A soixante-six ans, Jean-Claude Plessis se plonge à son tour dans le drôle de bain strasbourgeois. « Je suis fou, dit-il, mais je suis content ! » Phot MAXPPP
La flèche de Notre-Dame semble lui indiquer la direction à suivre. Pourtant, il y a longtemps que le Racing Club de Strasbourg ne tutoie plus les sommets. Ou alors, ceux du burlesque. A son actif contemporain, juste un record : depuis juin 2009, cinq présidents différents se sont succédé sur un fauteuil occupé depuis la semaine dernière par Jean-Claude Plessis. « La situation commence à se stabiliser un peu », observe l’attaquant strasbourgeois Nicolas Fauvergue, au premier degré. Dix jours sans rebondissement, dans un club surnommé le Marseille de l’est, cela équivaut bien à dix-sept ans sans trophée, du côté de l’original méditerranéen.
De notre envoyé spécial à Strasbourg
A la Meinau, le bureau du président se trouve au bout d’un couloir, mais c’est un endroit très passant, ces temps-ci. Jean-Claude Plessis dit ne pas y prêter attention : « J’ai été le sixième président en quatre-vingts ans à Sochaux, disons qu’ici je suis le sixième en quatre-vingts jours », lance-t-il en exagérant à peine. Vaste chantier ? « La boutique a été bien tenue, jure-t-il, prenant pour preuve l’accueil effectivement chaleureux et efficace réservé aux visiteurs des lieux. Le plus agréable, c’est que je sais à qui m’adresser. Ce club a conservé une organisation de haut de tableau de Ligue 1 et un train de vie supérieur à celui d’un redoublant de Ligue 2, qui s’apprête à retripler. Tout est structuré, presque trop ! »
Sourd à l’appel du Tire-Bouchon
Ce constat établi de l’intérieur n’est pas tout à fait partagé à seulement quelques hectomètres de là, au neuvième et dernier étage du centre administratif, place de l’Étoile, d’où les élus locaux n’ont pas assez de mots pour contester la gouvernance du Racing, « un club qui appartient au patrimoine de la ville et de la région », Roland Ries dixit.
Le directeur de cabinet du maire PS de Strasbourg explique cette position par l’attitude de ceux qui ont racheté le club en décembre dernier, issus de la finance internationale, « des gens hors sol », selon Patrick Pincet : « Nous avons d’emblée cherché leurs motivations et leur projet, nous cherchons toujours. Mais après avoir déjà usé deux présidents et souvent changé d’avis, Alain Fontenla vient de recruter Jean-Claude Plessis, il semble donc qu’il souhaite s’inscrire durablement dans le paysage strasbourgeois. »
Après avoir évoqué son intention de céder ses parts, Alain Fontenla est finalement resté sourd à l’appel du maire lui demandant de revendre le club et de quitter Strasbourg, le mois dernier, qu’un écrivain local a surnommé « l’appel du Tire-Bouchon », du nom du restaurant d’où le maire s’était exprimé. En attendant, l’habituelle somme de 900 000 euros versée au titre d’un partenariat publicitaire n’a pas été débloquée : « Il n’est pas question de jeter l’argent du contribuable dans un puits sans fond », explique Patrick Pincet. Dénoncer la convention de location de la Meinau, propriété de la communauté urbaine ? « Nous n’allons pas pratiquer la politique du pire. Il n’y a aucune raison d’en arriver là : Fontenla a réglé les loyers dus, ainsi qu’un an et demi d’arriérés. Il est dans les clous… »
« La vitrine a changé pas l’arrière-boutique »
La nomination de Jean-Claude Plessis, soixante-six ans, à la bonhomie certaine et précédé d’une incontestable réussite à Sochaux, vise notamment à rassurer. Depuis, Alain Fontenla a repris le cours normal de son existence, discret et loin de la Meinau. « La vitrine a changé, mais pas l’arrière-boutique », estime Patrick Pincet. Ces querelles locales n’effraient pas Jean-Claude Plessis : « Vous prenez l’histoire du Racing, cela fait quarante ans que ça dure ! Souvenez-vous de l’hostilité à l’égard d’IMG (sous la présidence de Patrick Proisy, au milieu des années 2000). Aujourd’hui, il y a un nouvel actionnaire, et ce qui m’intéresse est de remonter une équipe, en me montrant fidèle à cet actionnaire et fidèle au Racing Club de Strasbourg. » Pour combien de temps ? « On m’a dit de tenir cinq ans. Mais il n’y a pas de contrat. » « Je suis fou, mais je suis content, et sûrement un peu maso », rigole encore Jean-Claude Plessis, un non Alsacien prêt à se fondre dans les particularités locales. « Je n’apprendrai pas l’alsacien, car je ne suis pas doué pour les langues ! Mais, pour le reste, j’ai déjà déménagé quatorze fois dans ma vie, je sais que c’est à moi de m’adapter. »
Au pied de la cathédrale, les Strasbourgeois qui passent se disent indifférents à ce feuilleton qui n’a que trop duré. Une dame s’y colle : « Quand je pense que ce club ne vaut finalement pas plus qu’un joueur moyen ! Je retournerai à la Meinau quand nous serons en Ligue 1. » Pas demain, donc. Ni après-demain, à l’occasion d’un derby de l’Est face à Metz qui doit tout juste rapprocher le Racing de son maintien en Ligue 2. Au-dessus des têtes, la flèche de Notre-Dame contemple six siècles d’histoire. Et d’histoires.
Sylvain VILLAUME.