RL : Christian Gourcuff : « Je suis un privilégié »
Professeur de mathématiques, théoricien à ses heures et adepte d’un jeu simple, Christian Gourcuff est un personnage singulier. L’entraîneur de Lorient livre son ambition en Coupe de France à l’heure de recevoir Metz.
Êtes-vous conscient que Lorient représente une espèce en voie de disparition dans cette Coupe de France ? « Il est vrai que pas mal de gros sont tombés. Cela démontre que des équipes de L1 ne sont pas à l’abri. En seizièmes, nous avons d’ailleurs éprouvé beaucoup de difficultés à nous en sortir face à un club de CFA 2. »
• Evoluer à domicile, face à un club en difficulté en Ligue 2, doit tout de même vous rassurer ? « Disons que le fait de jouer à la maison constitue un plus. J’ai aussi conscience que la priorité de Metz demeure le championnat et donc plutôt le déplacement samedi à Vannes. La chose positive, c’est que nous abordons cette rencontre dans de bonnes dispositions après notre succès en championnat contre Brest. Cela nous libère d’un poids. »
• Compte tenu des équipes encore en lice, Lorient se serait-il découvert une ambition ? « A la base, la Coupe de France n’était pas un de nos objectifs prioritaires. Mais plus on avance, plus on se dit qu’il y a quelque chose à jouer. Et puis pour notre public, cette compétition se révèle plus exaltante que la perspective du seul maintien en L1. Cela pimente une saison et réveille de bons souvenirs, ceux de l’épopée en 2001. »
• A l’image d’un Guy Roux à Auxerre, votre nom semble définitivement associé à Lorient. Comment expliquez-vous ce rapport de confiance ? « C’est une longue histoire commune qui a forgé ce lien. Elle s’est faite en trois étapes : de 1982 à 1986, nous sommes passés de DH à la 2e division ; ensuite de 1991 à 2001, c’est là qu’est intervenue la véritable professionnalisation du club. Et depuis 2003, nous avons encore franchi un palier, que ce soit structurel avec un stade enfin fini et la perspective de disposer, l’année prochaine, d’un centre d’entraînement moderne. »
• Votre équipe est réputée pour produire du "beau jeu", presque une rareté en Ligue 1. Comment vous y prenez-vous ? « C’est notre façon de concevoir le football. Ici, il y a une méthodologie. Tous les éducateurs du club sont d’anciens joueurs et la respectent. »
« Kévin Gameiro reste »
• Sur quoi repose cette méthodologie ? « Sur les notions de mouvement et de collectif. Notre organisation en 4-4-2 est immuable : à la fois rationnelle et souple, elle ne bride pas les joueurs. Cela peut paraître atypique dans le milieu, mais pour nous, le duel n’existe pas, on le refuse. Nous sommes perpétuellement à la recherche d’un collectif qui s’épanouit par le jeu de passes. Pour moi, le football est avant tout un sport d’évitement. »
• Pensez-vous pouvoir exporter cette vision dans un autre club ? « C’est très difficile. Lorsque Rennes était venu me chercher en 2001 avec un contrat de 5 ans, c’était dans cette optique. Seulement ce genre de projet bouscule les habitudes d’un club. Les dirigeants sont pressés de réussir, ils n’ont pas forcément de convictions fortes au niveau de la sensibilité du jeu. »
• Finalement, quitter Lorient ne serait pas une bonne idée ? « Contrairement à ce qui se voit ailleurs, je bénéficie d’un staff technique très stable. Alors que dans le même temps, j’ai vu défiler nombre de dirigeants dans ce club. A Lorient, je suis un privilégié, je bénéficie d’un statut unique en France et je m’en réjouis. Et puis on ne peut pas être performant quand on pense à aller voir ailleurs. »
• Puisque vous abordez le sujet, la gestion du cas Gameiro a-t-elle déstabilisé votre équipe ? « Un brin, oui. Mais c’était plus compliqué en juin que durant ce mercato de janvier. Lorsqu’un joueur reçoit des sollicitations, c’est normal qu’il se pose des questions. »
• Le marché touche à sa fin : avez-vous la certitude que votre international restera à Lorient ? « Oui, j’en ai la conviction. Rejoindre un nouveau club en janvier n’est pas simple. Son avenir en équipe de France passe par de la stabilité. En juin, il aura encore plus de propositions. »
• C’est une belle victoire pour vous ? « C’est une décision sage pour les deux parties. Même si nous passons à côté d’une manne financière non négligeable pour un club comme le nôtre, l’intérêt commun est de répondre aux exigences du joueur l’été prochain… »