[L’Équipe.fr] Série (1/4) -1943, l'année maudite du foot français : Metz a changé de camp

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Grenat 1985
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[L’Équipe.fr] Série (1/4) -1943, l'année maudite du foot français : Metz a changé de camp

Messagepar Grenat 1985 » 24 juil. 2023, 20:46

À la suite de l'annexion de la Moselle par le Reich en 1940, les footballeurs messins ont participé pendant la guerre au Championnat d'Allemagne. Mais pas le FC Metz.

Le 25 juillet 1940, moins de onze mois après le début de la Deuxième Guerre mondiale, la Moselle est annexée par le Reich allemand. Les frontières sont bousculées comme entre 1871 et 1919.

Mais, à l'époque, le football n'était pas concerné. C'est en effet en 1919 qu'allaient être créés le Cercle Athlétique Messin, club des élites locales, et l'Association Sportive Messine, celui des classes ouvrières, aux origines du FC Metz, professionnel en 1932.

Lorsque le conflit éclate, les Grenats ont déjà écrit une belle page de leur histoire en finale de la Coupe de France 1938 perdue sur une injustice face à l'OM (1-2 a.p.). Un cinéma de la ville, le Palace, diffusera les images de la glorieuse défaite pendant une semaine.

Avant même que la Moselle soit allemande, le FC Metz perd plusieurs joueurs (Roger Flucklinger, Nicolas Hibst, Marcel Marchal...) mobilisés en septembre 1939 au sein du 162e régiment d'infanterie de Metz et « transférés » à Laval.

Le club dispute alors, jusqu'en mai 1940, dans le cadre d'une « saison sportive de guerre », des matches amicaux contre des équipes des armées françaises et britanniques stationnées dans la région. Mais, dès son arrivée, et comme elle le fera en Alsace, l'administration allemande dissout le district mosellan et y interdit le professionnalisme, banni outre-Rhin.

Début août, le commandant de la ville décide de la dissolution du FC Metz et de la création du Fussball Verein Metz. « Avec l'appui de quelques anciens responsables du FC Metz, mais, souligne l'historien Thomas André (1), Raymond Herlory, l'ancien président (2), réfugié à Gérardmer, n'en fait pas partie. Le FV Metz n'est pas le FC Metz ! Il s'agit bien d'un club allemand, dirigé par des Français ayant fait allégeance aux autorités occupantes, qui a repris une partie de l'effectif et joue en bleu et noir. »


(1) Auteur de Matchs et figures de légende du football club de Metz.

(2) Il est présent à la naissance du club, puis à sa renaissance en 1944. Sa présidence se conclut en 1965.


Comme Sarreguemines et Merlebach, le FV Metz, qui récupère le stade Saint-Symphorien, va jouer le Championnat en Gauliga Westmark avec les clubs de Sarre-Palatinat jusqu'en 1944.

La première rencontre officielle oppose les Mosellans au SG Burbach le 20 avril 1941 (2-0). Le surlendemain, le quotidien sportif L'Auto annonce les résultats du Championnat d'Allemagne et du... FC Metz. Par habitude ou méconnaissance peut-être.

Mais, en Lorraine, Thomas André a déniché des lignes éditoriales différentes en 1941 : « Le journal collaborationniste l'écho de Nancy du 25 mars veut faire croire que tout est redevenu normal au "FC Metz" qu'il ressuscite pour l'occasion. Le FC Metz continue de jouer régulièrement chaque dimanche et de remporter maints succès. [...] Fosset, que l'on avait indiqué à tort comme mort sur le front, vient de rentrer au bercail » .

Tandis que Mulhouse (Fussball du Club Mülhausen 1893), avec ses internationaux allemands - le buteur Edmund Conen, héros du Mondial 1934, antinazi, et le surdoué August Klingler, 100 % nazi -, remporte trois Gauliga Elsass, Metz, barré par Sarrebruck ou Kaiserslautern, doit se contenter de trois places de dauphin en trois saisons de Gauliga Westmark.

Et, en Coupe d'Allemagne - la Tschammer-Pokal du nom du ministre des Sports nazi Hans von Tschammer und Osten -, le FVM disputera un huitième de finale à Iéna face au SV Jena (0-3, le 24 août 1941) devant 5 000 spectateurs.

Au sein de l'équipe, l'historien lorrain a recensé dans la presse locale « cinq rescapés de la finale de 1938 : Henri Nock, Charles Fosset, Marcel Marchal, Jean Lauer et Albert Rorhbacher ». On retrouve également Émile Veinante (24 sélections entre 1929 et 1940 et trois Coupes du monde au compteur) de retour à la maison après sa carrière pro parisienne au Racing. L'Auto se contente d'évoquer, « parmi les résultats les plus intéressants », l'élimination sans même donner le score.

« Dans un premier temps, la pratique du football protège plutôt les joueurs de l'incorporation au Reichsarbeitsdienst (service du travail du Reich), observe Thomas André. Le gardien Antoine Gorius obtient un poste de chauffeur à la mairie et le défenseur international Charles Zehren un poste au service des eaux. »

Mais, un an plus tard, fin août 1942, plusieurs ordonnances imposent la nationalité allemande aux Alsaciens et Lorrains avant de soumettre les plus jeunes au service militaire obligatoire dans la Wehrmacht ou la Waffen SS, les jetant dans la guerre.


Nock et Zehren sont expédiés sur le front de l'Est et connaîtront à la fin de la guerre, comme beaucoup de « malgré-nous », le camp soviétique de Tambov

Certains joueurs réussissent à fuir l'incorporation de force (Nicolas Hibst, Gorius et Lauer à Saint-Étienne, Veinante à Paris), d'autres échouent (Marcel Muller arrêté par la Gestapo et transféré au camp de concentration de Dachau dont il survivra), Nock et Zehren sont expédiés sur le front de l'Est « et connaîtront à la fin de la guerre, comme beaucoup de "malgré-nous", le camp soviétique de Tambov. »

La guerre terminée, le FC Metz, comme le RC Strasbourg, est réintégré d'office en D1 française. Moins de deux mois après la libération de la ville, le 22 novembre 1944, le club remonté en moins d'un mois par Raymond Herlory dispute sa première rencontre officielle face à Blénod-lès-Pont-à-Mousson, le 7 janvier 1945, en trente-deuxièmes de finale de la Coupe de France (2-5) au stade des Fonderies de Blénod. Saint-Symphorien, sous les eaux de la Moselle puisque l'occupant en déroute a fait sauter les digues, attendra.

Le siège aussi a été saccagé. Quant aux joueurs, le président lance un avis de recherche. Dans son ouvrage, Thomas André reproduit ainsi « L'appel aux joueurs du FC Metz habitant la région » paru dans l'Est Républicain de Nancy le 30 décembre 1944. On y lit une liste de dix licenciés du FCM priés « de se présenter le plus tôt possible » pour le match de Coupe. Le jour J, le quotidien évoquera « le renouveau définitif de notre fraternité avec notre voisine et soeur, notre bonne ville de Metz, dont on a voulu en vain nous séparer ».

Le 26 août 1945, en ouverture du Championnat de France, Metz-Red Star (2-4) marquera le renouveau du football professionnel messin sur sa pelouse.


À Strasbourg, Heisserer dit non aux nazis
Lorsqu'en 1940 l'Alsace est annexée au Reich allemand, l'organisation paramilitaire et policière SS contraint un club de Strasbourg (le Red Star) à devenir la Sportgemeinschaft SS Strassburg (SG SS) et fait le forcing pour recruter les joueurs du Racing, le rival local rebaptisé Rasensport Club Strassburg.

Parmi eux, Oscar Heisserer, 26 ans, le stratège de l'équipe de France lors de la Coupe du monde de 1938 (25 sélections entre 1936 et 1948). Le professionnalisme étant banni, il tient un bar-tabac. En 2005, quelques mois après sa disparition, France Football livrait son témoignage : « On m'a offert d'aller au SG SS, ce que j'ai refusé. J'aurais pu tout obtenir des SS si j'avais accepté de signer pour leur SG. » Au lieu de cela, il est interrogé par la Gestapo pendant des heures.

« Des menaces furent proférées contre moi, mais ils n'osèrent jamais aller plus loin », concluait celui qui s'était vu interdire un retour au RC Paris. De son côté, le sélectionneur allemand Sepp Herberger, lui aussi, tente de le convaincre. Mais l'Alsacien de Schirrhein (Bas-Rhin, au sein de l'Empire allemand à sa naissance) repousse les offres du boss de la Nationalmannschaft, lors de la visite de ce dernier en Alsace, en 1941. En Championnat d'Alsace - Gauliga Elsass -, Heisserer et le RC Strassburg incarnent la résistance passive.

Dès décembre 1940, un premier derby les oppose au rival nazi au stade Tivoli. Maillot bleu, short blanc et chaussettes rouges, ils l'emporteront 3-0 avec un but de leur meneur de jeu devant 15 000 supporters en délire. « Les gens étaient surexcités lors des matches contre la SG SS, c'était leur seul moyen d'extérioriser leurs sentiments et, après certains matches, il y eut des arrestations, racontait Heisserer. C'était le match de l'année et, même s'ils étaient meilleurs sur le papier, nous n'avons jamais perdu contre eux en huit rencontres. »

En mars 1943, fuyant l'incorporation dans la Wehrmacht, il s'exile sous une fausse identité (Louis-Henri Malaisé), en Suisse où il avait déjà aidé des familles juives à se réfugier. En août 1944, il rejoint Pontarlier et s'engage dans l'armée française avant de contribuer à la libération de l'Alsace et de la Moselle entre septembre 1944 et mars 1945. Il retournera alors au Racing de Paris avec lequel il gagnera la Coupe de France 1945. « La guerre m'a volé mes meilleures années. C'est mon grand regret », confiait-il.

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Messagepar DCD » 25 juil. 2023, 08:22

Grenat 1985 a écrit : Le 25 juillet 1940, moins de onze mois après le début de la Deuxième Guerre mondiale, la Moselle est annexée par le Reich allemand. Les frontières sont bousculées comme entre 1871 et 1919. Mais, à l'époque, le football n'était pas concerné. C'est en effet en 1919 qu'allaient être créés le Cercle Athlétique Messin, club des élites locales, et l'Association Sportive Messine, celui des classes ouvrières, aux origines du FC Metz, professionnel en 1932.
Alors :
  1. le football messin était concerné par la première annexion de 1871, puisqu'il est né en 1900 à l'Oberrealschule (école supérieure des garçons). Avant 1919, il y a eu au moins 8 clubs de sports pratiquant le football : Association pour la Gymnastique en Plein Air (Verein für Freilicht Gymnastik), le FC Metis, la société Air et Soleil (Luft un Sonne), le FC Lorraine (ou Lotharingia ou FC Lothringen), le FC Alte Herren Metz, qui signifie le Football Club des vieux messins, l'Association des Jeux de Mouvement de Metz (Verein für Bewegungsspiele Metz, siglée VfBM), Metz SportVereinigung (MSV 08) puis le Metz SportVereinigung 1912
  2. l'ASM est en effet issue du club des Jeunes Ouvriers de Metz, alors que le CA Messin a bénéficié de l'aide du Général Maud'huy pour exister. Mais beaucoup de joueurs passeront d'un club à l'autre et le CAM sera souvent composé de militaires venant effectuer leur service à Metz. Donc le clivage sociétal entre les deux clubs n'était pas si marqué, d'autant que beaucoup de camistes étaient ouvriers.
  3. l'AS Messine n'a pris aucune part dans la professionalisation de la section de football du CA Messin sous le nom de "FC Metz"


Grenat 1985 a écrit :Début août, le commandant de la ville décide de la dissolution du FC Metz et de la création du Fussball Verein Metz. « Avec l'appui de quelques anciens responsables du FC Metz, mais, souligne l'historien Thomas André (1), Raymond Herlory, l'ancien président (2), réfugié à Gérardmer, n'en fait pas partie. Le FV Metz n'est pas le FC Metz ! Il s'agit bien d'un club allemand, dirigé par des Français ayant fait allégeance aux autorités occupantes, qui a repris une partie de l'effectif et joue en bleu et noir. »
Ce paragraphe, issu du très mauvais livre de Jacques Longchamp, est entièrement faux. Les autorités allemandes ne dissolvent pas le FC Metz mais le réagrée sous le nom de FV Metz. Le FV Metz n'est pas non plus un club de français ayant prêté allégeance aux idéaux NAZI, mais il est toujours le plus vieux clubs messins qui verra le retour de ses anciennes gloires comme Emile VEINANTE ou "Bep" BAKHUYS, ainsi que l'éclosion de nombreux jeunes. Il demeura soutenu par un public nombreux et patriote.

Le FC Metz joua notamment contre le CSO Amnéville et le Thionville FC en 1942.

Grenat 1985 a écrit :Le surlendemain, le quotidien sportif L'Auto annonce les résultats du Championnat d'Allemagne et du... FC Metz. Par habitude ou méconnaissance peut-être. Mais, en Lorraine, Thomas André a déniché des lignes éditoriales différentes en 1941 : « Le journal collaborationniste l'écho de Nancy du 25 mars veut faire croire que tout est redevenu normal au "FC Metz" qu'il ressuscite pour l'occasion. Le FC Metz continue de jouer régulièrement chaque dimanche et de remporter maints succès. [...] Fosset, que l'on avait indiqué à tort comme mort sur le front, vient de rentrer au bercail »
Rien de différents dans ces deux journaux qui ont raison : FVM = FCM. Tout comme un journal au-dessus de tout soupçon, qui ne pouvait confondre les deux noms par habitude, ni par esprit de collaboration, puisqu'il s'agit de l'Echo des Réfugiés.
Grenat 1985 a écrit :Et, en Coupe d'Allemagne - la Tschammer-Pokal du nom du ministre des Sports nazi Hans von Tschammer und Osten -, le FVM disputera un huitième de finale à Iéna face au SV Jena (0-3, le 24 août 1941) devant 5 000 spectateurs.
Le match a eu lieu le 04 septembre 1941 :-X

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Re: [L’Équipe.fr] Série (1/4) -1943, l'année maudite du foot français : Metz a changé de camp

Messagepar grenat25 » 25 juil. 2023, 09:24

DCD a écrit : Le FC Metz joua notamment contre le CSO Amnéville et le Thionville FC en 1942.
Concernant le Thionville FC, j'imagine que tu parles du TSG Diedenhofen qui pendant quelques semaines au printemps 1943 accueillit l'immense Fritz Walter, affecté temporairement dans la région.
A priori, il a rencontré deux fois les messins (voir les détails dans le lien ci-dessous) :
https://www.virgule.lu/granderegion/fra ... 32947.html

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Re: [L’Équipe.fr] Série (1/4) -1943, l'année maudite du foot français : Metz a changé de camp

Messagepar DCD » 25 juil. 2023, 10:17

grenat25 a écrit :
DCD a écrit : Le FC Metz joua notamment contre le CSO Amnéville et le Thionville FC en 1942.
Concernant le Thionville FC, j'imagine que tu parles du TSG Diedenhofen qui pendant quelques semaines au printemps 1943 accueillit l'immense Fritz Walter, affecté temporairement dans la région.
Oui. C'est bien le même club.
grenat25 a écrit :A priori, il a rencontré deux fois les messins (voir les détails dans le lien ci-dessous) :
https://www.virgule.lu/granderegion/fra ... 32947.html
Joli article avec les photos d'écran des archives, qui vont avec. Très belle conclusion également : "Loin des considérations politiques, le football était alors, pour Fritz Walter comme pour les spectateurs du stade de Thionville, un moyen de s'évader, durant 90 minutes, d'un quotidien guère réjouissant"

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grizzlygrenat
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Re: [L’Équipe.fr] Série (1/4) -1943, l'année maudite du foot français : Metz a changé de camp

Messagepar grizzlygrenat » 25 juil. 2023, 19:35

J’ai également lu cet article dans l’équipe papier ce matin - et j’étais assez positivement étonné du ton bienveillant de l’article

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Jeanmich57
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Re: [L’Équipe.fr] Série (1/4) -1943, l'année maudite du foot français : Metz a changé de camp

Messagepar Jeanmich57 » 25 juil. 2023, 20:52

Article très intéressant


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