
Luc Dayan est notamment passé par Lille, Nice ou Nantes avant d'être appelé au Racing par Alain Fontenla, l'actionnaire majoritaire. (Photo AFP)
Alors que « les bureaux du Racing sont fermés jusqu'au 4 janvier », comme l'annonce le site internet officiel du club, en coulisses, les acteurs ont continué à s'affairer.
Passé notamment par Lille (en 1999/2000), Nice (2002), Nantes (en 2007) ou Sannois-St-Gratien (club dont il est toujours actionnaire), Luc Dayan, homme d'affaires âgé de 52 ans, a été appelé par Alain Fontenla pour une mission « sauvetage » qui doit durer quatre mois. Il arrive au Racing en compagnie de Benoît Rousseau, expert en restructuration et ancien directeur financier du Paris SG.
«Ma première réaction?
Vendez!»
Hier, il a expliqué pourquoi il avait accepté cette mission délicate et évoqué ses projets pour redresser un club alsacien plongé dans le doute.
- Comment êtes-vous arrivé au Racing ?
- J'ai été contacté il y a une dizaine de jours par MM. Fontenla et Isenegger. J'ai déjà géré plusieurs dossiers concernant des clubs, à la demande d'une ville, de la LFP ou d'un actionnaire et je suis connu pour être spécialisé en restructuration dans le monde du foot.
- Comment s'est passé le premier contact ?
- Ils m'ont raconté toute l'histoire et franchement, ma première réaction a été de dire à monsieur Fontenla : « Vendez ! », car il s'est retrouvé avec une patate chaude.
Il s'est ravisé car il ne trouvait pas forcément quelqu'un pour racheter ses parts. Dans un sens, c'est assez courageux de sa part de rester au club.
- Quelles fonctions exactes allez-vous occuper ?
- Pour l'instant, je suis consultant et je suis en mission de sauvetage. J'ai un contrat de 4 mois et je serai payé directement par Alain Fontenla, pas par le Racing. On fera un bilan le 30 avril (à l'issue de son contrat, ndlr). A ce moment-là, on en saura déjà un peu plus sur l'état du club.
- On parle de vous pour occuper la présidence...
- J'ai dit à Alain Fontenla que j'étais prêt à occuper ce poste le temps de la restructuration, mais pour l'instant, ce n'est pas fait. Alain Fontenla et Julien Fournier doivent d'abord discuter des modalités de leur séparation. (lire ci-contre)
Il y avait un désaccord entre les actionnaires et le président, et il fallait bien qu'ils règlent le départ de ce dernier. Mais personnellement, j'aurai pu travailler avec Julien Fournier, dont les compétences sont reconnues.
- Que pensez-vous de la situation actuelle du Racing ?
- Je connaissais déjà le dossier mis en circulation par Philippe Ginestet à l'époque où il voulait vendre. Je l'avais étudié en septembre pour un autre actionnaire qui était intéressé par cet achat.
« Alain Fontenla a décidé
de faire face aux problèmes
de trésorerie du club »
Globalement, ce dossier est très compliqué, sur le plan sportif comme sur le plan économique. Sur le plan sportif, vous connaissez la situation, l'équipe est relégable en L 2 et il faut redresser la barre.
Sur le plan financier, le budget est déficitaire à hauteur de 7 millions et il va falloir trouver des solutions, soit avec l'apport de nouveaux actionnaires, soit en améliorant les recettes, soit en vendant des joueurs...
La bonne nouvelle, c'est qu'Alain Fontenla a décidé de faire face aux problèmes de trésorerie du club.
- Monsieur Fontenla a donc décidé de ne plus vendre ses parts, comme il en avait l'intention ?
- Ma mission, je ne l'ai accepté que parce qu'Alain Fontenla va assumer la trésorerie, c'est à dire qu'il va s'assurer que la situation bancaire du club soit toujours au-dessus de zéro. A partir de cette base, on va pouvoir rebâtir.
«Je vais refaire
un audit complet»
- De quelle manière allez-vous procéder pour, justement, restructurer le club ?
- Deux paramètres semblent contradictoires, car d'un côté, il faut faire face aux problèmes financiers et de l'autre, il faut redonner une dynamique sportive. Mais les soucis du club ne se limitent pas aux problèmes d'argent. Il y a aussi une question de savoir faire. Quand on met de l'argent n'importe comment, ça ne marche pas forcément. Et en tant qu'ancien médecin, je suis plus doué dans l'humain que dans le financier.
J'ai demandé tous les éléments et je vais refaire un audit complet de la SASP. Je veux faire en sorte que la situation soit éclaircie pour le passage devant la DNCG, car sa décision va être importante.
Dès lundi, je vais rencontrer les salariés du club pour évoquer mon projet auprès d'eux
- Que voulez-vous dire aux supporteurs, lassés par tous ces remous au sein du club ?
- Je les comprends. Mais il faut bien se rendre compte que les événements sur le terrain sont le reflet de l'instabilité qu'il y a derrière, au sein du club. Il faut que le club se transforme.
« L'image du club
est mauvaise »
J'ai connu les mêmes soucis à Lille, quand j'y suis arrivé à la fin des années 90. L'équipe était au fond du classement de L 2, les supporteurs avaient caillassé le président... C'était une catastrophe. Quand je suis arrivé, on me prenait pour un malade mental, car tout était pourri. Mais en se donnant du temps, en travaillant, on a réussi à redresser ce club. Voyez où ils en sont maintenant... Pareil pour Nice. Et là-bas aussi, désormais, ça fonctionne.
Au Racing, une somme d'événements ont fait que l'image du club est mauvaise. Et surtout, elle n'est pas du tout en adéquation avec l'image de la ville de Strasbourg, moderne, jeune, tournée vers l'Europe.
- Une image encore plus écornée par l'arrivée rocambolesque d'Alain Fontenla...
- C'est vrai qu'il y a eu une perception catastrophique de l'arrivée d'Alain Fontenla, que ce soit de la part des actionnaires minoritaires ou de la presse. Moi-même, avant d'être impliqué, je n'ai rien compris à cette histoire. Mais encore une fois, ce n'est pas spécifique au Racing, j'ai connu le même genre de choses à Nice ou Lille.
- Quelles sont vos chances de réussir ?
- Il y a beaucoup, beaucoup de travail. Depuis une semaine, je vois des rivalités, avec un tas de gens qui se tirent dans les pattes, des actionnaires minoritaires qui partent dans tous les sens, un entraîneur faisant ce qu'il peut et une équipe sans ligne directrice. Et, autour, tous les médias qui amplifient encore le phénomène.
Forcément, cela ne va pas être simple et le dossier Racing est l'un des plus compliqués que j'ai eus à traiter.
Il y a un tel retard au sein de ce club... Je ne suis pas devin, mais j'espère qu'on a touché le fond et que le pire est derrière nous.
Propos recueillis
par Barbara Schuster