Au septième ciel
J'ai longtemps hésité avant de prendre la plume, pour écrire les frémissements puis la vague qui vous emportent peu à peu quand il se passe quelque chose, quelque chose qui ne s'est pas produit depuis longtemps et dont le surgissement vous laisse tremblant. Tremblant et inquiet, comme devant un trésor dont on contemple avec éblouissement et étonnement la rutilance des feux.
Et quand le plaisir persiste, perdure et s'accroît, il n'est plus permis de douter, l'enthousiasme finit par enfler, et ce soir j'ai envie de l'écrire comme on a envie de le crier : « On va rentrer chez nous ».
Car pour une fois les chiffres parlent pour nous et leur implacable mathématique ne font que tracer la route qui mène à la ligue 1 et il se trouve qu'historiquement, seuls Marseille et Sochaux peuvent, avec le FC Metz considérer l'élite comme leur maison depuis 1932...
Alors j'entends déjà les pisse vinaigres venir rabrouer ma foi, emmitouflés dans l'écharpe de laine de la prudence, arborant en épitaphe la peur de s'abandonner à l'espérance, prêts, à la première défaite à pérorer et brûler ce qu'ils n'osent pas encore adorer...
Un jour peut être, au stade, un soir de défaite, on entendra tout un stade chanter et applaudir onze guerriers qui se seront battus en vain, comme on sait le faire au Celtic. S'il y a bien une équipe dans l'histoire du FC Metz qui mériterait une salve d'applaudissement un soir de match perdu, c'est bien celle d'Albert Cartier. Car elle a accompli sept miracles, sept miracles qui nous conduisent au septième ciel d'où rien, pas même une défaite, ne saurait nous faire échouer à revenir dans le giron de l'élite.
Premier ciel : La prise de pouvoir du président Serin
Au lendemain de la descente en National, Serin, en écartant Molinari, Muller et Razurel, prenait le risque, en assumant ses responsabilités, de prendre le pouvoir au plus fort de la tourmente. En appelant Cartier, il tuait symboliquement le père (Molinari) et confiait les rênes sportives au paria le plus improbable pour un retour inattendu et culotté. En clarifiant l'organigramme du club, à savoir en confiant le sportif à des sportifs et l'administratif à des administratifs et en sauvant le centre de formation, nœud vital d'un projet de reconquête, il misait gros. Mais quand on a un projet et les moyens, même modestes, de le mettre en œuvre, les choses peuvent bouger.
Deuxième ciel : Cartier a un projet de jeu
Albert Cartier est arrivé pour mettre en place, à l'évidence, un projet de jeu. C'est son job. On en avait manqué cruellement avec Pouliquen et Bijotat, qui, ensembles avaient réduit le jeu du FC Metz à l'état atrophié d'une machine à ne pas perdre qui perdait d' ailleurs trop souvent. Ne les accablons pas, ils ont eu le démérite d'évoluer dans un panier de crabe que le club, à force de dérives, de fauteuil de sénateurs et d jetons de présence, était devenu. Avec en prime, si j'ose dire, une gestion sportive du recrutement qui était passé du flair légendaire au bal des baltringues. Avec Albert, ça allait changer. Parce qu'Albert, c'est un peu l'enfant qu'auraient eu ensemble Jean Fernandez et Gilbert Gress. La rigueur défensive dans les gênes, certes, mais le goût aussi de l'attaque avec des arrières latéraux comme ailiers, et quatre joueurs à vocation offensive... Mais pas seulement, l'envie d'intégrer les jeunes du centre de formation, l'encadrement par des roublards d'expérience et puis... surtout, le retour du flair, épaulé par le bonhomme D'Onofrio, qui sous ses faux airs d'ahuri d'outre Quiévrain, recèle le madré du paysan et le coup d'oeil du maquignon.
Troisième ciel : L'impensable réconciliation
C'est peu dire que le désamour entre le public et le club était consommé au soir de la descente en National. Fallait vraiment en appeler à la fidélité à un blason pour trouver des envies de poursuivre le chemin de croix qui s’annonçait aux tréfonds de la France champêtre. Le National, une inconnue pour un club qui ne le fréquentait qu'au détour d'un tour de coupe. Le National, un spectre, un piège et une terrible envie d’anxiolytiques...
Et puis il y avait les joueurs. Si on ose dire. Des danseuses, des mercenaires, des salisseurs de mémoire autant que de maillots, des ignares de la culture du club, des désabusés des valeurs historiques du club, de sa région et de ses supporters. Bref, on était arrivé au bout, on touchait le fond de la fange, on avait presque perdu l'envie, on avait presque gagné la honte. Albert Cartier a su faire d'abord l'essentiel : discipline de fer, efforts d'acier et humilité. Maîtriser la communication, la verrouiller et construire un discours qui soit représentatif du projet de jeu. Et comme Albert Cartier est un type intelligent, il a compris que sa communication, pour établir et renforcer un lien entre l'équipe et le public, devait s'appuyer sur des symboles : rassemblements, applaudissements, tour d'honneur et salut du public même en cas de défaite. Ce rituel, comme tout rituel a pour fonction d'exprimer par des signes un sens de ses valeurs qui ont fait cruellement défaut plus d'une décennie.
A savoir la force du groupe sur l'individualité, le rôle capital du public, un rôle ontologique, en rapport avec l'essence même du jeu, à la fois sport et spectacle et affirmation d'une identité régionale. Et surtout, en Lorraine, terre de travail du fer, du feu de l'acier et du charbon des mines, on aime les mouilleurs de maillots, les footballeurs qui ont plus de hargne que de génie, et plus de ******* que de plan de carrière. Pour que ça fonctionne manquait plus qu'une figure emblématique, une sorte d'anti Pires, qui viendrait là, quand le club est dans la m****, offrir de son talent et sacrifier un peu de salaire, juste pour dire, que même en National, bons sang, ici c'est Metz, quoi.
Et captain Proment est venu, en moine, sans sa famille, en cellule, avec juste sa foi en nous tous, un foi de charbonnier qui lui a permis d'y aller, au charbon. Et d'accomplir des miracles. Sportifs d'abord, et humains ensuite. E le public s'est remis à aimer le club...
Quatrième ciel : Le National, on est venu, on a vu et on a vaincu...
Le National restera un bon souvenir, il l'est devenu à la minute où on l'a quitté. Comme dans toute bonne littérature, faut que les héros aient touché le fond pour qu'il reviennent reconquérir la gloire.
Et c'est peu dire qu'on en a chié, des ronds de chapeaux et j'en passe. Un cauchemar, un championnat de patelin où on aurait pu perdre son âme à se désespérer d'être là. Mais fallait en passer par là. Fallait expier. Et ces gamins là, ont expié les fautes de leurs prédécesseurs, ils ont lavé dans l'anonymat de matches improbables, les affronts des errements anciens. Plus encore, ils ont forgé un mental et une équipe. Elle est née dans le creuset des joutes sans gloire, elle a grandi dans des stades minuscules bordés d'arbres, elle s'est renforcée dans les défaites contre des villages qui se croyaient villes et des bouchers qui se croyaient footballeurs. Ils ont tenu bon, n'ont pas renoncé, ils ont fini par comprendre, ces gamins, qu'il fallait avoir faim, redevenir minable pour avoir une ambition qui soit saine, c'est à dire celle de redorer un blason avant de faire briller leur nom. De redonner de la fierté à un vieux peuple meurtri à gagner des batailles de troisième rang. On était si bas que ça suffisait au bonheur de notre envie.
Cinquième ciel : La Ligue 2, le maintien presqu'acquis... ^^
Et presque kaki, comme le camouflage des intentions dans un discours trop bien rodé mais magnifiquement interprété dans un unisson digne de Toni Schmmidt et son orchestre (les plus anciens se souviendront). Les grands clubs ne meurent jamais. Surtout quand ils sont constitués d'une bande de gamins qui ont la ferme intention d'aller jusqu'au bout, d'aller tâter du zlatan et qui sait même de lui apprendre l'humilité d'une défaite inattendue... mais j'anticipe, déjà, avec gourmandise, parce que ces gamins là m'ont redonné l’appétit, des envies de goinfreries. Parce que mes amis, fallait être dans le stade le jour du derby pour la sentir, l'ambiance électrique, celle des grands soirs, celles que les jeunes supporters n'ont pas connu, celle du temps où on battait le Saint Etienne des légendes et le Nancy de Platini, celle du temps de Braun et Curioni et des artilleurs de Metz, celle du temps où une foule de sidérurgistes casqués et combatifs voyait 11 messins réciter une leçon de capitalisme à un Monaco dépassé. Et la coupe de France 88, et la coup de la ligue 96 et 98... Bref, on y retourne les gars, on rentre chez nous, en ligue 1. Bientôt, j'irai au cimetière, voir mon père et lui dire la nouvelle. Je lui dirai qu'on a retrouvé bien plus qu'une équipe, on a retrouvé une âme. Qu'il y a des jeunes fougueux, morts de faim, et des vieux briscards, et qu'ils sont disciplinés et fantasques, un peu roublards, aussi, durs sur l'homme et qu'ils ne lâchent rien... Mon père, ils les aimait comme ça les messins et je crois qu'il serait fier d'eux...
Sixième ciel : Un pan se dévoile
La stratégie Serin, (Chine, Sénégal, Québec et Belgique) qui se dévoile peu à peu et donne une allure de plus en plus consistante à un projet à long terme. Modèle économique de développement original et audacieux il a le mérite de situer le président dans une ambition qui ne peut s'appuyer que sur une stabilisation du club à l'étage supérieur. Et quelque chose me dit que le projet de jeu d'Albert Cartier s'inscrit logiquement dans cette ambition. Car à décrypter son discours et à le pousser dans sa logique extrême il ne saurait y avoir d'autre alternative que la montée en puissance de cette équipe. Car monter pour monter, non merci. On a le précédent De Taddeo. On sait ce que c'est qu'une saison de légende qui s'achève dans la peur de monter, la peur de pas y arriver et forcément le plantage tout aussi légendaire la saison suivante. J'ai l'intuition et je prends le risque de le dire, je crois à la reconduction de Cartier en ligue 1 dès la montée acquise et j'ai très envie de les voir évoluer à l'étage supérieur, plus envie que peur, et ça ça n’est pas arrivé depuis longtemps. Pourquoi tant d'assurance me dira t on ?
Parce que Cartier n'a pas mis en place une équipe, mais une machine...
Septième ciel : Metz- Auxerre, la machine, les rouages et la compote bourguignone
Au delà de la septième victoire historique au delà des superlatifs élogieux des journalistes et la tronche déconfite de Casoni et celle suant le saindoux d'Ettori, il faut bien se pencher sur le phénomène... J'ai rarement vu, de mémoire de vieux supporter, une telle intelligence tactique chez un entraineur, et une telle application de l'équipe à respecter le plan de jeu. Ce qui frappe dans le système de Cartier, c'est sa plasticité. Et de cette plasticité, nous tirons une force digne du Grand Judo, c'est à dire que le système de Cartier se sert de l'effort adverse pour , non pas jouer en contre, ma se projeter vers l'avant en absorbant l'énergie de l'équipe adverse et en la renvoyant comme un boomerang. Le système Cartier est à géométrie variable, et forcément ça décontenance. A écouter Bernard Casoni, il avait tout compris du système messin, le réduisant à une banale équipe jouant le contre. Fatale erreur. Mésestimation complète de l'ampleur de la plasticité, il ne voit toujours pas la machine qui vient de le broyer. Alors bon prince je vais lui faire la leçon.
La machine est composé de rouages :
une défense de fer, la meilleure de ligue 2, à priori une défense à 4 et à plat.
deux milieux récupérateurs, genre la première lame tire le poil et la deuxième le coupe, des hargneux, des porteurs d'eau, un technique et un physique, le complément idéal pour hacher menu et recycler les morceaux en contre attaque
deux milieux offensifs
deux attaquants
Mais là où ça devient intéressant, c'est dans la manière dont les rouages s'articulent. Exemple ce soir contre Auxerre.
Début de match, Auxerre joue son va tout et nous bouscule, avec une occasion franche dès les premières minutes. Le système se verrouille. La défense reste bien à quatre à plat, les deux milieux défensifs reculent pour limiter les intervalles et réduire les espaces, les deux milieux offensifs renforcent la zone centrale défensive et les attaquants ne déclenchent que des contre sur balles profondes. Auxerre a senti le coup. Donc ils finissent par presser pour empêcher le déclenchement des contres et tenter d'imposer une circulation sur espace réduit mais sans se découvrir. Lentement le système Casoni va s'avérer inefficace. Pourquoi ?
Parce que les espace sont réduits et progressivement les attaques bourguignonnes se réduisent à des rushs individuels qui viennent s'enferrer dans la défense regroupée. Les contres messins étant dangereux la mi temps s'achève sur une sorte d’équilibre dont on sent bien qu'il peut flancher chez les auxerrois. Pourquoi chez eux ?
Parce que Albert Cartier, par la plasticité de son système, va le modifier légèrement en accentuant deux rouages. Les montées des arrières latéraux combinées au replacement d'un cran plus haut des deux milieux offensifs donnent à la fois une alimentation du jeu offensif plus régulière et une densité en zone offensive plus grande. Résultat, Auxerre a deux coups de pieds offensifs qui se transforment en but pour nous. Il a la faiblesse de croire que ce sont des erreurs individuelles qui ont conduit son équipe à la défaite. Certes, un but encaissé c'est souvent à la base une erreur quelque part. Mais en réalité il a perdu face à une équipe qui est tactiquement au dessus du lot.
Voilà pourquoi, sauf invraisemblable effondrement, cette équipe devra monter si elle respecte cette intelligence tactique. Et à cause de cela, les noms ont peu d'importance, Marchal ou Milan, Yéni ou Bouna, au fond peu importe, seule le système nous fera monter.
J'ai pas la rancune tenace, mais si Lens pouvait louper la montée en ligue1 à la différence de but, ça me soignerait bien un vieux rhumatisme de la mémoire...
Au septième ciel, billet d'humeur et d'analyse
- ambroisepare
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- Localisation : Paris
Re: Au septième ciel, billet d'humeur et d'analyse
Je crois qu'après cette lecture, la nuit va encore mieux se passer!
Par contre, j'enlèverais le passage tactique au cas où des espions de futurs adversaires passeraient par là... :p
Merci pour ce magnifique billet!
Par contre, j'enlèverais le passage tactique au cas où des espions de futurs adversaires passeraient par là... :p
Merci pour ce magnifique billet!
- DerGänsWärter
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- Localisation : Dernieft Diddenuewen
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- Messages : 57
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Re: Au septième ciel, billet d'humeur et d'analyse
Je lis beaucoup, je ne poste jamais mais là, je ne peux que m'enthousiasmer et applaudir.
Bravo pour cette "synthèse" que tout amoureux et passionné de ce club, optimiste de la vie, réaliste du moment, saura s'y plonger avec bonheur..
Bravo pour cette "synthèse" que tout amoureux et passionné de ce club, optimiste de la vie, réaliste du moment, saura s'y plonger avec bonheur..
- sablonnais
- Messages : 755
- Inscription : 27 août 2009, 17:35
Re: Au septième ciel, billet d'humeur et d'analyse
merci pour la richesse sur le fond et la forme que nous procure ce billet.
- IroOn
- Messages : 3446
- Inscription : 27 août 2009, 12:59
Re: Au septième ciel, billet d'humeur et d'analyse
Bravo pour ce texte 

-
- Messages : 9531
- Inscription : 06 juin 2010, 20:58
- Localisation : Forumiste d'Argent censuré .
Re: Au septième ciel, billet d'humeur et d'analyse
Oui enfin on n'a encore rien gagné , il y a du mieux c'est sur mais il faut garder les pieds sur terre. Une hirondelle ne fait pas le printemps .
- Mimmo_57
- Messages : 85
- Inscription : 22 janv. 2013, 09:15
Re: Au septième ciel, billet d'humeur et d'analyse
Quelle plume! Que du plaisir, bravo!
- get_up_kids
- Messages : 16384
- Inscription : 27 août 2009, 08:18
- Localisation : Entre Metz et Thionville
Re: Au septième ciel, billet d'humeur et d'analyse
Comme dab', merci à toi ambroise pour ce magnifique, qui allie le fond et la forme!
Du grand ambroise.
Et j'apprécie tout particulièrement le passage sur Casoni, dont j'avais déjà pu constaté avant le match, la mauvaise foi et le peu de jugeotte, puisqu'il semblait ne reconnaitre aucune qualité au FC Metz, et en faisant simplement une équipe normale.
Qu'il continue d'être dans la même négation de notre supériorité, même après la déculottée subie, montre qu'en plus de ne pas être fair play (ce qui n'est pas grave en soit), il a peu de connaissance tactique (ce qui est plus embêtant pour un entraineur)!
Du grand ambroise.
Et j'apprécie tout particulièrement le passage sur Casoni, dont j'avais déjà pu constaté avant le match, la mauvaise foi et le peu de jugeotte, puisqu'il semblait ne reconnaitre aucune qualité au FC Metz, et en faisant simplement une équipe normale.
Qu'il continue d'être dans la même négation de notre supériorité, même après la déculottée subie, montre qu'en plus de ne pas être fair play (ce qui n'est pas grave en soit), il a peu de connaissance tactique (ce qui est plus embêtant pour un entraineur)!
- Scoubydoo
- Messages : 4719
- Inscription : 11 mai 2010, 15:19
Re: Au septième ciel, billet d'humeur et d'analyse
Discret dans mes interventions ces derniers temps mais toujours assidu à mes lectures quotidiennes du forum, je sors de ma léthargie passagère afin de clamer : AmbroiseParé, merci Monsieur !
Le match d'hier m'a filé des frissons tant cette équipe respire et transpire le FC Metz, ce billet m'en a mis (à la trentaine pourtant) les larmes aux yeux...
Tout simplement merci...à cette équipe, ce club, ces supporters et ceux dont la plume n'a d'égale que leur passion !
Le match d'hier m'a filé des frissons tant cette équipe respire et transpire le FC Metz, ce billet m'en a mis (à la trentaine pourtant) les larmes aux yeux...
Tout simplement merci...à cette équipe, ce club, ces supporters et ceux dont la plume n'a d'égale que leur passion !
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