Le jeu des sept erreurs

Matheus Vivian a lutté la saison entière mais, au final, Metz n’est pas monté en Ligue 1. Comme un an plus tôt... Photo Pascal BROCARD
Comme l’an dernier, la traçabilité de l’échec messin s’avère très facilement identifiable. Inventaire (non exhaustif) des péchés capitaux d’un club passé maître dans l’art du déraillement…
Erreur numéro un
Metz prend les mêmes, et ça recommence. Vendredi 12 juin 2009. Trois jours après avoir officiellement succédé à Carlo Molinari au poste de président du FC Metz, Bernard Serin doit dévoiler le projet sportif d’un club encore sous le choc de son échec à remonter en Ligue 1. La conférence de presse n’aura pas lieu : le matin même, Yvon Pouliquen a annoncé à ses dirigeants son souhait de ne finalement pas rester sur le banc messin ! La rupture aurait pu survenir dès le mois de mai : c’est un schéma classique, quand un objectif n’a pas été atteint. Classique mais coûteux : il reste un an de contrat à l’entraîneur arrivé fin décembre 2007, et l’aréopage messin a renoncé à cette dépense, avant d’en venir à chercher à conserver l’intéressé. Le monde à l’envers !
Pendant six jours, règne le silence qui entretient la confusion, six jours pendant lesquels Metz va même approcher un entraîneur belge, Enzo Scifo. Finalement, « je reste », annonce Yvon Pouliquen au Républicain Lorrain, le 18 juin. Avant la reprise du championnat, début août, l’entraîneur annonce la couleur, dans un aveu en creux de ses erreurs passées : « Ma proximité avec les joueurs a pu constituer une faiblesse dont certains ont tiré profit […]. Je serai plus dur, plus exigeant ». Pas assez, visiblement, pour convaincre les joueurs, les anciens et les nouveaux : face à eux, ils ont bien un entraîneur et un adjoint en qui identifier l’échec, parce que c’est le cas, et parce que c’est aussi très commode pour tout le monde. Alors, quand Metz se remet à piétiner sur le podium de Ligue 2, en mars, de vieux démons resurgissent. Fatalement.
Erreur numéro deux Un potentiel non vérifié. Lundi 31 août 2009. L’arrivée de Nuno Frechaut au dernier jour du marché estival des transferts achève la campagne de recrutement. Six joueurs sont arrivés : deux espoirs (Mario Mutsch et Jérémy Pied), deux valeurs sûres et régionales (Frédéric Biancalani et Stéphane Borbiconi) ainsi qu’un attaquant présentant des références internationales (Razak Omotoyossi) ont précédé le milieu défensif de Braga, trente-deux ans, dix-sept sélections avec le Portugal. Les douze joueurs arrivés en fin de contrat en juin 2009 n’ont pas été conservés, six autres sont partis depuis le début de l’été : Yvon Pouliquen obtient un groupe calibré selon ses souhaits, d’une qualité apparaissant au moins égale à celle de l’effectif précédent. Mais l’osmose tarde à prendre : Borbiconi et Biancalani rencontrent des pépins physiques, Frechaut ne s’impose pas, et Omotyossi apparaît rapidement comme un Messin contrarié, ses réticences à honorer un contrat signé alors que la Ligue 1 pointait à l’horizon ayant eu le don d’agacer ses collègues. Parmi les anciens, Bessat, Bourgeois, N’Diaye ne paraissent guère en odeur de sainteté et, en dehors d’une victoire sur Valenciennes en Coupe de la Ligue, Metz ne réussit rien de très significatif. Que vaut-il vraiment ? Le mystère demeure, entretenu par une gestion erratique de l’effectif et un cap incertain.
Erreur numéro trois
Une victoire en apparence. Vendredi 2 octobre 2009. Après quarante-cinq minutes catastrophiques, Metz est mené chez lui, par Laval : au classement provisoire de la Ligue 2, il pointe à la dix-huitième place, dans la zone de relégation ! Deux buts de Thibaut Bourgeois, un penalty de Pascal Johansen plus l’incroyable naïveté lavalloise permettent de renverser la vapeur et ce scénario donne le sentiment d’un possible déclic. La suite transformera l’illusion en leurre. Plus tard, on comprendra aussi que la crise aurait peut-être été un mal nécessaire. « Les jours à venir diront si ce rétablissement d’une situation aussi compromise aura vraiment servi la cause », écrit Le Républicain Lorrain dans la foulée du match. La réponse, hélas, figurait déjà dans la question…
Erreur numéro quatre
Cissé, le feuilleton de l’hiver. Lundi 28 décembre 2009. Metz annonce se séparer de Papiss Cissé. Comment justifier le départ de son meilleur buteur à la trêve ? Facile : un club, Fribourg, a bien voulu dépenser 1,6 million d’euros pour un attaquant qui a certes inscrit huit buts en seize matches, mais qui en a au moins manqué trois fois plus ! Pendant un mois, la question va pourtant polluer l’air messin. Quand Yvon Pouliquen évoque « des objectifs revus à la baisse », la réponse de Bernard Serin ne tarde pas : « Je ne vois aucune raison de revoir les objectifs à la baisse et je pense au contraire qu’il faudra les revoir à la hausse si nous trouvons les renforts que nous recherchons. » Car Metz a laissé partir Cissé sans lui avoir trouvé de successeur, en misant sur Omotoyossi dont la première moitié de saison a ressemblé à un désert. En attendant, entretenir la polémique comporte un effet nocif : à force, les attaquants qui sont restés ont le droit de s’en trouver agacés…
Erreur numéro cinq
L’effet Wiltord n’a duré qu’un temps. Lundi 1er février 2010. Il ne se trouve plus personne pour parler du départ de Cissé, bientôt aussi fameux que le pont d’Avignon : Sylvain Wiltord signe à Metz, sensation atomique d’un recrutement hivernal déjà fort des venues d’un défenseur malien (Adama Tamboura) et d’un milieu de terrain marocain (Youssef Mokhtari). Quatre jours plus tard, Metz bat Nîmes, 3 buts à 1, dont un doublé de Wiltord. En quatre matches, trois autres victoires suivront, plus un nul : début mars, Metz pointe à la troisième place, avec quatre points d’avance sur son premier poursuivant. C’est l’effet Wiltord, qui irradie ses partenaires, transforme son équipe et suscite la crainte des adversaires, mais le phénomène ne dure qu’un temps et s’estompe naturellement : l’erreur, ensuite, consiste à se dire que l’ancien attaquant de l’équipe de France pourra, à lui tout seul, éviter une nouvelle désillusion.
Erreur numéro six
Cette troisième place dont personne ne voulait. Lundi 8 mars 2010. A Laval, encore et toujours Laval, Metz ouvre le score avant d’être mené 3 à 1 et d’égaliser en toute fin de match. Ce point ne paraît pas constituer une si mauvaise opération : après tout, il vient d’être acquis face à un poursuivant. Seulement, il marque le début d’une série d’insuccès de neuf matches comprenant trois défaites, dont Metz n’a pas immédiatement payé les conséquences : jusqu’à perdre à Clermont, au soir de la trente-troisième journée, les Lorrains ont conservé leur place sur le podium, connaissant quatre poursuivants immédiats différents, comme si personne ne voulait de cette exposition. Du coup, une rengaine printanière est réapparue à Saint-Symphorien : « Notre destin nous appartient toujours », « Il vaut mieux être dans la position du chasseur que dans celle du chassé », plus ce couplet original, juste avant Clermont - Metz, après trois matches nuls : « Nous voulons poursuivre notre série d’invincibilité ». Tout cela sonnait très faux, évidemment.
Erreur numéro sept
Trop tard pour changer. Dimanche 18 avril 2010. Après y avoir réfléchi vingt-quatre heures dans la foulée de la défaite à Clermont, Bernard Serin tranche : exit Yvon Pouliquen et Christian Mattiello, son adjoint, place à Joël Muller. Quatre jours pour changer le cours d’un destin semblant scellé depuis de longues semaines ? C’est trop court, bien sûr, et Metz laisse Arles-Avignon lui fausser compagnie en venant s’imposer 2 à 1 dans un stade Saint-Symphorien copieusement rempli, et alors que les Lorrains ont ouvert le score. Un mois plus tôt, le président messin a réfuté la pertinence d’une comparaison avec l’échec du printemps 2009, maintenant sa confiance à l’entraîneur et au groupe. Il a pris la parole dans le vestiaire, où « tout le monde, assure-t-il, est conscient de l’importance de la montée ». Réaction de quelques-uns : « Il aurait pu promettre une prime d’accession ». Le lendemain, l’entraîneur réunit ses cadres pour se désolidariser du discours présidentiel. Non, décidément, Joël Muller est revenu trop tard en première ligne pour rattraper le retard physique, technique et tactique d’un groupe dont la réaction en toute fin de championnat, louable, n’aura finalement servi.qu’à attiser les regrets.
Sylvain VILLAUME.
Publié le 15/05/2010