CULTURE
Un trésor médiéval messin retrouvé à Amsterdam
Le Rijksmuseum d’Amsterdam a découvert, dans ses réserves, la corne d’élan sculptée qui ornait la chapelle de l’empereur carolingien Louis le Pieux dans l’abbaye Saint-Arnoul de Metz. Un trésor qu’on croyait à jamais disparu.
Pendant des années, les conservateurs du Rijksmuseum d’Amsterdam ont cru à un faux. « On connaît très bien les olifants en ivoire, ces cors de grande dimension qui étaient produits en Italie dont le mythique olifant de Roland. On en trouve dans de nombreuses collections publiques, au Musée national du Moyen-Âge à Cluny, au Louvre et aussi à l’étranger. En revanche, il n’existait, selon la tradition rapportée par les historiens de Metz, qu’une seule corne sculptée en ivoire, celle qui ornait le monument funéraire de Louis Le Pieux dans l’abbaye Saint-Arnoul de Metz », explique Anne Adrian, conservateur au musée de la Cour d’Or à Metz.
Fermé depuis dix ans, le musée de Rijksmuseum profite de sa rénovation pour lancer, en décembre 2012, une étude au carbone 14 de cette étrange corne d’élan détenue dans ses réserves. Les analyses scientifiques révèlent que l’élan est mort « entre 900 et 1025. »
Tsar Alexandre III
« C’est tôt par rapport au style de la sculpture qui évoque un travail de la fin du XIe ou du début du XIIe siècle. La décoration a probablement eu lieu un ou deux siècles après la mort de l’animal », estime Anne Adrian.
De grande taille (52 x 79 cm) et sculptée sur son pourtour du côté convexe ainsi que sur sa racine et ses cinq andouillers, la corne possède un décor d’inspiration végétale (rinceau de vignes) et animale (lions, serpents, dragons et créatures hybrides). Totalement atypique, l’objet suscite de nombreuses questions, quant à son origine – son matériau renvoie à une provenance nordique – et à sa fonction au sein du trésor de l’abbaye Saint-Arnoul, située à l’époque dans le quartier de Metz-Sablon.
Son parcours dans les collections privées est, en revanche, beaucoup mieux connu. Vendue à Drouot en 1867 plus de 8 000 francs par un boulanger messin, M.Paguet, grand collectionneur d’objets médiévaux, la corne passe en 1874 dans la collection du diplomate Alexandre Basilewsky via l’antiquaire parisien Henri Delange. En 1884, le tsar Alexandre III de Russie rachète la collection Basilewsky. L’objet intègre alors le musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg. Au début des années 30, le musée la vend à Fritz Mannheimer dont la collection échoit au Rijksmuseum.
« En 2000, la corne d’élan est mentionnée dans le catalogue de l’exposition Le chemin des reliques qui se tient au musée de la Cour d’or mais on ne sait pas qu’elle est à Amsterdam ! On pensait qu’elle avait disparu », confie Anne Adrian.
Cette année-là, le musée fera, toutefois, la très belle acquisition d’un coffret-reliquaire en os de cétacé appartenant au trésor de Saint-Arnoul et mis en vente chez un antiquaire parisien.
À partir du 13 avril 2013, date de réouverture du Rijksmuseum, la corne d’élan messine sera exposée parmi les plus belles pièces médiévales de la collection du musée hollandais. « Nos collègues sont d’accord pour nous la prêter », confie Anne Adrian « mais je pense qu’il n’est pas raisonnable de compter sur sa présence avant 2015 ».
Gaël CALVEZ.
