Les soubresauts incessants des derniers mois ont accentué la fracture vieille de quelques années entre la garde rapprochée de Philippe Ginestet et d’autres composantes du club. À tel point que le 5 mai, l’entraîneur de la réserve François Keller et le coordinateur sportif Pascal Camadini ont failli en venir aux mains. Deuxième volet de notre série intitulée « L’enfer du décor », pour mieux comprendre pourquoi le RCS est aujourd’hui en National.
Comme Jean-Marc Kuentz, François Keller, soumis aux directives de l’équipe Ginestet, a dû s’asseoir sur ses choix de recrutement à l’été 2009. Archives Jean-Marc Loos
Jean-Claude Plessis s’emporte quelque peu. La scène se passe dans son bureau la semaine dernière. L’objet de sa (petite) colère ? L’altercation qui a opposé le mercredi 5 mai François Keller, l’entraîneur de la réserve, à Pascal Camadini, le coordinateur sportif, ne mérite, à son sens, pas d’être évoquée. « Ce sont des conneries, un truc sans importance comme il en arrive parfois dans un club. » Peut-être.
Mais le 5 mai donc, Plessis et son directeur général Christophe Cornelie convoquent à une réunion Pascal Janin, Pascal Camadini, François Keller et le directeur du centre de formation Jean-Marc Kuentz. Le thème : « Pourquoi le centre n’est-il pas en mesure de produire un attaquant de qualité pour pallier l’absence de Nicolas Fauvergue ? »
« Dans tous les clubs, on est capable de sortir du centre un grand mec pour te planter un ou deux buts et dépanner », râle le président. Les débats tournent vite au procès de la formation. Jean-Marc Kuentz et François Keller s’insurgent. Notamment le second qui reconnaît aujourd’hui « avoir lâché tout ce que j’avais sur le cœur depuis quatre ans. Ça fait longtemps que nous avions ça en nous. »
En clair, les deux hommes refusent d’être les boucs émissaires d’une politique qui a poussé le précédent directeur du centre, Nasser Larguet, à partir en 2007. Le technicien marocain, formateur unanimement reconnu, avait refusé la nouvelle orientation, assortie de sensibles coupes budgétaires, prise par l’équipe de Philippe Ginestet et son directeur général Jean-Luc Herzog.
« Pour les nouveaux propriétaires, c’était perdu d’avance »
« Cette réunion nous a permis, à Jean-Marc et à moi, de nous défendre », commente François Keller en réaction à notre information, « Nous avons fait comprendre à M. Cornelie pourquoi nous en étions là aujourd’hui. En fait, à cause de la politique menée depuis quatre ans. Les nouveaux propriétaires sont arrivés dans un club où c’était perdu d’avance. S’ils avaient racheté le Racing dans les conditions dans lesquelles Philippe Ginestet l’a racheté il y a quatre ans, avec le vivier qui était alors le nôtre, le club ne serait pas en National. Les nouveaux propriétaires paient les pots cassés. »
Les débats s’enveniment lorsque François Keller raconte comment J.-M. Kuentz et lui ont dû, sans avoir leur mot à dire, se plier aux choix de Philippe Ginestet, Jean-Luc Herzog, Pierre Ginestet, Jacky Canosi (les deux recruteurs) et Pascal Camadini lors de la campagne estivale 2009 de recrutement. En réponse, ce dernier menace de se lever. F. Keller l’invite à aller s’expliquer dans le couloir adjacent. L’algarade ne dépassera pas le stade de la joute verbale. « Je ne regrette rien. Ça m’a fait un bien fou. Je leur ai dit en frontal ce que je pensais, que la guerre était peut-être déclarée, mais qu’ils l’avaient déclarée insidieusement depuis quatre ans, avec leur travail de sape systématique et de dénigrement dans notre dos. Si l’on prend ce qu’ont rapporté depuis six ans les joueurs formés au club (voir ci-dessous) et ceux qui ont été recrutés, puis revendus ces quatre dernières années, il n’y a pas photo. La discussion s’arrête là. Parce que les chiffres parlent d’eux-mêmes. Certains de ceux qui ont mis le club dans cette situation sont partis. D’autres sont encore là. »
« On vit au jour le jour »
Autant que la réduction des moyens, Jean-Marc Kuentz dénonce, lui, le flou structurel de l’ère Ginestet. « En quatre ans, nous avons dû avoir trois ou quatre réunions avec le directeur du centre de formation, les recruteurs, l’entraîneur des pros, le directeur financier et le président. Depuis le départ de Marc Keller en 2006, je ne sens plus de projet. Surtout, ce n’est plus le sportif qui décide. On vit au jour le jour. C’est ce que nous avons expliqué au président Plessis et à M. Cornelie. Un exemple : à l’époque de Nasser, nous étions deux pour travailler, lui et moi. Aujourd’hui, je suis seul. Lorsqu’il était directeur du centre, dix recruteurs bossaient pour le Racing. Aujourd’hui, seulement cinq. Je dis toujours qu’on fait de la formation par conviction ou par dépit. Depuis quatre ans, on en a fait par dépit. Malgré tout, on a quand même réussi à sortir un paquet de joueurs. Et d’autres arriveront dans un ou deux ans. Le bilan est plus qu’honorable. »
Ses formateurs n’en ont pas moins gros sur la patate. Tous deux en fin de contrat, Jean-Marc Kuentz et François Keller attendent d’être fixés sur leur sort, mais bien davantage sur celui du centre. A fortiori après la relégation en National. Proches de Philippe Ginestet, Pascal Camadini et Jacky Canosi sont sous contrat respectivement jusqu’en 2011 et 2012.
Depuis quatre ans, jamais les différentes composantes du club n’ont récité leurs gammes en harmonie. La relégation en National est la fausse note finale.
Stéphane Godin
Ndlr : Pascal Camadini et Jacky Canosi n’ont pu être joints hier.