Le monde du Western

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Palinodie
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Re: Le monde du Western

Messagepar Palinodie » 18 nov. 2012, 00:50

Cette semaine, on dissèque un western "clivant", c'est ainsi que le présente le monsieur qui fait un petit discours sur Ciné-Classic juste avant la diffusion de "The Broken Arrow" (la Flèche brisée en v.f.).
Il nous/vous explique donc que ce film de 1950 est un des premiers qui représentent les Indiens comme, je cite, "ayant de la dignité, un sens de l'honneur, du courage, et aussi une vie de famille où la douceur est présente, des traditions, des rites, semblables à ceux des peuples civilisés du monde entier" et donc par conséquent que c'est un western "important".

Certes, OK, d'accord, etc. mais ça n'en fait pas autant un grand film, perso, je trouve que ça a terriblement vieilli, en tout cas plus que d'autres, beaucoup plus que le Convoi des Braves (pourtant en nb alors que celui-ci est en Technicolor) du post précédent qui est de la même année.

Commençons par le commencement, l'histoire : nous sommes en 1870, Tom Jeffords (James Stewart), "agacé" par les 10 ans de guerre entre une coalition d'Indiens menés par Cochise et les blancs, apprend l'apache et va négocier directement avec Cochise (Jeff Chandler).
Ensuite, il va emmener le général Howard dans le camp chiricahua (le nom de la tribu de Cochise) afin qu'une paix officielle soit conclue. Parallèlement, il a trouvé le temps de séduire une très belle squaw vierge (Debra Paget) qu'il va épouser.
Mais dans les 2 camps, il y a des ultras qui voudraient continuer le combat...
(Pour la suite, faudra voir le film, je ne voudrais pas gâcher le suspense !)

Tout ça est historique sauf, of course, le mariage avec la belle indienne (par contre, je ne garantis pas qu'un soir, dans un tipi, voire dans un buisson...), tous les protagonistes ont vraiment existé, ont peu ou prou accompli ce qui est raconté, à part que Cochise a au moins 60 ans dans la réalité, alors que Jeff Chandler a quasiment le même âge que Jeffords/James Stewart, soit la quarantaine, inversement le général Howard est vieilli d'une bonne vingtaine d'années.
Probablement que c'était mieux que les 2 héros aient sensiblement le même âge et que le général soit un fier vieillard qui ne peut que tenir sa parole.

Si tous les figurants indiens sont d'authentiques natives, ce qui change agréablement des comparses gras du bide et emperruqués/emplumés d'autres westerns tournés essentiellement en Californie, à portée de flèche d'Hollywood (alors que celui-ci met bien en valeur les paysages de l'Arizona), on est resté à des acteurs "classiques" pour les chefs, lieutenants et la fille.

Entre parenthèse, Debra Paget est encore bien fade en 1950, elle n'a que 17 ans, à comparer avec les 42 ans de James, elle est loin de la maturité éclatante qu'elle montrera lors du diptyque tourné par Fritz Lang en 1959, le Tigre du Bengale/Le tombeau Hindou, une merveille de film d'aventure.

Quant à JS, ce n’est pas, et de loin, son meilleur rôle dans un western, le character qu’il interprète est quand un peu trop « droit » (quoique 17 ans, ce n’est pas du détournement de mineure ?), on aimerait presque un peu plus d’ambigüité, Jeff Chandler est pas mal en interprétant un Cochise à la fois très politique, très réaliste (« To talk of peace is not hard. To live it is very hard ») et redoutable négociateur, pas le genre à se laisser tenter par des verroteries, quoi !
Tiens, de l’anecdote come vous en raffolez : le bon Jeff, une superbe plante de plus d’1m90, est mort à 50 ans à la suite d’une intervention chirurgicale.
Tristement banal, me direz vous, sauf que c’est parce que le chirurgien avait oublié son bistouri à l’intérieur de la grande carcasse du comédien…

Il est clair que le director, Delmer Daves (rappelez vous, Aigle Solitaire, avec aussi des gentils Indiens dont Debra Paget, le post par lequel tout a commencé…) a voulu montrer une autre (autre que celle qui consiste à ne montrer uniquement que des guerriers hurlants et saccageant tout) facette de » l’indianité » tout en restant près d’une certaine réalité historique.
Remarquons que le type de l’Indien prédateur, cruel, va t-en guerre etc. est bel et bien présent dans ce film en la personne de Geronimo.

Mais bon, c’est un peu trop didactique à mon goût et ça manque cruellement de vie, un peu comme ces démonstrations faites au tableau noir par un prof certes bien documenté, mais légèrement ennuyeux, on eût préféré le mec plus bordélique, mais capable de faire passer la rampe à ce qu’il raconte.

De plus, nous sont montrées des cérémonies typiquement apaches/chiricahuas selon Delmer Dave en tout cas, pour moi, j’ai cru reconnaitre les costumes présents dans l’album de Tintin, »Le temple du Soleil » (Pachacamac et Cie pour les tintinophiles), qui se passe pourtant chez les Incas, des amérindiens également, oui, mais du Pérou.
Enfin, Hollywood et la connaissance exacte des rites des peuples précolombiens, on sait ce que ça donne, voir posts précédents.

En résumé, » la Flèche brisée », c’est le prototype du film qui va être cité "comme indispensable" dans les encyclopédies du cinéma en tant qu’un des premiers westerns pro-indien*, mais qu’on peut justement se dispenser de voir sans problème, à moins qu’on veuille soi-même développer une thèse sur le sujet…

*Faut se méfier quand les amerloques sont pro quelque chose, par exemple, quand ils déclarent être pro-life, c'est qu'en fait ils sont contre l'avortement, ici, être pro-indien, selon Delmer Daves, c'est à coup sûr être pour que les Indiens survivent plus ou moins dans des réserves plutôt que d'abord les massacrer...

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Re: Le monde du Western

Messagepar Palinodie » 28 nov. 2012, 00:40

Vous devez vous en douter, quand je chronique un film, dans la mesure du possible, j’évite toute invention de ma part quant aux acteurs, au metteur en scène, au scénario etc. et n’étant pas omniscient, ni non plus en contact avec l’intelligentsia du cinéma comme certain forumiste avec les joueurs du FC Metz , je prends le temps de consulter quelques documents, que je trouve essentiellement sur le Net, dans le Wiki amerloque, ainsi que sur le site Internet Data Movie Base (qui est une vraie mine) et puis aussi de temps en temps je vais lire un ou deux blogs spécialisés comme par exemple http://wild-wild-western.over-blog.com/ ... 97069.html qui traite du film qui nous préoccupe aujourd’hui, à savoir « Chato’s Land » (les collines de la terreur), un western de 1971 de Michaël Winner.

Je sais, pour la plupart d’entre vous, la dernière ligne aurait suffi, le reste, vous vous en contrefichez, du moment que je raconte un truc pas trop long et suffisamment pittoresque pour vous faire passer 5 mn entre 2 Dame de Pique ou Solitaire.

Tout ça pour écrire que je ne suis pas tout d’accord avec une critique (dans Wikipedia) sur ce film, critique qui voit comme un parallèle avec le Viet-Nam, les Blancs du film se comportant par rapport aux Indiens comme les soldats US par rapport aux Viets.
Non, franchement, non, c’est Michaël Winner qui dirige, le mec qui a créé la licence Death Wish dont le premier est sorti en France sous le titre « Un justicier dans la ville », rappelez-vous, c’est déjà passé 17 fois à la téloche, une femme et sa fille se font violés par des voyous, le mari, c’est Bronson, un paisible architecte, qui du coup se transforme en justicier et flingue à tout va dans Chicago, vous cernez, un truc où la nuance n’a pas trop sa place, les jeunes sont soit propres sur eux (cheveux courts, bien habillés, très corrects) ou alors débraillés, chevelus, bruyants (et noirs aussi souvent…) donc des criminels en puissance.

Bon, là, c’est toujours Bronson, il n’est pas architecte, c’est Chato (d’où le titre original), un Apache, un métis en fait (sans doute pour justifier sa moustache), il est également paisiblement dans un saloon peuplé uniquement de red neck racistes, dont le shériff, et Bronson abat ce dernier quand l’autre allait lui tirer dans le dos.
On réunit un posse, sous l’autorité de Jack Palance, ex-officier sudiste, spécialiste des Indiens, posse qui va grossir au fur et à mesure des ranchs ou masures rencontrées sur le passage, chaque feu étant censé, par solidarité, fournir un homme, c’est ainsi que se joigne à la meute 3 frangins tarés (le plus jeune s’apprête à violer une ado quand le posse arrive), un mec religieux, un écossais, un mexicain etc.

Je mets etc. parce que les personnages ne sont pas vraiment définis, à part ceux que j’ai décrits, on sent que Winner ne va pas aller très loin dans l’étude psychologique des characters, il y a des ombres parmi lesquelles émergent le fou sanguinaire, le cynique et l’obsédé sexuel (les 3 frères…) et puis donc Jack Palance dont on se dit que c’est lui le mec qui va réguler le posse, non, pas du tout, ce bon vieux Jack joue un perdant, un ancien soldat qui radote sur la guerre de Secession et n’a plus le courage de s’opposer aux 3 frangins sus nommés, par exemple quand les 2 plus jeunes (et quelques autres) violent la squaw de l’Indien qu’il pourchasse.
On a eu du bol, la scène de viol reste relativement soft, Winner fera plus fort dans ses films suivants…

Ah oui, la psychologie des personnages, voyez comme c’est chiadé et étudié au poil de c*l près : le frangin obsédé sexuel qui vient de faire une tournante avec la squaw en tombe amoureux, dis donc, faut entendre le discours qu’il tient à son frangin (le cynique) qui vient tout juste de rembraguetter, « faudrait que je me pose » « on a tous besoin d’un peu de douceur », t’y crois à çà ?
Bref le voila parti en chasse derrière Bronson, seul, pour récupérer la femme, il a ce qu’il mérite, Bronson le capture et lui brule les ******* (et probablement le reste de l’appareil génital).

Dans la même veine, les 2 mecs les plus paisibles du posse, le religieux et l’écossais, fracassent à coup de pierre le crane du plus vieux des frères, le monstre sanguinaire, alors que y avait mieux à faire que de soulever 3 fois des pierres de 10 kg, suffisait de ramasser le fusil et de tirer.

J’en entends qui me demande des nouvelles du dernier frère, le cynique, lui, c’est presque du classique, Bronson lui lance un rattlesnake qui va le piquer et donc on suppose qu’il va mourir dans de terribles souffrances.
De toute façon, tout le posse va y passer, le mot Fin apparait quand le dernier survivant, l’écossais, fuit à quatre pattes dans le désert sous le regard reptilien d’un Bronson mutique.

A ce propos, dans la critique du début, quelqu’un interprété cette dernière scène comme « la revanche de la nature, c’est le désert qui va tuer l’homme blanc et non plus l’Indien », mmmouais, le Winner, il savait pas trop comment terminer plutôt, c’est vrai que l’écossais était plutôt sympa (il a évoqué son pays natal et tout çà) et que c’aurait fait tache que Charlie l’éxécute.

Je ne pense pas que CB a du être beaucoup fatigué d’apprendre son texte, il n’en a pas, à part 1 phrase (fous moi la paix, shériff) et quelques paroles en apache (non traduites…), souvent il est filmé seul, le regard dans le lointain, il exécute quand même quelques cavalcades à cheval et quelques courses dans les rochers, c’est d’ailleurs une des seules choses bien vues, un Bronson torse-nu, pas une once de graisse (il va se rattraper quelques années plus tard !) qui se déplace avec une souplesse toute féline dans les rochers en comparaison des Blancs qui trébuchent et ahanent dans la poussière, c’est souvent gris d’ailleurs la tonalité des images.

Parce que l’on n’est pas dans l’Ouest américain, l’action oui bien sûr, mais pas le lieu de tournage, c’est un western européen, comme il y a en pas mal au temps du western-spaghetti, c’est filmé en Andalousie, dans la région d’Almeria, je vous le dis de suite, c’est loin d’être aussi lumineux que l’Arizona ou le Nouveau-Mexique, ça ressemble un peu à la région de garrigue au Nord de Nimes, c’est pas vilain, mais tu te rends compte assez vite que ce n’est qu’un ersatz.

Et puis, 1971, c’est l’époque maudite où tout le monde joue du zoom ou du gros plan sans arrêt, c’est ultra-pénible et aussi super-flippant, les yeux et les pommettes de CB qui prennent tout l’écran, t’es content pour le coup de ne pas être au cinoche dans un complexe avec un maxi écran, c’est probablement après avoir vu le film dans ces conditions que le distributeur français a choisi comme titre « les collines de la terreur ».

Au début de ce post, j’avais mis un lien que vous n’avez pas consulté, donc j’en copie/colle un passage, [ce film] « fait partie de cette vague de westerns européens qui a déferlé à cette période et qui semblaient tous bâtis sur le même schéma commercial : chasse à l'homme, ultra-violence, sexe explicite et cynisme hérité du western italien".

Là, je suis entièrement d’accord avec ça, l’association Winner/Bronson (6 films) en est à ses débuts et surfe sur la vague de succès de Charles (le summum en tant que jack-pot sera atteint pour la série des « Justiciers »), faut savoir qu’il y a eu mieux : figurez vous que, la même année 1971, pour séduire la planète entière et faire un max de pognon, des producteurs ont eu l’idée d’embaucher une star japonaise, une française et une américaine pour un western « européen », ce fut Toshiro Mifune, Delon et Bronson + Ursula Andress dans « Soleil Rouge », là aussi un pur navet, plus soft, plus glamour, mais un navet…

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Re: Le monde du Western

Messagepar DCD » 28 nov. 2012, 09:25

C'est quoi un posse ? L'équivalent d'une milice ?

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Re: Le monde du Western

Messagepar Palinodie » 28 nov. 2012, 10:44

C'est le groupe que réunit (ou convoque) une autorité quelconque pour poursuivre quelqu'un, de préférence un criminel.

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Re: Le monde du Western

Messagepar DCD » 28 nov. 2012, 17:20

Merci Monsieur !

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Re: Le monde du Western

Messagepar Palinodie » 30 nov. 2012, 16:52

Faisons une petite expérience : si je vous dis, William Wyler, Charlton Heston et 1959, vous me répondez … ????

……..

Ouais, j’aurais du m’en douter, alors disons, allez dans Google et tapez ces 3 données… C’est fait ? Pour quel résultat ? Ben Hur ?
Hé oui, Ben-Hur, le péplum le plus célèbre de tous les temps, avec sa course de chars mythique ! Bravo… Hein, quoi, quel rapport avec les westerns ?

Hé bien, figurez vous que si rajoutez western, vous obtiendrez, en 2ème page de vos résultats, « The Big Country » (les Grands Espaces), un western de William Wyler, avec Charlton Heston, sorti en France en 1959 (aux States, fin 58) qui passe en ce moment sur TCM (chaine 27, quel b*rdel, cette nouvelle numérotation Canal !).

Un western, dont je n’avais aucun souvenir apparent (nous y reviendrons, n’allons pas trop vite, clin d’œil pour ceux qui suivent Rendez vous avec X, samedi 13h15 sur France-Inter), du coup, ce mercredi soir, à l’interrogation rituelle de mon épouse (Non, mais c’est pas vrai, tu ne vas pas encore regarder un western ?), je lui rétorque, mais pas trop fort « bof, je regarde le début et puis après je passe à autre chose » sans sournoisement et prudemment préciser que la suite, c’est OM/Lyon qui débute 20 mn plus tard, oui, parce que le ¼ h de discussion d’avant-match, c’était marrant il y a 20 ans, mais aujourd’hui, je préfère nettement voir l’intro d’un western que la tronche de Dugarry.

Ca commence classique de chez classique, une diligence traverse la prairie, entre dans une petite vile typique des grandes plaines (une Main Street et pis c’est tout) et dépose ses passagers devant le relais, situé à quelques encablures du saloon.
Déjà là, on pressent de l’extraordinaire (au sens littéral, qui sort de l’ordinaire), la caméra est placée de telle façon que t’as l’impression que la small town qui, manifestement, n’est pas un décor qui a servi 12 500 fois, est située au milieu d’un espace immense, ce qui d’emblée justifie le titre amerloque et franchie.
Pourtant, ça n’a pas été tourné dans le Kansas, le Nebraska, les Dakotas, l’Oklahoma ou le nord du Texas, soit l’espace géographique des Grandes Plaines « herbeuses » (en opposition à celles qui sont cultivées), mais en Californie du Nord, à l’est de Stockton.

C’est dans cet environnement que le héros du film va évoluer, c’est McKay (Gregory Peck), un capitaine de vaisseau, donc un marin, il vient épouser, Carroll Baker, la fille unique (et pourrie gâtée) d’un des 2 grands propriétaires du coin, le Major Terril.
De suite, il est en butte à l’hostilité du Foreman (le contremaitre en Vf) de Terrill (c’est Charlton Heston) clairement amoureux de la fille du big boss et puis il se trouve d’entrée impliqué dans la rivalité qui oppose sa future belle-famille à un autre clan, les Hanassey, nettement moins classe que les Terrill, le père est plutôt du genre gros lourdaud et les fils humm, des soulards/fêtards qui fréquentent assidument le saloon et le bordel du coin, tout ce beau monde étant établi dans un cadre totalement différent, le Blanco Canyon , là aussi un paysage de Californie, mais situé plus au sud dans le Red Rock Canyon State Park.

Les Terrill et les Hanassey se disputent notamment à propos du seul point d’eau permanent de la région, indispensable pour abreuver leur troupeau, point d’eau qui appartient à l’instit du coin, interprétée par Jean Simmons.
2 clans opposés, 2 électrons (1 homme, 1 femme) plus ou moins libres, on pressent d’entrée la tournure des évènements, surtout quand apparaît à l’écran Jean Simmons, elle éclipse littéralement Caroll Baker, pourtant une jolie petite poupée blonde.

Ce qui veut dire que, normalement, à 21 h tapante, j’aurais du basculer sur Canal pour assister à l’écrasement de l’OM, mais non, j’étais déjà scotché sur mon fauteuil, impossible d’appuyer sur le bouton de la télécommande, parce que c’est super bien raconté, avec très peu, finalement, de scènes d’action typique, mais beaucoup d’intensité et de finesse dans le développement de l’histoire.
Par exemple, au début, le major Terril est perçu plutôt comme le bon, par rapport aux méchants, les Hanassey, dont le fils ainé est limité dégénéré, mais en fait et assez vite, on s’aperçoit qu’il n’est qu’un accapareur sans scrupule, inversement les Hanassey semblent plutôt les bad guys avant que le père ne vienne “s’expliquer” en interrompant une party chez les Terrill, du coup, on se pose des questions avant que l’évidence ne surgisse, les 2 sont égaux dans la rapacité et le crime.

Et c’est tout le talent des acteurs de ce film, d’avoir réussi à nous tenir en haleine de bout en bout, car la distribution est exceptionnelle :
J’ai déjà parlé de Peck ici, donc vous connaissez ma position, ce type est incroyable, avec une sobriété étonnante, il arrive à rendre plausible ce personnage de marin, qui refuse de devoir agir en fonction du jugement des autres, Heston est dans son registre, un mec torturé, tiraillé entre sa conscience et ses sentiments, Caroll Baker est impeccable dans le rôle de la pauvre petite fille riche, et puis Jean Simmons donne elle aussi sa pleine mesure, beaucoup plus, il me semble, que dans son rôle de compagne de Spartacus (1960).
La petite anecdote qui va bien : Jean Simmons a été mariée à Stewart Granger, le gentleman aventurier des années 50, l’équivalent d’Errol Flynn 10 ans plus tôt, et était harcelée par le célèbre producteur Cecil B de Mille afin qu’elle lui cède, en échange d’obtenir des rôles de premier plan, ce qui était (est encore?) monnaie courante dans le milieu du cinoche. Outré, Granger a mis son poing dans la figure de De Mille et du coup, sa carrière américaine a quasiment été stoppée net.

Tiens je n’ai pas parlé de Burl Ives, qui joue le patriarche Hanassey, il a obtenu l’oscar pour son rôle et c’est ultra-mérité, tant il fait reluire toutes les facettes de son personnage, faut dire que c’est lui qui a les répliques les plus marquantes et notamment celle-ci quand son fils ainé (le limite psychopathe joué par Chuck Connors) lui demande :
You want me, Pa? (ce qu’on peut traduire, suivant le contexte de la scène, par « tu veux que je vienne ? »)
Il répond: Before you was born I did. (Ouch, ça fait mal…)

Burl Ives, c’est un cas à part à Hollywood, il me semble avoir parlé de lui lors d’un autre film, « the Day of the Outlaw » (vous n’avez qu’à chercher…) avec sa célèbre scène, la Saturday night dance, en tout cas, il était très célèbre aux States, parce qu’il chantait de la folk music, puis de la country, qu’il a enregistré des dizaines d’albums et qu’il participait à des émissions de radio et de télé très suivies.
Un mot sur le director, William Wyler. Il est né à Mulhouse, oui, notre Mulhouse, en 1903, donc en fait en Allemagne. C’est le metteur en scène le plus nominé d’Hollywood, 12 nominations, (mais que 3 oscars) et ce film, c’est un co-projet avec Gregory Peck avec qui il venait de tourner « Vacances romaines ». Ce qui est certain, c’est qu’après « The Big Country », les 2 ne vont plus tourner ensemble, ça s’est mal passé, Wyler ne supportant pas l’intrusion de GP dans le domaine de l’organisation et GP étant horrifié par les dépassements de budget de WW.

Il a filmé de façon à vraiment que le spectateur se rende compte de l’immensité du paysage, témoin la caméra placée très loin lors de la baston entre GP et Heston, on a l’impression que rien n’est laissé au hasard, la façon dont GP est habillé quand il débarque de la diligence, comment il boxe, il a pris le temps (2h45) de développer chaque character, aucune ligne de dialogue n’est là par hasard (GP répond « bof, 1 ou 2 océans » à un quidam qui lui demande s’il a déjà vu un aussi grand paysage), bref c’est vraiment tout sauf une mise en scène passe-partout.
Juste un truc : quand il y a la soirée chez Terrill, on entend la musique, mais on ne voit jamais les musiciens, à se demander si ce n’est pas une simple bande-son.

A ce propos, le film aurait du avoir, selon l’opinion générale, un autre Oscar, celui de la musique, moi, perso, ça ne m’a pas frappé, faudrait que je revois le film, mais je pense que la musique colle super bien à ce qui se passe sur l’écran, ce qui fait que tu ne la « remarques » pas, sauf (en plus de celle évoquée plus avant) dans 2 séquences, celle qui suit le domptage de Old Thunder (le cheval que l’on attribue à GP pour le ridiculiser) et quand l’instit essaye d’effrayer GP, car à ces moments là, elle constitue un élément prépondérant de la scène.
Je ne vais pas détailler plus avant, j’en ai raconté suffisamment pour vous allécher (ou vous dégouter…), franchement, c’est un film à voir, même si quelqu’un a déclaré « ce film est un western pour ceux qui n’aiment pas les westerns », c’est un peu exagéré, certes le rythme est lent (ben oui, 2h45 et encore, GP a forcé Wyler à couper), mais il y a quand même quelques scènes d’action d’anthologie, dont la fameuse dernière dans le canyon.

Et figurez que c’est à ce moment (vers 23 h), alors que les joueurs lyonnais chantaient sous la douche, que j’ai réalisé que j’avais vu ce film dans mon enfance (mais pas en 59…), quand j’étais teenager, probablement que l’aspect « psychologique » du film, les 2 actrices, tout çà m’était largement passé au dessus la tête, je n’avais retenu que le décor fascinant du canyon et le duel au pistolet.

Paraît qu’il y en a qui s’inquiète pour mon épouse : pas d’inquiétude, on a un deuxième poste de télé…
Dernière modification par Palinodie le 29 août 2014, 14:47, modifié 1 fois.

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Re: Le monde du Western

Messagepar Palinodie » 30 nov. 2012, 23:04

J'ai eu, lors de la vision de ce film une autre impression de déjà-vu, quand on aperçoit pour la 1ere fois le domaine des Hanassey, situé à la sortie d'un canyon.
Je viens de retrouver, je suis à peu près certain que c'est le même décor (construit dans le Red Rock Canyon) utilisé pour représenter la ville fantôme dans "L'Homme de l'ouest" qui a été tourné la même année, cf viewtopic.php?f=8&t=6502&p=213355&hilit ... st#p213355.

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Re: Le monde du Western

Messagepar Palinodie » 12 déc. 2012, 18:49

Les faits, d’abord, commençons uniquement par les faits :
« Shane » (L’homme des vallées perdues en Vf.), un western de Georges Stevens (1953), le premier film projeté en « écran panoramique », un carton au box-office, 5 nominations aux Oscars, 1 récompense, il figure dans tous les classements dont les amerloques sont si friands et notamment 3ème dans la catégorie western, Alan Ladd y a joué ce qui est considéré comme son meilleur rôle, Jean Arthur, pourtant une actrice emblématique entre 1935 et 45, y a connu son plus grand succès en terme d’audience à plus de 50 ans, je pourrais encore en rajouter, mais il faut quand même qu’il reste certains détails à découvrir, sinon vous allez arrêter de lire…

La seule question qui se pose, à ce stade, c’est « est ce que ce film vaut encore le coup d’être vu ? » parce que des méga hits devenus des films ringards, ce n’est pas ce qui manque dans l’histoire du cinéma.

Et là, je réponds oui, sans hésiter, car tout en développant un thème ultra classique, un étranger, Shane, arrive dans une petite communauté et se trouve mêlé aux rivalités entre un gros éleveur et des petits « fermiers » (terme imprécis, voire impropre, que je rectifierai plus avant), ce film est remarquable sur plus d’un point :
D’abord sur son rapport à la « vérité historique », ça me parait très réaliste, l’action se situe juste après la guerre de Sécession, donc quelques années après le Homesteader Act de 1862 qui attribuait aux colons 65 hectares de terre qu’il devait cultiver pendant 5 ans avant d’en devenir vraiment propriétaire . Or dans une des premières scènes du film, le gros éleveur du coin vient essayer de « convaincre » un homesteader (« fermier ») de partir, ce qui signifiait de perdre son droit à la possession des 65 ha de terrain.
Historiquement, de nombreux conflits ont opposés homesteaders et éleveurs, surtout dans les régions d’élevage extensif, où ces derniers pratiquaient l’open range, cad que les troupeaux parcouraient quasi librement toutes les terres pour pâturer (un peu gênant pour les cultures….) et effectivement l’action se déroule dans une vallée du Wyoming où ce type d’élevage était le seul possible, étant donné le climat (froid en hiver et sec en été).

Ensuite les fameux cow-boys, dans la réalité, s’ils étaient bien armés, n’étaient pas forcément des fous (ni des adroits) de la gâchette comme souvent dans les westerns et là encore le réalisateur a tenu compte de ce paramètre, puisque le gros éleveur, alors qu’il dispose de nombreux cow-boys, fait appel à un gun man venu de la métropole voisine, Cheyenne
Je pourrais rajouter que les fringues que portent les homesteaders et même les cow-boys ne font pas rêver du tout, que l’on sent bien le « poids » de la nature omniprésente (la boue, l’état de la main street etc.), mais bon, vous avez compris, ce western est réaliste, ce qui était certainement assez surprenant en 1953.

Cela explique le choix de Jean Arthur comme actrice principale, Jean qui a 52 ans lors du tournage, certainement que le director ne voulait pas d’une pin-up maquillée pour jouer le rôle de cette femme mariée qui bosse comme une dingue dans une exploitation agricole.
Remarquons qu’on avait pensé à Katharine Hepburn (45 ans à l’époque) pour le rôle, et que Stevens avait voulu engager Montgomery Clift et William Holden, mais comme ces derniers n’étaient disponibles, Stevens en 5 mn avait consulté le « catalogue » de la Paramount et choisi Ladd, Van Heflin et Arthur pour les rôles principaux, à quoi ça tient le succès d’un film…

Parce que Alan Ladd est formidable, du début à la fin, d’abord quand il apparaît, surgissant de nulle part, habillé en peau de daim, avec ses 2 six-coups accrochés à sa ceinture, jusqu’à la toute fin du film quand il disparaît dans la nuit, ayant repris ces même habits, après la longue parenthèse dans laquelle il a essayé de changer de vie (et symboliquement de vêtement), mais « quand tu as tué quelqu’un, tu es marqué pour la vie ».
Alan Ladd est par ailleurs une exception dans le panel des stars hollywoodiennes, il me semble l’avoir déjà signalé, il ne mesurait qu’1m65, ce qui fait qu’il montait sur une caisse pour être à la hauteur de certains de ses partenaires dans certaines scènes, fallait que le cadreur ne soit pas distrait…
Par ailleurs, si Shane est un excellent tireur, il a fallu 116 prises à l’acteur Alan Ladd pour réaliser la scène où il est censé apprendre à tirer au gamin des homesteader !
Après « Shane », sa carrière va décliner et il va sombrer dans l’alcoolisme, ce qui est par contre assez courant…

Perso, j’ai halluciné quand sur TCM, le nom de Jean Arthur s’est affiché au générique. Cette actrice, c’est en quelque sorte la personnification de la screwball comedy, notamment dans les 3 chefs d’œuvre de Capra Mr. Deeds Goes to Town (1936), You Can't Take It With You (1938), and Mr. Smith Goes to Washington (1939), dans lesquelles elle incarne une « héroïne de tous les jours », à savoir une employée ou une journaliste, en tout cas quelqu’un de « solidement urbain » plutôt adaptée à survivre dans la jungle des villes modernes.
Et bien là, dans ce rôle d’épouse et de mère de famille courageuse et fidèle, quoique qu’amoureuse d’Alan Ladd, elle en bouche un coin.
Bizarrement, c’est son dernier rôle, alors que le succès de « Shane » lui ouvrait la voie d’une seconde carrière, elle s’est contentée ensuite d’enseigner l’art dramatique et c’est elle qui a découvert Meryl Streep.

Un autre acteur fait une courte apparition, mais mémorable, c’est Jack Palance dans le rôle du tueur, faut le voir et l’entendre provoquer un homesteader, pour ce dernier fasse le premier geste vers son arme, assuré qu’il est d’être le plus rapide et aussi de tuer en état de légitime défense, sans surprise, donc il dégaine plus vite et c’est là que c’est fort, surtout 10/15 ans avant les premiers westerns spaghetti, il attend une seconde en fixant son adversaire, puis tire.
Par contre, il ne savait pas monter à cheval, on a supprimé la scène de son arrivée en ville à cause de cela, plus fort, la scène où on le voit qui grimpe sur un cheval est en fait une scène où il descend, mais montée à l’envers, j’imagine qu’il a fallu une grue pour le mettre en selle...

Lui, c’est ce film qui a vraiment lancé sa carrière de méchant (souvent psychopathe) dans lequel il va exceller en interprétant par exemple Dr. Jekyll (surtout Mr. Hyde), Dracula et Attila.

Mais l’acteur qui a probablement le plus ému l’Amérique toute entière, c’est le jeune Brandon de Wilde, 10 ans qui joue le fils de Van Heflin et de Jean Arthur et qui va prendre Alan Ladd comme modèle.
Ouais, le gamin est touchant, mais à mon avis légèrement agaçant, vous croyez que ça veut dire que je deviens un vieux c*n ?

En tout cas, un bon film qui a énormément plu aux States, probablement parce que Stevens a donné une version plausible d’un épisode de l’Ouest américain, tout en gardant la thématique des petits qui s’opposent au gros, grâce à une certaine solidarité, mais aussi grâce à la combativité, l’adresse et la dextérité du personnage de Shane, un Shane qui ensuite va regagner sa vie d’aventurier, une fois « l’ordre » rétabli.

Un petit truc pour terminer (en beauté) : Stevens qui avait participé à la World War II et donc connaissait les dégâts provoqués par une balle ne voulait pas de ces ridicules attitudes plus ou moins hiératiques qu’adopte le mec qui vient de s’en prendre une, aussi le futur mort était équipé de fils invisibles (à l’écran en tout cas), ce qui fait qu’on pouvait le tirer violemment en arrière au moment de l’impact supposé.
Dernière modification par Palinodie le 12 déc. 2012, 20:17, modifié 1 fois.

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Re: Le monde du Western

Messagepar Palinodie » 12 déc. 2012, 19:31

Imaginons (soyons fou !) que quelqu'un ici ait l'idée de regarder ce film (Shane, celui de la page précédente, ce message fait qu'on vient de tourner une page) , c'est encore possible sur TCM (vendredi 14, 15h30) et avec Canal à la demande, vous remarquerez que par ailleurs, je n'ai pas trop dévoilé tous les détails de l'intrigue, loin s'en faut, si vous le regardez en VO vous entendrez les cow-boys traiter les homesteaders de "sodbusters", ce qui signifie briseur de mottes (sod = motte, mais aussi sal*pard, enf*iré etc...), dans le cas de ce film qui se déroule dans une vallée du Wyoming (on voit bien les massifs des Rocheuses en arrière plan), l'insulte ne me parait pas justifiée, puisque les homesteaders habitent des maisons en bois (troncs d'arbres à peine taillés), alors que ceux qu'on appelait péjorativement sodbusters était des immigrants qui ne trouvant pas de bois dans le voisinage construisaient des habitations faites de mottes de terres, ce qui fait que les sodbusters étaient plutôt dans les Grandes Plaines.

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Re: Le monde du Western

Messagepar DCD » 13 déc. 2012, 08:32

Merci !


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