Je me trompe peut-être totalement et je vais relire l'arrêt Diarra à tête reposée pour en être certain... mais je pense qu'on en fait des montagnes pour pas forcément grand chose
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En premier lieu, c'est ce qu'on appelle une question préjudicielle. Sans rentrer dans le détail de la procédure, la Cour de justice va donner au juge interne (en l'occurrence belge) qui l'a saisi à cette fin un certain nombre d'indications quant aux règles européennes à prendre en compte dans le procès interne. Ensuite, c'est au juge national de régler définitivement le litige (à la lumière de la réponse de la Cour) et il disposera alors d'une certain latitude d'appréciation
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En second lieu, ce qui pose problème en l'espèce sont exclusivement les points suivants (je reprends tel quel ce qui dit la Cour dans le dispositif de l'arrêt car en simplifiant on passe à coté de subtilités qui peuvent être fondamentales quant à l'objet et l'enjeu du litige):
1- "le fait qu’un joueur professionnel partie à un contrat de travail, auquel est imputée une rupture sans juste cause de ce contrat, et le nouveau club qui l’engage à la suite de cette rupture soit solidairement et conjointement responsables du paiement d’une indemnité, due à l’ancien club pour lequel ce joueur travaillait et devant être fixée sur la base de critères tantôt imprécis ou discrétionnaires, tantôt dépourvus de lien objectif avec la relation de travail concernée et tantôt disproportionnés ;"
2-" le fait que, dans le cas où l’engagement du joueur professionnel intervient pendant une période protégée en vertu du contrat de travail qui a été rompu, le nouveau club encourt une sanction sportive consistant en une interdiction d’enregistrer de nouveaux joueurs pendant une période déterminée, sauf s’il démontre qu’il n’a pas incité ce joueur à rompre ce contrat"
3 -"le fait que l’existence d’un litige lié à cette rupture de contrat fait obstacle à ce que l’association nationale de football dont est membre l’ancien club délivre le CIT nécessaire à l’enregistrement du joueur auprès du nouveau club, avec pour conséquence que ce joueur ne peut pas participer à des compétitions de football pour le compte de ce nouveau club"
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En troisième lieu, ces dispositions litigieuses sont envisagées par la Cour à la fois comme des atteintes potentielles à la liberté de circulation des sportifs (art. 45 TFUE, comme dans l'arrêt Bosmann, l'arrêt Malaja ou bien avant eux, l'arrêt Walrave) et comme une entente potentiellement contraire au droit européen de la concurrence (art. 101 TFUE). La petite originalité de l'affaire est que les règles litigieuses de la FIFA sont considérées par la CJUE comme étant une décision prise par une "association d'entreprises" (la FIFA), ce qui est la 2ème forme d'entente interdite par l'article 101 TFUE
Toutefois, s'agissant de l'atteinte à la libre circulation, la Cour ajoute que ces règles ne seraient pas contraires à l'article 45 s'il était établi que ces règles telles qu’interprétées et appliquées sur le territoire de l’Union européenne,
ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire à la poursuite de l’objectif consistant à assurer la régularité des compétitions de football interclubs, en maintenant un certain degré de stabilité dans les effectifs des clubs de football professionnel.
Même chose pour l'atteinte à la liberté de la concurrence. L'entente peut éventuellement être justifiée (être exemptée dans le jargon) sur le fondement de l'article 101§3 TFUE si 4 conditions sont réunies (que je ne développe pas ici) mais que le juge interne sera également chargé d'évaluer in concreto
Je ne dit pas non plus que c'est totalement anodin ou limité, tout va dépendre maintenant de ce que dit le juge belge
Mais dans l'immédiat, la FIFA (qui doit quand même avoir des juristes compétents), se dit plutôt satisfaite de la décision et de cette remise en cause limitée de son règlement
https://www.ouest-france.fr/sport/footb ... 562215fe95
Bref, à titre perso, je pense à ce stade que le problème n'est pas l'existence même de ces règles mais leur caractère disproportionnée (la preuve, la Cour reconnait que la stabilité des effectifs est un objectif légitime donc elle va pas tout faire pêter). Et donc qu'une simple révision de ces règles, par exemple pour faire en sorte que les sanctions financières ne soient pas totalement arbitraires ou disproportionnées pourraient suffire, sans remettre tout en cause
Désolé, c'est un peu long et un peu technique. Mais sur ce sujet, il vaut mieux être trop rigoureux que pas assez... car sinon on fait dire ce qu'on veut (et souvent n'importe quoi) aux décisions de la justice européenne
