Kévin Lejeune et les Messins ont vite pris l’avantage en milieu de première période. Pour ne plus le lâcher et y apporter un peu plus d’épaisseur en fin de rencontre.
Metz a remporté le derby, hier, au terme d’un match qu’il a dominé de bout en bout (3-0). Les Nancéiens n’ont jamais existé.
Point de crime de lèse-majesté ni d’affront à la nation mosellane. La Lorraine est redevenue Grenat, hier, dans la première manche d’un derby à sens unique (3-0). Terrassé par le puissant désherbant de la peur puis coupé net par de furieux Messins, le chardon nancéien n’a jamais réussi à pousser à Saint-Symphorien. Il devra en faire davantage au retour, fin février, sur son sol synthétique pour espérer une croissance dans ce championnat de Ligue 2 que son voisin domine joyeusement aujourd’hui. Car la réalité est là ce matin : les Grenats sont installés sur le podium, forts d’une série de six matches sans défaite. Avec, pour conforter leur confiance, un dernier succès puissamment symbolique dans la besace.
Ce derby a choisi son camp dès l’entame. D’emblée, les Messins ont sauté à la gorge de leurs hôtes, imprimé un pressing démentiel et déboussolé des Nancéiens fébriles sinon pétrifiés. Les Grenats ont donc ouvert la marque en toute logique face à cette armée des ombres. Un vrai coup de billard d’ailleurs : un coup franc de Lejeune sur la tête de Kashi, le visiteur Amadou qui s’élève et trouve la barre puis Ngbakoto qui surgit pour capter le rebond et inscrire, d’une tête plongeante, sa deuxième réalisation de la saison (1-0, 14e ).
« Et un et deux et trois zéro »
Ce but aurait pu piquer l’ASNL ou la réveiller un minimum. Non, il l’a maintenue sous anesthésie générale. Dans la foulée, Ngbakoto profitait d’un lancement de Rocchi pour expédier une frappe à côté (20e ) et Bussmann inscrivait un but logiquement refusé : Marchal avait repris un ballon sorti avant de centrer (24e )…
Fauvergue insistait à son tour en contre-attaque mais Nardi, solide, détournait le ballon (35e ). Ce match est finalement resté très messin dans sa constitution. Solides et conquérants sans être toujours efficaces, les hommes d’Albert Cartier ont reproduit le scénario habituel qui les amène inexplicablement à relâcher leur étreinte avant la pause. Cette fois, pourtant, les Mosellans n’ont pas perdu le contrôle. Nancy ne lui a jamais repris non plus et Johann Carrasso pourra en témoigner. Faute de travail, le gardien a failli prendre froid avant la pause. Ensuite, il s’est réchauffé un peu sur une reprise mal contrôlée de Cuvillier (47e ) puis une frappe de Cuffaut (63e ) captée, elle aussi, sans grande difficulté.
Pour avoir un match, il faut deux équipes et des temps forts plus ou moins répartis mais les coéquipiers de Diafra Sakho n’ont pas partagé grand-chose avec un voisin qui, en parallèle, lui a fait bien des politesses. Il est inconcevable d’imaginer un Nancéien entrer avec des patins à Saint-Symphorien en s’excusant du dérangement et pourtant…
Hier, l’ASNL s’est avérée un hôte délicieusement inoffensif. Alors les coéquipiers de Rocchi ont repris leur travail de sape. Métanire, au bout d’un slalom, ratait le cadre de peu (58e ), Ngbakoto obligeait encore Nardi à se détendre sur un coup franc plongeant (70e ) et le buteur de manquer encore une reprise à la récupération d’un tir sur le poteau de Sarr (74e ). Sakho prenait alors sa suite et enchaînait par un numéro de soliste au milieu d’une défense amorphe mais son petit lob sur le gardien nancéien est venu mourir en touche (83e ).
Metz a failli rester fidèle lui-même jusqu’au bout : joueur, impliqué mais incapable de se mettre à l’abri d’une mauvaise surprise. Le coaching d’Albert Cartier a finalement bousculé cette fâcheuse habitude. Au bout de la nuit, ses deux remplaçants Sarr et Nsor ont enflammé tout un stade en offrant au score des proportions plus conformes à la réalité de cette partie. Le premier a conclu un contre en finesse (84e ) et le second a expédié une praline pétaradante en pleine lucarne (86e ).
« Et un et deux et trois zéros ! » , exultait Saint-Symphorien pour couvrir les dernières mèches allumées par les supporters nancéiens. Ces derniers auront décidément été plus remuants que leur équipe hier.
Yeni Ngbakoto et les Messins ont vite pris l’avantage en milieu de première période. Pour ne plus le lâcher et y apporter un peu plus d’épaisseur en fin de rencontre.
Christian JOUGLEUX.
Ngbakoto, le déclencheur
Diafra Sakho, le meilleur buteur messin, est resté muet, hier soir.
En ouvrant rapidement la marque, Yeni Ngbakoto a mis le FC Metz sur de bons rails avant de livrer, à l’image de son équipe, une grosse bataille.
CARRASSO. Le gardien messin a passé une première mi-temps relativement tranquille. Mais il a su rester concentré afin de détourner le vicieux coup franc de Cuvillier juste après la pause (50e ) avant de capter la frappe de Cuffaut (63e ).
MÉTANIRE. Le Messin a confirmé sa bonne forme actuelle. Du mordant défensivement et de l’audace offensivement. Sa superbe percée dans la défense nancéienne, suivie d’une frappe du gauche, aurait d’ailleurs mérité meilleur sort (58e ).
MARCHAL. Pour ses retrouvailles avec Nancy, le capitaine messin a fait preuve d’une extrême motivation et de beaucoup d’autorité. Omniprésent, toujours bien placé, il a à la fois rassuré ses partenaires et dégoûté ses adversaires.
CHOPLIN. Une très bonne entente avec son binôme de la défense centrale. Une copie propre, sans fioriture. Efficace.
BUSSMANN. Faute de pouvoir s’exprimer offensivement, le défenseur vosgien a livré une vraie et belle bataille, ne se laissant jamais prendre à défaut.
ROCCHI. Véritable métronome, le milieu de terrain s’est appliqué à distribuer le jeu proprement sans jamais rechigner à son rôle défensif. Remplacé par Lancina (79e ).
KASHI. Il a ratissé de nombreux ballons, harcelant sans ménagement ses vis-à-vis. A l’origine du but messin, il s’est même permis d’aller chambrer le kop nancéien. Culotté et précieux.
LEJEUNE. Loin d’être déstabilisé par les intimidations du kop nancéien, le milieu de terrain messin a gardé toute sa lucidité pour distiller le coup franc à l’origine de l’ouverture du score messine. Très présent dans les tâches défensives, il a régulièrement tenté d’accélérer le jeu, de créer le surnombre. Des prises d’initiatives parfois gâchées par de mauvais choix. Remplacé par Sarr (69e ) qui a apporté sa fraîcheur, sa technique, trouvant le poteau après un petit numéro solo (74e ) avant de filer à l’anglaise pour crucifier Nardi et libérer Saint-Symphorien (84e ). Une entrée en jeu remarquée et remarquable.
SAKHO. Un match discret avec à la clé de rares occasions pour le meilleur buteur messin. Une tête mal maîtrisée en première période (9e ) et une frappe lointaine après la pause (46e ). Et comme à Clermont, la réussite a fui le Sénégalais à l’image de cette louche échouant au pied du poteau gauche de Nardi (83e ).
FAUVERGUE. Il a tenté d’imposer sa taille dans son rôle de pivot. Pas souvent en réussite, lui aussi, l’attaquant prêté par Reims n’a cependant pas ménagé sa peine. Il aurait même pu inscrire son troisième but de la saison sans une superbe intervention de Nardi (35e ). Remplacé par Nsor (64e ), qui s’est immédiatement plongé dans le derby. Sans complexe. Une preuve ? Cette puissante demi-volée pour conclure la belle soirée messine (86e ).
L’HOMME CLÉ
YENI NGBAKOTO. Sa rageuse tête plongeante synonyme d’ouverture du score pour les Messins démontre toute l’envie et la hargne qui habitaient le milieu messin hier soir. S’il a grandement participé au travail de sape de son équipe, il a aussi fait parler sa technique au risque, parfois, d’en faire un peu trop. Il aurait même pu réussir le doublé sur un superbe coup franc travaillé détourné par Nardi (70e ), avant de rater de peu la cible sur la frappe de Sarr repoussée par le poteau (74e ). Un match plein.
Appliqué et concentré, Romain Rocchi n’a rechigné à aucune tâche.
Jean-Sébastien GALLOIS.
Les déferlantes humaines
19h15, boulevard Saint-Symphorien… Une centaine de "supporters" tout de noir vêtus déboulent. Les CRS dégainent alors le gaz lacrymogène…
Il y a ceux qui viennent en famille pour assister « au grand match de l’année ». Il y a ceux qui, tout de grenats vêtus apportent un soutien sans faille à leur équipe. Et il y a les autres qui sont là pour en découdre… Sans intérêt.
19h15, boulevard Saint-Symphorien… Une centaine de "supporters" tout de noir vêtus déboulent. Les CRS dégainent alors le gaz lacrymogène…
C’est probablement pour les matches de foot que le covoiturage est le plus efficace. Dès 18 h, hier, aux abords du stade Saint-Symphorien, les voitures font le plein. D’ hommes, en grande majorité, qui entendent ne pas stationner à perpet’. À cette heure-là, il n’y a pas encore foule. Par contre, policiers, gendarmes, en tenue ou en civil, sont en faction. Une présence massive qui se veut dissuasive.
18 h 40 : devant l’entrée du stade, l’heure est au casse-croûte. Les familles, les amis pique-niquent. L’ambiance est bon enfant. Les ateliers maquillage ont déjà commencé et les Croix de Lorraine ornent les joues déjà teintées de grenat. Les drapeaux utilisés en guise de paréo jupent les jambes de messieurs. Tendance foot.
Un peu plus loin, Renzo vient d’acheter un petit polo à son petit-fils. Il campe devant la tribune Est, assure que Sarrebruck tient pour les Nancéiens, que Kaiserslautern soutient les Messins. Avec quelques copains, ils jouent déjà le match. Comme bien d’autres. Les commentaires ont déjà commencé bien avant l’heure.
19 h 15 : boulevard Saint-Symphorien, un groupe déboule au milieu de la chaussée. Les cris, les chants stridents alertent les CRS. Une centaine (à tout casser) d’hommes tout de noir vêtus, le visage dissimulé par des écharpes veulent en découdre. Premiers jets de gaz lacrymogène. Décourageant. Les "Ultras" poursuivent leur chemin.
19 h 37 : il se plante devant la tribune Est. Celle qui doit accueillir les Nancéiens. Le staff de sécurité a prévu que ces spectateurs-là ne se croisent pas.
Les hommes en noirs hurlent des vulgarités. S’essoufflent vite. Deuxièmes jets de gaz. Ils battent en retraite, reviennent quelques minutes plus tard et commencent à arracher les grilles qui cernent les tribunes. Chaud. Troisièmes jets de gaz, beaucoup plus important cette fois. Les larmes aux yeux, la gorge irritée, les "ultras" et les autres se dispersent en toussant. Les enfants pleurent. Boualem venu avec son fils Raphaël, « est désolé. Ça n’a rien à voir avec le sport. Le but de cette soirée c’est de se faire plaisir, car c’est un derby, on est simplement venu voir un beau match de foot ».
Maxime, supporter tatoué avance ses avant-bras frappés de la Croix de Lorraine et du Graoully. Le blason du club mosellan, il l’a dans la peau. Pour lui, ces excès « font partie du jeu ». Il attend la victoire de Metz, mais auparavant, il mise sur l’ambiance. « Il faut que ça fasse du bruit pendant 90 minute s »
19 h 50 : la qualité de l’air est bien meilleure aux différentes entrées. Les vagues humaines déferlent vers le stade. Au son des cornes de brume. À l’intérieur du stade, les supporters donnent de la voix.
21 h : les retardataires allongent la foulée…
A. R.-P.
Haute tension à Saint-Symphorien
Les CRS à l’œuvre devant la tribune des supporters nancéiens.
Les autorités et les forces de l’ordre ont travaillé plusieurs semaines à la préparation de ce derby. Entrez dans les coulisses d’un événement populaire classé à risques. Qui n’a pas usurpé sa réputation.
Le football n’est rarement qu’une partie de plaisir. Quand il s’agit d’une rencontre exacerbant les antagonismes entre Ultras en manque de défoulement, les forces de l’ordre rentrent dans la partie. « pour éviter que les groupes ennemis se rencontrent d’abord », indique le commissaire Dominique Rodriduez, directeur départemental adjoint de la sécurité publique. Pour éviter qu’il y ait des victimes collatérales, ensuite. La menace était évaluée depuis des semaines, les personnages dangereux à neutraliser identifiés. Des mots un peu barbares quand il s’agit de sport « mais nous n’avons pas eu de surprise » durant cette journée vécue à deux cents à l’heure, où le moindre grain de sable peut faire dégénérer la situation.
Les Messins, trois cents excités au visage cachés sous des écharpes, ont essayé d’allumer la mèche dans l’après-midi. Et d’aller se frotter, avant la rencontre, à leurs ennemis. Mais la police leur avait concocté hier un programme aux petits oignons pour éviter tout dérapage. Dans la plus grande discrétion, elle a organisé le parcage des Nancéiens. Vingt-cinq bus, au total, ont quitté Nancy vers 18 h, sous l’escorte de plusieurs dizaines d’unités de la section d’intervention. Ils ont été emmenés au PC autoroutier de Moulins-lès-Metz où ils ont été séparés. Ils ne s’y attendaient pas, ont rechigné mais n’avaient pas le choix. Pas moyen de bouger la moindre oreille. « Lorsque ces individus sont séparés, ils se sentent moins forts », assure le commissaire Rodriguez, depuis le PC "maintien de l’ordre" monté dans l’enceinte du stade Saint-Symphorien.
C’est de là que le commissaire a géré les opérations sur la voie publique. En disposant les 600 hommes qu’il avait sous la main comme on joue une partie d’échec. Jamais les Ultras messins n’ont pu approcher les Nancéiens.
Les photos des plus virulents
La situation a dégénéré un peu plus tard, dans l’antre de Saint-Symphorien. Quand une horde de visiteurs s’est précipitée sur les grilles les séparant des Messins parce que les stadiers nancéiens n’étaient pas en place. Un défouloir violent où insultes se disputent aux jets de projectiles. La première victime de la journée est un stadier sérieusement touché à la tête.
Maintenant la sécurité se trouve entre les mains du PC stade, installé en haut de la tribune Sud. Le spectacle fait souffler un vent de désolation au milieu des policiers, des pompiers et des agents de sécurité qui observent la scène. « Il y a des enfants, c’est dégueulasse », cingle un habitué des derbys.
Une dizaine de caméras mitraillent les différents kops. Des photos des plus virulents sont enregistrées. Une magistrate du parquet de Metz est présente pour faciliter le travail des forces de l’ordre en cas d’interpellation. « Regardez, ils préparent quelque chose. Ils mettent les masques », prévient souvent un préposé aux caméras. Plusieurs pétards et fumigènes éclatent. Entre la Horda Frenétik et les autres, la tension est à son comble. D’autres victimes sont prises en charge par les secours.
Dans le PC, la chaleur monte aussi. Les forces mobiles sont positionnées pour calmer les esprits. Ça n’empêche pas de nouveaux fumigènes à la mi-temps et en fin de rencontre, quand Metz s’envole au tableau d’affichage. Au milieu de tout ça, le speaker a eu raison de rappeler qu’il s’agissait de foot….
K. G.
