Avec neuf buts inscrits en quinze matches, l’attaque du FC Metz est la moins efficace du championnat. Et forcément, le doute entre désormais en jeu. Trois anciens buteurs messins évoquent le phénomène.
Diafra Sakho, deux buts depuis le début du championnat, n’échappe pas au doute qui ronge actuellement une équipe messine en panne d’efficacité. Photo Pascal BROCARD
Bernard Zénier, Cyril Pouget et Gérald Baticle : non, ces trois noms ne sont pas ceux des futurs renforts du FC Metz. L’histoire du club à la Croix de Lorraine, les trois hommes y sont déjà entrés, chacun à leur époque. Et ils l’ont marquée.
DOSSIER
A eux tous, ces anciens attaquants ont inscrit la bagatelle de cent quatorze buts, la palme revenant au plus grisonnant d’entre eux, Bernard Zénier, avec soixante-six réalisations. Du haut de leur expérience, chacun d’entre eux s’est penché sur le mal que rencontrent tous les attaquants à un moment donné de leur carrière : le doute. Une notion d’actualité pour l’ancien club des trois intervenants…
Question n°1 : la jeunesse d’un attaquant peut-elle expliquer son inefficacité ?
Bernard Zénier : « Je vais dire non. C’est difficile d’apprendre à quelqu’un à marquer des buts. C’est quelque chose qu’un joueur a en lui ou n’a pas, et cela qu’il soit poussin ou senior… Je pense même que la jeunesse est un atout. Bien sûr, elle n’évite pas le stress d’avant match, mais je ne suis pas sûr qu’un jeune joueur mesure tout ce qui se passe autour de lui. Ça lui évite de se faire des nœuds dans la tête. »
Cyril Pouget : « Je ne pense pas. La jeunesse est une force, parce qu’elle induit une forme d’insouciance. Ça permet de jouer à l’instinct. Maintenant, c’est vrai que cette même jeunesse peut être un poids pour celui qui évolue dans une équipe en difficultés, comme c’est le cas en ce moment à Metz. »
Gérald Baticle : « Oui, dans la mesure où un jeune joueur peut plus facilement céder au doute qu’un garçon plus expérimenté. Celui qui a déjà été confronté à l’inefficacité sait, en général, ce qu’il faut faire pour sortir d’une période de disette. Mais la jeunesse peut aussi être un atout. »
« Il se dit : pourvu que je marque »
Question n°2 : quel est le mécanisme par lequel un attaquant plonge dans le doute ?
B. Z. : « Quand il ne marque pas au bout de quatre ou cinq matches… Mais il n’y a pas que cette inefficacité. Lorsque tu ne te sens pas "dans le jeu", par exemple lorsque tu n’es pas à l’endroit où le ballon retombe, lorsqu’on te met le ballon en profondeur alors que tu l’attendais dans les pieds… Tout cela fait que la concentration s’éparpille. »
C. P. : « A mon avis, c’est lorsqu’il se dit : "mon job, ce n’est que de marquer." On l’a encore vu lors de Barcelone - Real, il n’y a pas que les attaquants pour trouver les filets. Le problème du doute, c’est qu’il faut des occasions pour en sortir. Personne n’est capable d’avoir 100 % de réussite. Alors si tu n’as qu’une occasion par match pour marquer… »
G. B. : « L’accumulation de ratés. Ce n’est pas une seule occasion manquée qui te fait douter, ou alors cela ne dure que quelques minutes, c’est bel et bien cette succession de loupés, au fil des matches. Quand un joueur met les pieds dans le doute il ne se dit plus : "il y a un match, je vais marquer", "mais il y a un match, pourvu que je marque".
« ll ne peut pas faire de miracle »
Question n°3 : quel(s) remède(s) contre le doute ?
B. Z. : « C’est avant tout le travail qui peut te permettre de revenir dans le coup. Après, il y a un tas de petites choses pour t’aider, des mots de ton entraîneur, de tes coéquipiers… Et il y a aussi la personnalité du joueur. Un attaquant ne peut pas tout faire tout seul. Mais il n’en demeure pas moins qu’on voit sa qualité à sa capacité à faire basculer un match. »
C. P. : « Il faut répéter devant le but, un maximum de gestes. Le turn-over permet aussi de débloquer certaines situations. Se retrouver sur le banc permet parfois de se remettre dans le sens de la marche. Mais ça peut être à double tranchant si celui qui te remplace se met à marquer… Pour finir, je dirais qu’il ne faut pas tomber dans la facilité et se contenter de mettre la faute sur l’attaquant : s’il n’a pas la sensation que son équipe maîtrise les débats, s’il n’a pas de ballons, il ne peut pas faire de miracle. »
G. B. : « Moi, quand je traversais une période de disette, je poursuivais les entraînements en faisant un quart d’heure, vingt minutes supplémentaires devant le but, et je frappais, je frappais… J’aimais bien aussi regarder des cassettes vidéo, je me souviens, j’avais celle des plus beaux buts de Jean-Pierre Papin. Il m’arrivait aussi de regarder mes propres buts. Je travaillais mon mental avec l’image. Mais bon, il n’y a sans doute pas une recette unique. Et s’il était si facile d’inverser la tendance, de laisser le doute derrière soi, j’aurais sans doute fait une autre carrière… »
Cédric BROUT.