Des jeunes jugés pour avoir exhibé un symbole antifasciste. Un groupuscule d’extrême-droite dissout. Des tensions entre supporters du même club. Les stades sont-ils politisés ? Enquête dans les travées de Saint-Symphorien.
Pour nous, c’est un drapeau qui a sa place dans un stade. » Le 27 janvier dernier, les quatre prévenus semblent se demander ce qui les a conduits de la tribune au tribunal.
DOSSIER
Leur tort ? Avoir exhibé dans une enceinte sportive, le 22 octobre 2010, un symbole rappelant une idéologie raciste ou xénophobe. En l’occurrence une croix gammée. C’était à Saint-Symphorien, lors de Metz-Angers. Sauf que la croix gammée en question était fracassée par un poing et rehaussée de cette inscription allemande « Gegen nazis », littéralement « contre les nazis ».
« Tout le monde connaît l’engagement antifasciste de la tribune est », expliquent aux juges les quatre membres de la Horda Frénétik 1997. « D’un stade, on a souvent l’image de gens qui tendent le bras , de combats entre supporters. Mais un stade, ce ne sont pas que des alcoolos fachos, ce sont aussi des militants remarquables », appuie M e Raphaël-Antony Chaya. Juste avant, le procureur a déjà souligné le ridicule de la situation. Les quatre jeunes sont relaxés.
Si la justice ne badine pas avec les messages envoyés par les supporters dans les stades, c’est parce que ces enceintes peuvent servir de tribunes à des groupuscules. « Le milieu est gangrené par la politique », reconnaît ce supporter vieux de 25 ans.
A Saint-Symphorien, la situation est moins limpide qu’au PSG, entre les tribunes Auteuil et Boulogne. « Certains comportements laissent à penser que la tribune est est plutôt ancrée à gauche, et l’ouest à droite. Mais ce n’est en aucun cas la politique qui régit leur fonctionnement », analyse Jacky Ancel.
Fachos contre gauchos
Le chef de la sécurité, depuis 1991, fait référence aux drapeaux bleu, blanc, rouge et à La Marseillaise régulièrement entonnée par Génération Grenat (tribune ouest), auxquels La Horda Frénétik (tribune est) répond par l’effigie du Che ou le drapeau jamaïcain : « Dans la vie, on choisit qui on fréquente. Au stade, c’est plus difficile. Nous, comme on ne veut pas être assis à côté d’un raciste, on s’identifie par une iconographie très marquée », explique ce membre de la Horda. « Quand le leader local de la CNT (Confédération nationale du travail, structure anarchosyndicaliste, NDLR) vient voir un match, c’est avec la Horda », ajoute Jacky Ancel. De la même manière, en 2008, suite à des violences, le ministère de l’Intérieur a exigé la dissolution de plusieurs groupes de supporters français, dont La Faction, à Metz : « Des nazillons, dont beaucoup adhéraient aux Jeunesses identitaires », décrit le responsable de la sécurité. Ils avaient pris place tribune ouest.
Aujourd’hui, il n’y a plus foule au stade et le calme est revenu. Même si les relations entre les deux groupes sont variables. Dernièrement, lors d’un déplacement à Troyes, ils ont chanté ensemble… avant de s’envoyer quelques gifles sur le chemin du retour : « En déplacement, on fait rire tout le monde quand les gens voient que nos deux groupes sont séparés par un cordon de sécurité », ajoute Jacky Ancel.
Quelques violences, mais pas de prosélytisme, comme le confirme ce supporter, qui suit le club depuis quinze ans et a fait partie des deux groupes : « Officiellement, ils se disent apolitiques et effectivement, je n’ai jamais rien relevé de concret. Bien sûr, vu de l’extérieur, on peut avoir l’impression que les fachos s’opposent aux gauchos. Mais la réalité est beaucoup plus complexe que cela. »
Textes : Philippe MARQUE.
RL 20/02/11 : les stades sont aussi des tribunes politiques
- olis57
- Messages : 1970
- Inscription : 27 août 2009, 07:53
- olis57
- Messages : 1970
- Inscription : 27 août 2009, 07:53
Re: RL 20/02/11 : les stades sont aussi des tribunes politiques
VU DE L’INTÉRIEUR… RIEN DE PROBANT
Lundi soir, pour Metz-Ajaccio, nous avons passé une mi-temps dans chaque camp. Le bilan ne montre rien de bien probant… politiquement parlant. Il faut vraiment pousser les clichés à l’extrême pour relever quelques différences. Chez Génération Grenat, l’ambiance est plutôt jeune, les cheveux coupés assez courts et l’organisation pyramidale. Le public obéit au doigt et à l’œil à deux « Capos » qui haranguent la foule pour lancer les chants. Du côté de la Horda, les trentenaires ont bien souvent les cheveux un peu long et parfois même la barbe. L’ambiance est assez « chambreuse ». Les refrains partent d’un peu partout. Le tout dans une vaste odeur de marijuana. Bref, l’anarchie… au sens imagé du terme.
Lundi soir, pour Metz-Ajaccio, nous avons passé une mi-temps dans chaque camp. Le bilan ne montre rien de bien probant… politiquement parlant. Il faut vraiment pousser les clichés à l’extrême pour relever quelques différences. Chez Génération Grenat, l’ambiance est plutôt jeune, les cheveux coupés assez courts et l’organisation pyramidale. Le public obéit au doigt et à l’œil à deux « Capos » qui haranguent la foule pour lancer les chants. Du côté de la Horda, les trentenaires ont bien souvent les cheveux un peu long et parfois même la barbe. L’ambiance est assez « chambreuse ». Les refrains partent d’un peu partout. Le tout dans une vaste odeur de marijuana. Bref, l’anarchie… au sens imagé du terme.
- olis57
- Messages : 1970
- Inscription : 27 août 2009, 07:53
Re: RL 20/02/11 : les stades sont aussi des tribunes politiques
UN MATCH DANS LE MATCH
L’idée initiale était d’arriver à réunir les deux présidents. Histoire d’ouvrir un débat. Peine perdue. La Horda Frénétik ne voyait pas l’intérêt d’un face-à-face autour d’un journaliste. Et Génération Grenat a carrément refusé de s’exprimer sur le sujet, faisant juste savoir qu’ils ne faisaient « pas de politique au stade. » Sébastien Siegwarth, 33 ans, président depuis cette année de la Horda, est donc le seul à donner sa vision.
La Horda Frénétik, c’est quoi ?
Sébastien SIEGWARTH : « Un groupe de supporters créé en 1997, indépendant du club, et qui s’inscrit dans la mouvance Ultras, venant d’Italie. Ces derniers sont les supporters les plus passionnés. »
Une philosophie ?
« Une de nos valeurs phares, c’est l’antiracisme. Pour nous, être raciste est antinomique avec le football. Mais attention, cela ne veut pas dire que les supporters qui ne rejoignent pas notre groupe le sont. L’autre valeur, c’est la tolérance. Toutes les minorités sont les bienvenues chez nous. »
Une tribune politique ?
« Pas du tout. Personnellement, je n’adhère à aucun parti politique. Ce qui prête à confusion, c’est l’effigie du Che. Nous, on l’utilise comme un symbole de résistance. Cela surprend certaines personnes, qui n’ont pas l’air choquées de voir des supporters agiter un drapeau bleu, blanc, rouge. C’est là où j’ai du mal à suivre. Pour nous, être contre le racisme, c’est un acte purement citoyen. Y’en a marre de cette image qui nous taxe de gauchos sous ce prétexte. Si on raisonne comme ça, cela voudrait alors dire que tous les gens de droite sont racistes. Je ne le crois pas non plus. »
Un point commun avec Génération Grenat ?
« Oui, au moins deux. Il y a d’abord l’amour du club. Et ensuite le fait de penser que le public fait partie intégrante du club. »
Et les différences ?
« Ce qui nous a séparés au départ, ce n’est pas une histoire de philosophie mais plutôt de génération. Aujourd’hui, chacun trace sa route sans prendre le pas sur l’autre et c’est très bien comme ça. »
Les violences entre les deux groupes ?
« Elles existent parfois et je les regrette. En revanche, elles répondent plus à une logique individuelle qu’à une logique de groupes. »
L’idée initiale était d’arriver à réunir les deux présidents. Histoire d’ouvrir un débat. Peine perdue. La Horda Frénétik ne voyait pas l’intérêt d’un face-à-face autour d’un journaliste. Et Génération Grenat a carrément refusé de s’exprimer sur le sujet, faisant juste savoir qu’ils ne faisaient « pas de politique au stade. » Sébastien Siegwarth, 33 ans, président depuis cette année de la Horda, est donc le seul à donner sa vision.
La Horda Frénétik, c’est quoi ?
Sébastien SIEGWARTH : « Un groupe de supporters créé en 1997, indépendant du club, et qui s’inscrit dans la mouvance Ultras, venant d’Italie. Ces derniers sont les supporters les plus passionnés. »
Une philosophie ?
« Une de nos valeurs phares, c’est l’antiracisme. Pour nous, être raciste est antinomique avec le football. Mais attention, cela ne veut pas dire que les supporters qui ne rejoignent pas notre groupe le sont. L’autre valeur, c’est la tolérance. Toutes les minorités sont les bienvenues chez nous. »
Une tribune politique ?
« Pas du tout. Personnellement, je n’adhère à aucun parti politique. Ce qui prête à confusion, c’est l’effigie du Che. Nous, on l’utilise comme un symbole de résistance. Cela surprend certaines personnes, qui n’ont pas l’air choquées de voir des supporters agiter un drapeau bleu, blanc, rouge. C’est là où j’ai du mal à suivre. Pour nous, être contre le racisme, c’est un acte purement citoyen. Y’en a marre de cette image qui nous taxe de gauchos sous ce prétexte. Si on raisonne comme ça, cela voudrait alors dire que tous les gens de droite sont racistes. Je ne le crois pas non plus. »
Un point commun avec Génération Grenat ?
« Oui, au moins deux. Il y a d’abord l’amour du club. Et ensuite le fait de penser que le public fait partie intégrante du club. »
Et les différences ?
« Ce qui nous a séparés au départ, ce n’est pas une histoire de philosophie mais plutôt de génération. Aujourd’hui, chacun trace sa route sans prendre le pas sur l’autre et c’est très bien comme ça. »
Les violences entre les deux groupes ?
« Elles existent parfois et je les regrette. En revanche, elles répondent plus à une logique individuelle qu’à une logique de groupes. »
- olis57
- Messages : 1970
- Inscription : 27 août 2009, 07:53
Re: RL 20/02/11 : les stades sont aussi des tribunes politiques
« UN ESPACE DE LIBRE EXPRESSION »
Ludovic Lestrelin, sociologue, est maître de conférence à l’université de Caen et auteur du livre L’autre public des matches de foot (Editions EHESS).
Les stades français sont-ils politisés ?
Ludovic LESTRELIN : « C’est très compliqué. Une large partie des groupes de supporters se déclare apolitique. Mais d’autres se positionnent à l’extrême gauche, comme à Marseille où les "Winers" et les "Marseillais trop puissants" affichent des symboles anarchistes ou la figure du Che. Après, il y a effectivement des symboles, particulièrement d’extrême-droite, qui peuvent fleurir dans les tribunes. Ils ont tendance à disparaître, mais cela était plus vrai dans les années 80. Enfin, il y a eu quelques tentatives assez sommaires et timides de recrutement dans les stades par des groupuscules politiques ou le Front national. Cela a été vrai à Paris ou à Lyon, dans les années 80, mais cela a tourné court et aujourd’hui, rien ne permet d’aller dans le sens de liens concrets entre groupes de supporters et groupes politiques. »
Les extrémistes semblent être les seuls à occuper le terrain. Pourquoi ?
« Ceux qui mobilisent ce genre d’idées vivent le supportérisme de manière très intense. Leur passion est poussée à l’extrême, il est donc assez logique que leurs idées le soient aussi. Mais en France, ce phénomène reste très modeste car les idées extrémistes peuvent être affirmées librement, ailleurs que dans des tribunes. »
Mais alors, pourquoi les stades sont-ils le réceptacle de ces messages idéologiques engagés ?
« Par essence, les supporters se positionnent contre. Contre le racisme, le fascisme, les immigrés, etc. Dans les années 80, la frange d’extrême droite du PSG a été très médiatisée, ce qui a donné aux supporters les plus fervents l’image de fachos. Afficher une identité anti-raciste, c’est un moyen de lutter contre ce cliché et de refuser cet étiquetage. »
Vu de l’extérieur, on peut être surpris que des supporters affichent un message autre que celui consistant à supporter leur équipe. Pourquoi brandir un drapeau tricolore ou un portrait du Che ?
« C’est une manière de se positionner, de se construire une identité et d’ériger des oppositions claires par rapport à d’autres groupes de supporters. »
Comment expliquer que le stade constitue parfois un creuset pour exprimer un ras-le-bol politique, comme quand La Marseillaise y est sifflée, ou alors un formidable endroit de récupération politique, quand les résultats sont bons et que les élus se doivent de s’y afficher ?
« Le stade est l’un des derniers endroits où peut s’exprimer une forme de liberté d’expression et où on peut provoquer, jouer avec les emblèmes, être dans une radicalité d’expression. Cela est très ancré. »
Ludovic Lestrelin, sociologue, est maître de conférence à l’université de Caen et auteur du livre L’autre public des matches de foot (Editions EHESS).
Les stades français sont-ils politisés ?
Ludovic LESTRELIN : « C’est très compliqué. Une large partie des groupes de supporters se déclare apolitique. Mais d’autres se positionnent à l’extrême gauche, comme à Marseille où les "Winers" et les "Marseillais trop puissants" affichent des symboles anarchistes ou la figure du Che. Après, il y a effectivement des symboles, particulièrement d’extrême-droite, qui peuvent fleurir dans les tribunes. Ils ont tendance à disparaître, mais cela était plus vrai dans les années 80. Enfin, il y a eu quelques tentatives assez sommaires et timides de recrutement dans les stades par des groupuscules politiques ou le Front national. Cela a été vrai à Paris ou à Lyon, dans les années 80, mais cela a tourné court et aujourd’hui, rien ne permet d’aller dans le sens de liens concrets entre groupes de supporters et groupes politiques. »
Les extrémistes semblent être les seuls à occuper le terrain. Pourquoi ?
« Ceux qui mobilisent ce genre d’idées vivent le supportérisme de manière très intense. Leur passion est poussée à l’extrême, il est donc assez logique que leurs idées le soient aussi. Mais en France, ce phénomène reste très modeste car les idées extrémistes peuvent être affirmées librement, ailleurs que dans des tribunes. »
Mais alors, pourquoi les stades sont-ils le réceptacle de ces messages idéologiques engagés ?
« Par essence, les supporters se positionnent contre. Contre le racisme, le fascisme, les immigrés, etc. Dans les années 80, la frange d’extrême droite du PSG a été très médiatisée, ce qui a donné aux supporters les plus fervents l’image de fachos. Afficher une identité anti-raciste, c’est un moyen de lutter contre ce cliché et de refuser cet étiquetage. »
Vu de l’extérieur, on peut être surpris que des supporters affichent un message autre que celui consistant à supporter leur équipe. Pourquoi brandir un drapeau tricolore ou un portrait du Che ?
« C’est une manière de se positionner, de se construire une identité et d’ériger des oppositions claires par rapport à d’autres groupes de supporters. »
Comment expliquer que le stade constitue parfois un creuset pour exprimer un ras-le-bol politique, comme quand La Marseillaise y est sifflée, ou alors un formidable endroit de récupération politique, quand les résultats sont bons et que les élus se doivent de s’y afficher ?
« Le stade est l’un des derniers endroits où peut s’exprimer une forme de liberté d’expression et où on peut provoquer, jouer avec les emblèmes, être dans une radicalité d’expression. Cela est très ancré. »
Qui est en ligne ?
Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 140 invités