RL du 14/11 : Footballeurs de l'ombre
Publié : 14 nov. 2012, 08:33
Footballeurs de l’ombre
Le FC Metz célèbre son quatre-vingtième anniversaire. L’occasion de retracer, tout au long de cette saison, les grandes heures du club lorrain. Troisième volet : les Messins dans la tourmente de la Seconde Guerre mondiale.

Les
le 20 août 1939, une semaine avant la reprise du championnat de Première division, le FC Metz dispute et remporte sa troisième rencontre amicale face aux Luxembourgeois de Dudelange. Mais la Seconde Guerre mondiale interrompt brutalement toutes les compétitions officielles et la plupart des joueurs professionnels sont mobilisés à l’instar des Messins Ernest Keil, Roger Flucklinger (le grand-père de Philippe), Nicolas Hibst ou Marcel Marchal qui endossent l’uniforme du 162 e RI. Les étrangers du club lorrain ne sont pas épargnés par les vicissitudes de la Guerre : Bep Bakhuys est ainsi rappelé aux Pays-Bas alors que le gardien de but hongrois Androsik, fraîchement arrivé à Metz, participe aux combats sous la bannière de la Légion Étrangère. Par contre, l’attaquant international tchécoslovaque, Karl Hes, est contraint de fuir et de passer la frontière clandestinement afin d’éviter l’incorporation de force au sein de la Wehrmacht.
D’autres seront faits prisonnier comme le milieu de terrain André Watrin. Ce dernier rejoint finalement Vittel après avoir échappé à la vigilance de ses geôliers. Employé à la Société des eaux, il y séjourne jusqu’en 1947 avant d’intégrer le staff technique du FC Metz. Le Yougoslave naturalisé français Aimé Nuic parvient également à s’évader pour rejoindre Saumur avant de devenir l’entraîneur du FC Nantes entre 1943 et 1947.
En Moselle, la défaite de 1940 est synonyme d’incorporation à l’Allemagne nazie par une annexion de fait. La ville de Metz est ainsi rattachée au Palatinat et à la Sarre au sein du Gau Westmark ( La marche occidentale) et le retour de la majorité des joueurs messins d’avant-guerre permet la reconstitution d’un club : le Fußbal-Verein Metz. La renaissance de cette équipe permet à quelques-uns d’échapper – au moins un temps – au STO (Service du travail obligatoire) ou à l’incorporation de force dans la Wehrmacht. Antoine Gorius obtient ainsi des dirigeants allemands un emploi de chauffeur à la mairie, alors que le défenseur Charles Zehren est employé aux services des eaux de la ville.
"Malgré-nous" et Résistants
De son côté, l’attaquant Paul Gaspary, agent d’entretien aux abattoirs de Metz, est contraint de rejoindre l’armée allemande en 1943. Envoyé sur le front russe, le "Malgré-nous" attrape le typhus. Rapatrié en Belgique, il est gravement atteint à la jambe par une rafale de mitraillette, qui met fin à toute possibilité de rejouer au football. Blessé au bras sous l’uniforme allemand lors des combats à l’Est, le futur attaquant international Henri Baillot pourra, par contre, retrouver les pelouses françaises à la Libération et défendra les couleurs messines entre 1945 et 1950, tout comme Roger Glander (gardien de 1947 à 1951), après être revenu de Russie en janvier 1946…
Quant au milieu de terrain Nicolas Hibst, militaire de profession, il joue un temps avec le FV Metz, mais, sous la menace d’une incorporation de force à la Wehrmacht, il se réfugie à Saint-Étienne, alors que son ex-coéquipier, Louis-Marcel Lisiéro, quitte la Moselle en 1940 pour la Haute-Vienne où il s’engage dans la Résistance.
Les joueurs d’origine juive cherchent également à fuir ou, au moins, à éviter les rafles nazies. Ainsi, l’attaquant Odon Weiskopf, Hongrois naturalisé Français en 1938 lors de son arrivée à Metz, change son nom et c’est sous le pseudonyme d’Edmond Virage qu’il continue à jouer au football durant la guerre, au RC Paris, à Marseille et au Red Star, notamment. Le destin de l’Autrichien Karl Myrka, milieu de terrain du FC Metz entre 1933 et 1935, est plus tragique puisqu’il est fusillé sous l’uniforme du Reich au terme de la guerre.
Jean-Sébastien GALLOIS
Étranges destins
Durant cette sinistre période, le statut de footballeur professionnel s’est parfois révélé salvateur. Ce fut le cas pour au moins deux Messins. Le "Hollandais volant" Bep Bakhuys tout d’abord. Envoyé aux travaux forcés à Leipzig en 1940, il est rapidement reconnu par le directeur de l’usine à laquelle il est affecté. Par ailleurs président du club du Turo Leipzig, ce dernier, après une correspondance avec les dirigeants du FC Metz, permet au Néerlandais de revenir en Moselle. Entre 1942 et 1944, il renoue ainsi avec la pratique du football sous les couleurs du Fußbal-Verein Metz.
De son côté, le futur maire de Morsbach, Marcel Muller, refuse de se soumettre au régime de l’occupant. De retour en Moselle en juillet 1940, après quelques mois de détention à Saint-Dié, il est contacté par les Nazis qui comprennent rapidement l’intérêt que représente un sportif tel que lui et espèrent l’enrôler dans l’encadrement des Jeunesses hitlériennes. Il refuse et ne se présente pas au conseil de révision allemand. Il tente alors de franchir la frontière pour se réfugier clandestinement en France. Arrêté le 18 mars 1943 à Novéant par la Gestapo, il est remis aux autorités allemandes et emprisonné à Metz en tant que réfractaire et insoumis. Déporté au camp de concentration du Struthof (matricule 103 850), il est ensuite transféré dans les camps de concentration de Dachau, Neckergerach, Ellwangen, Stuttgart avant de revenir à Dachau. Au milieu de toutes ces atrocités, c’est son statut de footballeur qui lui permet de survivre. En effet, des déportés luxembourgeois, supporters du FC Metz, le reconnaissent. Ces derniers, qui travaillent en cuisine, lui fournissent régulièrement un surplus alimentaire. Un "luxe" qui lui permet de sortir vivant de l’enfer. Libéré le 29 avril 1945, il doit cependant tirer un trait sur sa carrière de joueur professionnel. À seulement vingt-neuf ans…
J.-S. G
Metz en Coupe d’Allemagne
Après avoir été amputé d’une partie de ses professionnels, mobilisés en septembre 1939, le FC Metz dispute, de novembre 1939 à début 1940, plusieurs matches amicaux face à des sélections de joueurs issus des rangs des armées française et britannique stationnées en Moselle. Après la défaite, en Moselle annexée, le club messin prend le nom de Fußbal-Verein Metz. Rattaché à la Ligue allemande du Gau Westmark, il dispute également la Tschammerpokal, la Coupe nationale d’Allemagne. En 1943, Metz atteint les huitièmes de finale de l’épreuve, éliminé à Iéna à l’issue d’un match très violent que le défenseur messin Jean Blaschek dispute presque intégralement avec le bras gauche fracturé.
Le FC Metz célèbre son quatre-vingtième anniversaire. L’occasion de retracer, tout au long de cette saison, les grandes heures du club lorrain. Troisième volet : les Messins dans la tourmente de la Seconde Guerre mondiale.

Les
le 20 août 1939, une semaine avant la reprise du championnat de Première division, le FC Metz dispute et remporte sa troisième rencontre amicale face aux Luxembourgeois de Dudelange. Mais la Seconde Guerre mondiale interrompt brutalement toutes les compétitions officielles et la plupart des joueurs professionnels sont mobilisés à l’instar des Messins Ernest Keil, Roger Flucklinger (le grand-père de Philippe), Nicolas Hibst ou Marcel Marchal qui endossent l’uniforme du 162 e RI. Les étrangers du club lorrain ne sont pas épargnés par les vicissitudes de la Guerre : Bep Bakhuys est ainsi rappelé aux Pays-Bas alors que le gardien de but hongrois Androsik, fraîchement arrivé à Metz, participe aux combats sous la bannière de la Légion Étrangère. Par contre, l’attaquant international tchécoslovaque, Karl Hes, est contraint de fuir et de passer la frontière clandestinement afin d’éviter l’incorporation de force au sein de la Wehrmacht.
D’autres seront faits prisonnier comme le milieu de terrain André Watrin. Ce dernier rejoint finalement Vittel après avoir échappé à la vigilance de ses geôliers. Employé à la Société des eaux, il y séjourne jusqu’en 1947 avant d’intégrer le staff technique du FC Metz. Le Yougoslave naturalisé français Aimé Nuic parvient également à s’évader pour rejoindre Saumur avant de devenir l’entraîneur du FC Nantes entre 1943 et 1947.
En Moselle, la défaite de 1940 est synonyme d’incorporation à l’Allemagne nazie par une annexion de fait. La ville de Metz est ainsi rattachée au Palatinat et à la Sarre au sein du Gau Westmark ( La marche occidentale) et le retour de la majorité des joueurs messins d’avant-guerre permet la reconstitution d’un club : le Fußbal-Verein Metz. La renaissance de cette équipe permet à quelques-uns d’échapper – au moins un temps – au STO (Service du travail obligatoire) ou à l’incorporation de force dans la Wehrmacht. Antoine Gorius obtient ainsi des dirigeants allemands un emploi de chauffeur à la mairie, alors que le défenseur Charles Zehren est employé aux services des eaux de la ville.
"Malgré-nous" et Résistants
De son côté, l’attaquant Paul Gaspary, agent d’entretien aux abattoirs de Metz, est contraint de rejoindre l’armée allemande en 1943. Envoyé sur le front russe, le "Malgré-nous" attrape le typhus. Rapatrié en Belgique, il est gravement atteint à la jambe par une rafale de mitraillette, qui met fin à toute possibilité de rejouer au football. Blessé au bras sous l’uniforme allemand lors des combats à l’Est, le futur attaquant international Henri Baillot pourra, par contre, retrouver les pelouses françaises à la Libération et défendra les couleurs messines entre 1945 et 1950, tout comme Roger Glander (gardien de 1947 à 1951), après être revenu de Russie en janvier 1946…
Quant au milieu de terrain Nicolas Hibst, militaire de profession, il joue un temps avec le FV Metz, mais, sous la menace d’une incorporation de force à la Wehrmacht, il se réfugie à Saint-Étienne, alors que son ex-coéquipier, Louis-Marcel Lisiéro, quitte la Moselle en 1940 pour la Haute-Vienne où il s’engage dans la Résistance.
Les joueurs d’origine juive cherchent également à fuir ou, au moins, à éviter les rafles nazies. Ainsi, l’attaquant Odon Weiskopf, Hongrois naturalisé Français en 1938 lors de son arrivée à Metz, change son nom et c’est sous le pseudonyme d’Edmond Virage qu’il continue à jouer au football durant la guerre, au RC Paris, à Marseille et au Red Star, notamment. Le destin de l’Autrichien Karl Myrka, milieu de terrain du FC Metz entre 1933 et 1935, est plus tragique puisqu’il est fusillé sous l’uniforme du Reich au terme de la guerre.
Jean-Sébastien GALLOIS
Étranges destins
Durant cette sinistre période, le statut de footballeur professionnel s’est parfois révélé salvateur. Ce fut le cas pour au moins deux Messins. Le "Hollandais volant" Bep Bakhuys tout d’abord. Envoyé aux travaux forcés à Leipzig en 1940, il est rapidement reconnu par le directeur de l’usine à laquelle il est affecté. Par ailleurs président du club du Turo Leipzig, ce dernier, après une correspondance avec les dirigeants du FC Metz, permet au Néerlandais de revenir en Moselle. Entre 1942 et 1944, il renoue ainsi avec la pratique du football sous les couleurs du Fußbal-Verein Metz.
De son côté, le futur maire de Morsbach, Marcel Muller, refuse de se soumettre au régime de l’occupant. De retour en Moselle en juillet 1940, après quelques mois de détention à Saint-Dié, il est contacté par les Nazis qui comprennent rapidement l’intérêt que représente un sportif tel que lui et espèrent l’enrôler dans l’encadrement des Jeunesses hitlériennes. Il refuse et ne se présente pas au conseil de révision allemand. Il tente alors de franchir la frontière pour se réfugier clandestinement en France. Arrêté le 18 mars 1943 à Novéant par la Gestapo, il est remis aux autorités allemandes et emprisonné à Metz en tant que réfractaire et insoumis. Déporté au camp de concentration du Struthof (matricule 103 850), il est ensuite transféré dans les camps de concentration de Dachau, Neckergerach, Ellwangen, Stuttgart avant de revenir à Dachau. Au milieu de toutes ces atrocités, c’est son statut de footballeur qui lui permet de survivre. En effet, des déportés luxembourgeois, supporters du FC Metz, le reconnaissent. Ces derniers, qui travaillent en cuisine, lui fournissent régulièrement un surplus alimentaire. Un "luxe" qui lui permet de sortir vivant de l’enfer. Libéré le 29 avril 1945, il doit cependant tirer un trait sur sa carrière de joueur professionnel. À seulement vingt-neuf ans…
J.-S. G
Metz en Coupe d’Allemagne
Après avoir été amputé d’une partie de ses professionnels, mobilisés en septembre 1939, le FC Metz dispute, de novembre 1939 à début 1940, plusieurs matches amicaux face à des sélections de joueurs issus des rangs des armées française et britannique stationnées en Moselle. Après la défaite, en Moselle annexée, le club messin prend le nom de Fußbal-Verein Metz. Rattaché à la Ligue allemande du Gau Westmark, il dispute également la Tschammerpokal, la Coupe nationale d’Allemagne. En 1943, Metz atteint les huitièmes de finale de l’épreuve, éliminé à Iéna à l’issue d’un match très violent que le défenseur messin Jean Blaschek dispute presque intégralement avec le bras gauche fracturé.