C’est avec une immense fierté que la délégation libyenne a posé, dimanche à Saint-Symphorien, pour la postérité. Photo Pascal BROCARD
Dans un pays qui tente de se relever petit à petit du chaos né de la révolution de 2011, le sport, et le football en particulier, représente une chance unique d’intégration et de développement pour la jeunesse libyenne.
Ils ont déboulé sur la place des Martyrs de Tripoli, juchés sur des scooters et des voitures recouverts de drapeaux tricolores de la nouvelle Libye. Là, sur cette ancienne place Verte où Mouammar Kadhafi, chapka sur la tête, haranguait "son peuple", hommes, femmes et enfants crient leur joie. Comme aux plus belles heures de la révolution. Mais la scène se déroule le 10 juin dernier. Le Colonel est déjà tombé et il n’est pas encore question d’élection libre. Non. Il est juste question de… football. Ce jour-là, le peuple libyen célèbre sa sélection nationale, vainqueur (2-1) de la grande équipe du Cameroun pour le compte des éliminatoires de la Coupe du monde 2014. « C’était incroyable, témoigne Léonard Dubreuil, manager général d’ INSYS International, un bureau d’étude français spécialisé en ingénierie sportive. On aurait cru que la Libye venait d’être sacrée championne du monde. Grâce au football, un vent de liberté teinté de revanche a soufflé sur tout le pays, d’autant que Kadhafi détestait ce sport… »
Dimanche, ce sont les héritiers de ces Chevaliers de la Méditerranée, nouveau surnom de l’équipe nationale, qui ont débarqué à Metz. Une grande première pour ces vingt-sept jeunes joueurs de moins de vingt-trois ans – et leurs quatorze membres d’encadrement –, jusqu’ici privés de voyages à l’étranger et trop longtemps bercés par le sifflement des balles plutôt que par les rebonds du ballon rond. Entre longs silences admiratifs, coups de coude complices et grands éclats de rire, cette joyeuse bande de copains a découvert le stade Saint-Symphorien, sa pelouse, ses vestiaires. « C’est géant, magnifique », lâche l’un d’entre eux avant de vite reprendre la pause au milieu du terrain, enveloppé du drapeau du nouveau régime aux couleurs rouge-noir-vert.
Ces petites saynètes se multiplient, démonstration d’une émotion sincère. « La France a toujours témoigné un profond respect envers la population libyenne, intervient Abdelbaset Eljamel, directeur technique de la sélection Olympique et membre de la direction des sélections nationales. Effectuer ce déplacement est très symbolique et c’est aussi une chance incroyable d’acquérir de l’expérience sur le plan purement sportif. Jouer contre des pros nous permet de mieux appréhender la discipline et la rigueur du haut niveau. »
« Le processus est en marche »
Car il ne s’agissait pas, en effet, que d’une simple visite de courtoisie. Les jeunes espoirs libyens, privés de championnat depuis un an et demi ( lire par ailleurs), ont croisé le fer avec l’équipe professionnelle du FC Metz ( défaite 1-0, lire RL du 9 juillet). « C’est le club de Robert Pires, le champion du monde ! », s’enthousiasme un membre du staff. Certes, l’image a jauni. Mais aux yeux d’Abdelbaset Eljamel, le club à la Croix de Lorraine demeure « une référence du football français qui possède, comme beaucoup de club de votre pays, un énorme savoir-faire en matière de formation. De notre côté, nous avons tout à reconstruire à partir de notre jeunesse. L’objectif, à terme, est de collaborer étroitement avec la Fédération française de football ».
Mais le soutien doit aussi venir de l’intérieur. Et alors qu’à 2 500 kilomètres de là les Libyens votent librement pour la première fois depuis plus de quarante ans, le technicien libyen botte poliment en touche. La politique reste un sujet sensible même dans un pays aux portes de la démocratie… « Tous les candidats ont présenté des projets mettant l’accent sur la jeunesse , explique-t-il. Et quels que soient les résultats, qui dit jeunesse dit sport et donc football. » « Le processus est en marche », conclut-il.
Jean-Sébastien GALLOIS.
« Une place forte du football africain »
Dans un pays privé de championnat depuis un an et demi et dévasté par la guerre, réunir des footballeurs sous le maillot national est une mission particulièrement délicate. « Les membres de la Direction technique nationale se déplacent partout afin de repérer les meilleurs joueurs, explique Abdelbaset Eljamel, directeur technique de la sélection Olympique, présente à Metz dimanche. Il faut absolument aller partout, organiser des regroupements aux quatre coins du pays car les joueurs de l’Est n’ont pas les mêmes caractéristiques que ceux du Nord, par exemple. » Bref, un travail de fourmi, rendu d’autant plus complexe que les terrains ne sont pas toujours à la hauteur, le football ayant été amplement négligé par le régime de Kadhafi.
« Il est évident que nous devons rapidement reconstruire des installations dignes de ce nom, poursuit Abdelbaset Eljamel. Ne serait-ce que pour les futurs championnats de D1, D2 et D3 que nous espérons relancer d’ici trois mois. La demande du public est immense, tout comme celles des joueurs. »
Des joueurs qui vont très rapidement pouvoir envisager le football comme un véritable métier, le processus de professionnalisation étant en marche. « D’un côté, nous espérons qu’à travers les matches des équipes nationales hors de la Libye certains de nos joueurs puissent avoir la chance d’être repéré par des clubs étrangers afin d’acquérir de l’expérience, souligne M. Eljamel. De l’autre, nous travaillons depuis quelques mois pour que les clubs de D1, dans un premier temps, acquièrent le statut professionnel qui n’était pas autorisé par l’ancien régime. » Une obligation si, selon les règlements de la FIFA, les clubs libyens veulent participer aux grandes compétitions internationales.
Dans lesquels ils ont de grandes chances de briller… puisque même privé de championnat, la Libye, qui a continué à disputer les compétitions internationales comme la CAN, pointe actuellement au trente-neuvième rang du classement mondial de la FIFA, devant le Mali notamment, et au quatrième rang africain. Les talents existent donc et « si les moyens sont mis à sa disposition, la Libye peut rapidement devenir une place forte du football africain », prévoit Léonard Dubreuil, observateur privilégié de cette mutation.
J.-S. G.
Pourquoi à Metz ?
Ils ont débarqué en fin de semaine dernière dans l’Essonne. « Les dirigeants libyens souhaitaient organiser un stage en France, un pays très aimé depuis son intervention lors de la Révolution, explique Léonard Dubreuil, manager général d’ INSYS International, un bureau d’étude français spécialisé en ingénierie sportive, à l’origine de ce projet. Avec l’aide de l’ambassade de France à Tripoli, un accord a rapidement été trouvé. Nous avons alors contacté quelques clubs, dont le FC Metz qui a répondu favorablement à notre requête. »
Et voilà comment la sélection libyenne Olympique s’est retrouvée, dimanche après-midi, sur la pelouse de Saint-Symphorien. « Ils aiment le football. C’est, après l’islam, la deuxième religion du pays, assure l’homme d’affaires. Et beaucoup connaissent le FC Metz de réputation. Tous sont privés de compétition depuis si longtemps... Alors, disputer un tel match de prestige en France, c’est presque inespéré. » Une exposition en dehors de leurs frontières que les dirigeants libyens et Léonard Dubreuil espèrent mettre à profit pour accueillir la Coupe d’Afrique des Nations en 2017. « C’est un immense défi pour les instances du football mais également pour une société comme la mienne. Tout est à faire, notamment en terme d’infrastructures. C’est un challenge très excitant et très important pour la jeunesse du pays : c’est quand même autrement plus agréable de voir des jeunes un ballon au pied plutôt qu’avec des armes à la main. »
J.-S. G.
Benfica-Lille à Saint-Symphorien !
Privés de très haut niveau depuis maintenant quelques saisons, les Mosellans pourront se consoler lundi soir avec un match amical de très bonne tenue opposant, à l’initiative de la société suisse Gama Sport le Benfica Lisbonne, récent deuxième du championnat du Portugal, au Lille OSC, récent troisième, lui, de la Ligue 1.
Les billets (de 20 à 40 euros) sont en vente sur la billetterie en ligne du FC Metz, les réseaux Ticketnet et France Billet.
