Messagepar picou57 » 10 févr. 2010, 15:44
Article France Football
WILTORD COURT TOUJOURS
Il sourit comme un enfant. Comme le gamin qu’il n’a jamais cessé d’être, finalement. Buteur de la fin des temps à Rotterdam en finale d’un Euro 2000 ou au tout début d’un nouveau voyage à Saint-Symphorien, après tout, quelle importance ? il ne reste que l’émotion d’un jeune homme de bientôt 36 piges. Quelque chose de simple, de vrai, de pur.
Il y a chez Sylvain Wiltord comme une réminiscence de ces parties de cour d’école, ces sacs à dos qui volent à la récré à peine tue la sonnerie, ces pulls qui servent à délimiter les buts, les copains qu’on choisit in par un, jusqu’au dernier, le moins doué, qui finira arrière droit ou dans le but. Bien sûr, Wiltord a adoré les grands rendez-vous, les foules enamourées, les stades démesurés, les salaires disproportionnés. Il a aimé les phases finales de Coupe du Monde ou de Championnat d’Europe, l’adrénaline lorsque retentit l’hymne de la Ligue de Champions. Mais, partout, entraîneurs et coéquipiers ont toujours loué son amour du jeu et sa soif de compétition, son besoin de ballon comme si c’était son oxygène. Il prouve aujourd’hui que cela n’avait rien d’un plan de communication, d’élucubrations ou d’inventions.
Avoir accepté de s’engager pour 5 mois dans une 2ème division quittée il y a plus de 15 ans était un indice probant sur l’envie qui tenaille Wiltord de poursuivre son métier d’artisan footballeur. D’autres que lui sollicités en pareille situation ont refusé l’expérience, Mickaël Pagis ou Vikash Dhorasoo, entre autres. Le voir courir, presser, se démarquer, replacer et sourire a suffi pour s’en convaincre, Sylvain Wiltord aime avec passion ce jeu de ballon qui rythme sa vie depuis maintenant près de 20 ans et ses débuts lors de la saison 1992-93. C’était en 2ème division, déjà, et il ne lui avait fallu guère plus d’un an pour en connaître l’élite. Il lui faudra peut-être attendre encore moins cette fois – transcendé par un nouveau guide – Metz s’est refait une beauté et une conviction, désormais certains qu’avec un tel phénomène, la ligue 1, finalement, n’était pas si loin.
Wiltord a tout fait pour ne pas décevoir, réussissant la plus probante des opérations séduction vendredi, face à de coriaces et courageux Nîmois : but à la 11ème minute, geste de classe en remise et déviations, harcèlement du relanceur sans repos pendant une mi-temps, et un autre but avant de sortir à l’heure de jeu sous les vivats d’un Saint-Symphorien aux allures d’arènes romaine, dressé comme un seul homme. Puis il a même tenu la promesse de passer en conférence de presse, exercice qu’il exerce depuis toujours mais auquel il s’est prêté avec bienveillance, cette fois. Preuve de sa joie d’être là et de retrouver le chemin des terrains et du but.
Sa première sortie a été impeccable, mis à part « deux-trois contrôles un peu bizarres » qu’il moquera après match. Pour le reste, il était heureux d’être là et ça se sentait, et qu’importe si ce n’était plus le Vélodrome ou l’Emirates Stadium, le bleu de France ou le bordeaux girondin. C’était déjà Metz et c’est déjà bien. Meurtri de ne pas recevoir de propositions de Ligue 1, il a envisagé sérieusement le National avec Créteil. Jusqu’à ce que la ligue 2 ne se réveille, Bastia et Metz, notamment. A entendre le président Serin, le bien nommé, « Metz était le challenge sportif le plus intéressant». « La proximité avec Paris a joué, aussi, on est a 1h20 de la capitale », poursuit le président messin. Habitué de la vie parisienne, et même parfois des nuits, proche de sa famille banlieusarde, Wiltord a inévitablement été sensible à l’argument. Tout comme le staff messin savait que, si l’oiseau se fait parfois nocturne, il y reste sobre comme un moineau, depuis toujours. Un facteur essentiel pour un joueur de 35 ans à l’éthique de travail inégalable. Il suffit de voir son application dans chaque geste, dès l’échauffement, pour y reconnaître « la marque des grands », comme le pense son nouveau coéquipier Pascal Johansen. L’enquête menée par Joël Muller, le bras droit du président Serin, n’a d’ailleurs colporté que des compliments sur son compte : « Avec Sylvain, sur la mentalité et l’état physique, on n’avait aucun doute, raconte Serin. Il a le même âge que Del Piero et, à la Juventusb, personne ne se pose la question de savoir s’il doit continuer sa carrière ou pas… »
Ses premiers jours en Lorraine on conforté cette impression. Comme partout ailleurs, Wiltord s’est installé paisiblement dans le vestiaire ; il suffit d’écouter ses coéquipiers en parler. Le prometteur Jérémy Pied : « C’est un mec super, il nous emporte dans son sillage. On a vraiment envie de le suivre partout. » Razak Omotoyossi, pourtant menacé par l’arrivée d’un attaquant de ce calibre : « Il a été bon en équipe de France, à Arsenal. Son arrivée, c’est bon pour tout le monde. En Suède, j’ai bien marché lorsque j’ai joué au côté d’Henrik Larsson. Avec Sylvain, ça va être pareil. » Pascal Johansen : « C’est le Wiltord qu’on s’imagine : il ne passe pas inaperçu mais c’est quelqu’un de simple, de sympa, d’ouvert, de détendu. Il parle à tout le monde de la même manière. »
Public, joueurs, staff (« Sylvain, c’est un plus indéniable, il bonifie le jeu de l’équipe », glisse l’entraîneur Yvon Pouliquen, pas fâché d’avoir revu son dispositif tactique pour intégrer le nouveau venu), journalistes (une moitié de la salle de presse l’a applaudi à son départ), tout Metz semble sous le charme de Sylvain Wiltord. Comment pourrait-il en être autrement ? Au-delà de son apport technique, tactique et statistique, le seul comportement du nouveau Messin suscite le respect. A aucun moment il n’a joué de son pedigree, pourtant d’autant plus imposant en Ligue 2. Sa joie et son abnégation de junior ne peuvent qu’inspirer ses coéquipiers ainsi que ses conseils. « Il rigole avec nous, même s’il il ne chambre pas encore, mais on sent que ça va être un sacré client, s’amuse déjà Jérémy Pied. Il nous donne quelque trucs et, ce qu’il y a de bien, c’est qu’il est toujours positif : tout ce qu’il dit nous sert à avancer, ce n’est jamais critique. »
Le grand frère qu’il a été en bleu pour Cissé ou Benzema, « Nino » pourrait le devenir pour Omotoyossi ou Bourgeois, prometteurs attaquants messins en attente de confiance et de conseils. Sans parler que sa présence va forcément libérer des brèches pour ses coéquipiers. « Je vais être un peu plus libre, avoir plus d’espace », imagine déjà Omotoyossi. « Les adversaires le connaissent, ils vont se méfier, ça va être bon aussi pour nous », acquiesce Pied. L’intéressé en est conscient : «Avec ma renommée, les défenseurs adverses vont être tout le temps sur mon dos, à moi d’être plus malin. » a ce petit jeu-là du chat et de la souris, balle au pied, Wiltord n’a dù souvent être le perdant. Et à voir son sourire carnassier après ses 2 buts, la partie ne fait sans doute que commencer….
Arnaud Tulipier