
« Je sais que je suis parfois en décalage avec la loi du milieu, mais je n’ai pas l’intention de changer » , affirme Dominique Bijotat, entraîneurs des Grenats. Photo Fred MARVAUX
Dominique Bijotat, l’actuel entraîneur du FC Metz, a construit sa carrière de joueur et de technicien à son image : avec détermination et en bannissant le « je » au profit du jeu.
Une table. Sur cette table un stylo et un contrat. Autour de cette table, un dirigeant impatient, un papa aux anges, une mère inquiète et un jeune homme face à un choix cornélien. Dominique Bijotat a quinze ans. Et du talent. L’adolescent hésite, mais finit par parapher le document qui va changer sa vie. Nous sommes en 1976. Jusque-là, il s’ébrouait sur les pelouses de l’Indre, maillot de La Chatre puis de Montgivray (club fondé par son père, toujours le président) sur les épaules. « Devenir pro n’a jamais été une obsession, certifie l’entraîneur du FC Metz. Dans ma jeunesse, la seule chose qui m’intéressait, c’était le plaisir du jeu. Mais une fois le pas franchi, je n’avais qu’une seule idée en tête : réussir. »
Sollicité par « une dizaine de grands clubs », Dominique Bijotat opte donc pour Monaco. « Le maillot me plaisait, sourit-il. Et le jeu monégasque était présenté comme l’un des plus séduisants du moment. » Le défi est immense, à la hauteur des ambitions de l’apprenti-footballeur. Le milieu de terrain récite ses gammes auprès de Gérard Banide avant de s’imposer chez les pros. « À Monaco, on ne défendait pas seulement les couleurs d’un maillot. On jouait pour un pays, un peu comme en sélection. »
Sacré champion de France en 1982, il est appelé, cette même année, en équipe de France, mais n’est pas des voyages mondiaux espagnol et mexicain. « En 1982, je manquais encore d’expérience, explique-t-il. En 1986, une pubalgie m’a coupé dans mon élan. Ne pas avoir pu disputer un Mondial est le plus grand regret de ma carrière. » Pourtant, c’est bien sous la bannière bleue qu’il inscrit l’une des lignes les plus prestigieuses de son CV : un titre olympique. En 1984, Monaco sort d’une saison pénible avec un titre de champion abandonné à Bordeaux à la différence de but et un échec en finale de la Coupe de France face au… FC Metz.
« Mon corps en a décidé autrement »
« C’est un copier-coller de la vie, rythmée de déceptions et de joies », philosophe Dominique Bijotat. « La victoire aux JO est un très beau souvenir, mais surtout une expérience inoubliable : après l’entraînement, on se précipitait au stade pour apercevoir Carl Lewis », se souvient-il, l’œil brillant. De retour sur le Rocher, il soulève la Coupe de France en 1985, effectue un crochet par Bordeaux en 1987, avant de revenir en principauté. Touché aux ischio-jambiers, il a du mal « à revenir au top » et achève sa carrière là où tout avait commencé : dans l’Indre. « En 1991, Metz m’a contacté. Mais je n’ai pas voulu tricher. Je n’étais plus en pleine possession de mes moyens. Châteauroux s’est alors manifesté : je bouclais la boucle devant mes parents. » Un épilogue malheureusement tronqué par « un genou usé. J’avais toujours dit que je déciderai moi-même de la fin, mon corps en a décidé autrement. »
Et s’il ne peut plus exercer son art, il n’est pas question de quitter le milieu pour autant. Les mots de Gérard Banide ressurgissent alors. « Je n’avais que seize ans lorsqu’il m’a dit que je finirai entraîneur. » Il distille d’abord son savoir-faire auprès des jeunes de la Ligue du Centre, de Tours, Châteauroux et Lens, avant de prendre en main l’équipe pro d’Ajaccio. Une première expérience du haut niveau qui le plonge dans les difficultés du métier. « L’entraîneur partage les victoires et devient la cible privilégiée en cas d’échecs. C’est difficile, mais mon éducation m’interdit de baisser les bras. »
Très investi
Un art de vivre qui lui permet de ne pas jeter l’éponge après « une année pénible » sur le banc de Sochaux. Dominique Bijotat espère alors se ressourcer auprès des jeunes du centre de formation de Monaco, mais la direction du club décide rapidement de faire table rase du passé en le poussant vers la sortie. Le coup est rude. Il tente alors de rebondir chez lui, à Châteauroux. Mais là aussi, la direction court-circuite le projet sportif qu’il tente de mettre en place. « J’ai démissionné car la façon de fonctionner ne correspondait plus à mes valeurs. Je sais que je suis parfois en décalage avec la loi du milieu, mais je n’ai pas l’intention de changer. » C’est donc en connaissance de cause que les dirigeants messins ont pris la décision de lui confier les clés de la maison grenat en juin 2010. Lui, précise qu’il ne s’est « rarement autant investi dans le projet d’un club ».
Aujourd’hui Dominique Bijotat a cinquante ans. Et toujours les mêmes obsessions : le plaisir du jeu (et non du je) et le désir, inoxydable, de réussir.
Jean-Sébastien GALLOIS.