraine, je ne connais personne et pourtant, on se reconnait tous. On a les yeux qui brillent en visitant les vestiaires, je fais mon malin quand un autre me demande qui est tel joueur: "Bah Claude Massa! Pff". On assiste aux entrainements, je me casse le pied en renvoyant un ballon sorti du terrain d'entrainement après lequel courrait Chanlot! Ah Chanlot, ses dribbles déroutant sur son aile droite, bonne pioche pour un gars issu de Louhans-Cuiseaux. J'interpelle Drago, il se retourne et je me fais réprimander car ils sont en pleine opposition.
Au bout d'une semaine, c'est Ettorre et Cartier qui nous signent les photos dédicacées. Retour à la maison. Les mois les uns après les autres, les papinades de Calderaro avant son départ pour le PSG qui cassera sa carrière aux portes de l'équipe de France, comme tant d'autres, Séchet etc. L'étoile filante Asanovic qui nous joue un sale tour et part pour Cannes l'européen. Mon idole Kubik l'exemplaire.
Survient la déchirure, Mon père est muté dans le Sud. 14 ans, ils auraient pu attendre que j'ai fini mon collège, la transition collège-lycée aurait été moins dure. Mais non, j'arrive à Carpentras en 3ème: collège Raspail. Là-bas, c'est bizarre. Je passe du monde ouvrier ouvert et solidaire de Longwy, au monde paysan et nombriliste du Vaucluse. Les écharpes sont bleues et blanches et l'Ouvèze ravage Vaison La Romaine en laissant quelques personnes mortes derrière elle. Et même des enfants... Les promoteurs avaient fait construire, avec l'accord de la mairie, en zone inondable. Jamais punis.
Tant pis, j'affiche la couleur, moi c'est grenat et blanc. On se moque dans un sens comme dans l'autre, je ne suis pas très crédible, l'OM devient champion d'Europe. Mais c'est là que le vent tourne. L'Om triche, et c'est la D2. Je prends le dessus dans les débats, et le duo Pouget-Pirès, sans oublier les excellents Zitelli, Song ou Songo'o me permettent de faire le fier. Coupe de la Ligue 96, pas vraiment méritée...
Arrive 98, la pire année du FC Metz, et pourtant la plus belle. Je sors du lycée où j'ai un peu trainé, les babys, le flipper, le billard et la marie-jeanne ne font pas avoir le bac. L'apogée, un régal qui ne peut que bien se terminer, c'est pas possible autrement, on est premier avec un petit matelas d'avance. Et on perd à domicile contre Lens, le match à ne pas perdre, on ne s'en remettra jamais. Je me mets à maudire Florian Maurice que je détesterais le reste de sa vie, pour le plongeon de comédien qu'il nous fait à Paris, nous privant de la victoire, c'était pourtant bien des semaines voire des mois avant. On perd le championnat à la différence de buts. A la différence de buts quoi...il nous fallait un point. ******** de Florian Maurice...
Heureusement, la coupe du monde nous fait oublier tout ça, on se dit que Pirès était encore messin au 12 Juillet et qu'on aura donc un champion du monde messin. Et on s'imagine dans les poules de la Ligue des Champions. Mmhh c'est beau les matchs joués d'avance. Metz ne se remettra jamais de ce championnat loupé pour un point. Helsinki nous tue une 2ème fois, des fois qu'on bouge encore.
Et c'est la fin, on a de l'argent, on vend les meilleurs, Pirès à l'OM, Blanchard à la Juve, Song au promu italien Salernitana etc etc. Et on recrute mal, très mal, en payant des salaires à prix d'or pour des joueurs de seconde zone. C'est le retour au ventre mou. On se retrouve bien en finale de la coupe la ligue une nouvelle fois, mais Lens nous fait la peau une nouvelle fois. Quelque chose est mort au pays. On descend même en D2, mettant fin à la dernière chose qui faisait notre fierté, notre longévité à se maintenir en D1. Mais ça ne peut qu'être une erreur de parcours. On remonte aussitôt en atomisant tout le monde, on se permet même de faire n'importe quoi en fin de saison. Nous voilà de retour en Ligue 1, la normalité quoi. On a failli avoir peur, on retrouve un peu la bonne humeur face aux collègues qui voient l'Om remonter petit à petit.
Feu de paille, on est ridicule, bon dernier de Ligue 1, et retour à la Ligue 2, illico presto, on n'a pas le niveau, on fait illusion 2 saisons, et le néant aujourd'hui.
Parcours résultant d'une seule chose: 1 point en 98. Enc... de Florian Maurice.
On se dit que cette fois c'est fini, c'en est trop. Le FC metz passera désormais au 2eme plan, voire au 3ème. On a d'autres choses à faire. Plus intéressantes, moins énervantes. C'est décidé.
On jettera juste un coup d'œil à l'équipe.fr pour voir le résultat, forcément décevant, en espérant secrètement que c'était juste une blague depuis quelques saisons, et qu'en fait on va remonter, et se maintenir, revenir dans le ventre mou. Ah, quelle ambition! Le ventre mou de la Ligue 1, je payerais cher pour revivre ça.
On jettera un oeil, on mettra quand même la radio les soirs de match si on est dans la voiture, des fois que. On passera sur le site pour voir si ça bouge. Sur le forum pour voir le moral des autres. Pour s'assurer qu'on est toujours pas tout seul.
On a pas choisi. On est grenat ou on ne l'est pas. Si on l'est de loin ou de près, on l'est, on a mal au ventre, on s'emporte ou on relativise. On s'énerve ou on calme les choses. Ça nous tombe dessus comme ça, un jour, sans qu'on s'en doute.
Je regarde mon père, j'ai 6 ans.