Grenat 1985 a écrit :
La réforme du football français va s'inspirer du modèle anglais, avec une société commerciale, dont les clubs seraient actionnaires, pour le business, et une Fédération dotée d'un pouvoir de contrôle. Ce qui acterait la disparition de la LFP.
Pour une fois, il n'est pas question de demi-mesures. Afin de sortir le secteur professionnel de l'ornière, Philippe Diallo, le président de la FFF, a mis en place, il y a deux mois et demi, trois « groupes de travail » censés plancher sur son avenir. Une bonne façon, le plus souvent, de ne rien décider ou presque. Mais cette fois-ci, le patron de la Fédération, conscient que l'occasion est rêvée pour lui de prendre la main, a imaginé une réforme aux allures de révolution. « J'ai fait le constat que la crise actuelle est majeure et structurelle, explique-t-il. Et comme il n'était pas simple de faire émerger un dialogue au sein de la Ligue, j'ai pris l'initiative. » Elle se traduit finalement par un « projet collectif, mais de rupture ». Qui fait basculer, comme L'Équipe le révélait le 1er mars, la France vers le modèle anglais.
« Je souhaite la création d'une société commerciale de clubs (avec une voix chacun) liée directement à la Fédération, annonce Diallo. On va passer d'une association loi 1901 à une société commerciale. Contrairement à LFP Media (la filiale actuelle de la LFP), qui ne s'occupait que des revenus, il y aura toujours la valorisation du Championnat, mais aussi l'organisation matérielle des compétitions. Dans cette société commerciale, il n'y aura plus de président élu. La direction sera assurée par un directoire à la tête duquel il y aura un CEO (patron exécutif) recruté par les clubs, salarié et révocable ad nutum (de manière immédiate). »
La LFP rayée du paysage ? Labrune y est favorable
Le tout sous le contrôle de la FFF. « La Fédération disposera d'une action préférentielle lui permettant d'être la garante de l'intérêt général, avec un droit de veto par exemple sur le format de la compétition, le nombre de montées et de descentes, poursuit Diallo. La FFF exercera aussi une action de régulation. Un certain nombre de compétences qui sont du ressort de la LFP remonteront ainsi à la Fédération. Je pense notamment à la DNCG. »
Pour Diallo, « c'est une sorte de Premier League à la française. C'est une Premier League, car c'est bien une société de clubs qui organise un Championnat. Mais elle est ''à la française'', car je souhaite que les spécificités sportives et culturelles de la France soient conservées. Ce n'est pas simplement le copier-coller de la Premier League anglaise. »
Quoi qu'il en soit, dans ce schéma, la LFP présidée aujourd'hui par Vincent Labrune serait rayée du paysage. « Absolument, confirme Diallo. La FFF sera directement liée à la société commerciale. La Ligue, sous sa forme actuelle, disparaîtrait. De toute façon, elle était devenue une sorte de coquille vide, puisqu'elle n'a plus de ressources, à part les 8 ou 9 millions d'euros des paris sportifs. » Depuis des mois, Labrune est favorable à cette solution, même si elle doit mener à son départ avant le terme de son mandat normalement prévu dans trois ans. Usé par le climat actuel, le patron de la Ligue n'a pas envie de s'accrocher. Il l'a dit à de nombreux interlocuteurs.
Un « regard » sur la multipropriété, une meilleure répartition des droits TV
Sur sa lancée, Diallo enchaîne avec d'autres idées à même de renforcer son pouvoir. « À court terme, la FFF sera très vigilante sur l'issue des travaux de Nicolas de Tavernost (directeur général de LFP Media) concernant DAZN et la suite, qui prend la forme d'une chaîne de télé, certainement avec un partenaire. Cela permettrait au football français d'avoir une plate-forme de diffusion qui lui assure des revenus pour le futur. En lien avec la DNCG, je vais aussi proposer qu'elle apporte un certain nombre de ratios financiers d'inspiration UEFA (fair-play financier), je pense notamment au plafonnement de la masse salariale. »
« Je proposerai aussi une limitation des effectifs, poursuit le dirigeant fédéral. Tout ça pour permettre un retour à l'équilibre financier. Je veux également que la DNCG ait un regard attentif sur la multipropriété et je vais inviter les clubs à ouvrir rapidement une négociation sur la clé de répartition des droits télé, parce que beaucoup d'entre eux sont en difficulté. Et comme la perspective de droits domestiques pour la saison 2025-2026 est très faible, le souci de la FFF, c'est de les inviter à mieux répartir les produits. »
Pour changer radicalement de cap, Diallo entend prendre le bon wagon : « Il se trouve que le calendrier parlementaire nous offre un véhicule pour porter les réformes législatives nécessaires afin que ce projet aboutisse, se félicite-t-il. Nous allons nous appuyer sur la proposition de loi des sénateurs Savin et Lafon. Le 10 juin, il y aura le premier débat au Sénat sur la proposition de loi et si ce passage est un succès, à l'automne, cette proposition sera présentée à l'Assemblée nationale pour un vote définitif. »
Entérinée par le comex de la FFF et présentée ce lundi après-midi aux clubs, cette réforme paraît lancée. « On n'est pas dans la cosmétique, mais dans un projet novateur qui modifie l'organisation du football professionnel en France, sans bouleverser les autres sports professionnels puisque nous proposons que cette organisation soit mise en place dans le cadre de fédérations qui ont cédé leurs droits d'exploitation aux clubs, conclut-il. Ce qui est le cas de la FFF depuis 2004. Et c'est la seule qui l'ait fait. »
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