Ambroise, quelques posts plus haut, place juste après ses 10 westerns préférés « Un Pistolet pour Ringo » un western rital que je ne connais ni des lèvres ni des dents, mais qui l’a marqué probablement parce qu’il l’a vu pendant son enfance/adolescence et c’est ce qui se passe pour moi en partie avec « the last wagon « de Delmer Daves (1956).
Remettons une fois de plus les pendules à l’heure, j’ai du voir ce film dans les sixties, sur la deuxième chaine quand elle est passée en couleur, ce qui situe mon visionnage en 1967 ou en 68, avant que je ne sois happé par les copains et les sorties, les parties de tarot au troquet, les boums, les bals etc.
A cette lointaine époque, j’étais interne, mon train de retour au lycée devait être vers 19h, ce qui me faisait louper à tous les coups la fin du film de la 1ère chaîne qui démarrait vers 17h30 –p*tain, fallait prendre sa valoche au moment où l’issue de la seconde guerre mondiale étaient encore incertaine, les japs aux aguets dans les buissons, le danger rouge menaçant, le criminel pas démasqué, l’héroïne (l’actrice, pas la seringue hein…) toujours pas embrassée, etc. - aussi je me rabattais sur celui diffusé sur la 2ème chaîne vers 14h, problème, il se situait après le repas dominical et sacré, lui programmé à 13h, - donc après l’apéro, la séquence du téléspectateur regardée religieusement, presque autant que la messe qui avait occupé une partie de la matinée et à laquelle je n’ai échappé qu’un peu plus tard sous le prétexte (fallacieux) de faire mes devoirs en prévision de préserver mes chances pour les bacs (eh oui, il y en avait 2, quelle galère…) - en espérant que la séquence débarrassage de table et essuyage de vaisselle ne dure pas trop longtemps ( y en avait toujours 1 dans la fratrie qui se réfugiait aux chiottes !).
Vache, ça nous éloigne un max du sujet !
Disons que ça laisse un peu de temps à NLF et à ses disciples de préparer une réplique de moins en moins cinglante, bref, ce dimanche là, soit le repas avait été plus long que d’hab’ ou j’avais trop laissé tourné l’heure aux chiottes, quand j’ai allumé la TV, le film était commencé et la première séquence était d’une telle intensité/originalité qu’elle s’est imprimée dans mon cerveau : un type est enchaîné à une roue de chariot (le wagon du titre original) qui a été précipitée dans le vide sur des rochers et le héros 5car c’est de lui qu’il s’agit) ne doit son salut qu’à une anfractuosité desdits rochers.
Ajoutons que la scène se déroule dans un des plus beaux paysages amerloques, le Oak Creek canyon (2ème au hit parade des canyons derrière le Grand Canyon) et que Delmer Daves a eu toutes les peines du monde à y trouver un endroit vierge pour filmer, car, comble de l’ironie, depuis que Daves y avait tourné 6 ans plus tôt, “the broken Arrow” (la flèche brisée), la région était devenue une destination touristique très prisée, ce qui entre parenthèses montre bien l’importance et l’influence qu’avait le genre western à cette époque aux States.
Donc je me rappelais bien de cette séquence et de vaguement la bataille finale contre les Apaches, mais absolument pas du reste et du coup, depuis un moment comme pour mon 1er western, je cherchais de quel film il pouvait bien s’agir.
Or Ciné Classic diffusait ces derniers temps « The last wagon » et forcément j’étais là devant mon écran et ça commence très très fort, imaginez une vallée très encaissée, un cavalier commencer de traverser la rivière qui serpente dans ladite vallée, le plan s’élargit, derrière un arbre apparait un homme embusqué qui dégomme avec sa winchester le cavalier, court vers sa victime et l’achève.
Ensuite il s’enfuit car 3 autres cavaliers apparaissent sur la falaise dominant la vallée, s’ensuit une fusillade, et tel un Ravanelli au temps de sa splendeur ou plus prosaïquement un Valbuéna touché en plein vol, le fugitif simule une blessure, un des tireurs exulte, se découvre et se prend une balle de plein fouet qui le précipite dans le vide, malheureusement son fusil est vide, du coup, la poursuite reprend entre un homme à pied désarmé (en apparence) et 2 types à cheval. Un des poursuivants va payer de sa vie sa naïveté, grâce au coutelas format Bowie dissimulé dans la botte de l’inconnu, mais ce dernier se fait assommer par le dernier poursuivant, c’est un shériff qui promet à son désormais prisonnier une pendaison prochaine et douloureuse.
Le prisonnier, c’est Richard Widmark, qui joue ici un blanc élevé par des Comanches, Todd, ce qui tendrait à expliquer sa sauvagerie, et non un métis comme parfois c’est écrit sur certains résumés du film, ce qui est très peu plausible, Widmark aurait pu être un des acteurs favoris d’Hitler avec ses cheveux blonds et ses yeux très bleus.
A ce moment du film, Widmark n’a pas ouvert la bouche, il ne le fera qu’au bout de 20 mn, le film lui-même est dépourvu de tout dialogue pendant 8 mn, ce qui est quand même assez exceptionnel, donc le spectateur pendant tout ce temps reste dans l’expectative et …
Dis donc, ça vient à quel moment ton grand choc télévisuel qui a traversé les époques, je veux dire la séquence de la roue du chariot.
Mais t’as tout lu jusqu’ici, dis donc et en plus t’as de la mémoire, bravo !
J’y viens, le duo shériff/prisonnier rencontre une caravane, qui accepte le shériff et son prisonnier, celui-ci est donc enchaîné à une roue, le shériff est si brutal avec son prisonnier qu’il doit se résoudre sous la contrainte des « caravaniers » à lui laisser les mains en partie libres, ce dont RW va très vite profiter pour tuer d’un coup de hache son geôlier, on est au milieu des fifties, on échappe donc au spectacle du cadavre coupé en deux.
Evidemment après cet « incident », Todd, le Comanche, est fermement réenchaîné et c’est à partir de ce moment là que le film dévie de son destin de western de premier plan : figurez vous que les jeunes de la caravane,3 filles, 3 garçons dont le petit frère de l’une d’elles, décident de se barrer en douce au milieu de la nuit pour aller se baigner dans une source pas très loin du campement, d’ailleurs Daves en profite pour glisser un dialogue très ambigu sur le fait de se déshabiller tout de suite ou pas.
Et c’est Todd, après un court échange très crédible et aux petits oignons entre lui et un des jeunes garçons visiblement perturbé par ses hormones et la perspective de se baigner avec des filles en maillot de bain, qui doit, depuis sa roue à laquelle il est toujours très attaché qui doit faire le guet et éventuellement donner l’alarme si les Apaches qui ne sont manifestement pas très loin attaquent.
Quand les « jeunes » reviennent (la baignade ? foin de bikini, du maillot version 1850 qui va du genou aux épaules…), tout le monde est mort, massacré par les Apaches, sauf Todd, cf ma première séquence mémorable.
Evidemment le premier réflexe serait de suspecter Todd, mais obviously une des jeunes filles, Jenny, a craqué pour lui, elle fait remonter la roue avec Todd, il ya un grand débat, on fait quoi de Todd, là les characters se dévoilent il y a 2 demi-sœurs, une garce raciste et une métis, 2 jeunes types dont 1 qui partage les opinions de la garce (par ailleurs très jolie…), plus le petit frère de Jenny qui s’est de suite pris d’affection pour Todd, bref ça discute ferme et on arrive à la conclusion que seul Todd peut sortir le groupe du piège qu’est devenu le canyon, par ses connaissances topographiques et des moeurs des indiens, fussent-ils Apaches, Jenny a super bien joué son rôle d’avocate de la défense, mais quand même par précaution et sous la pression des autres membres du groupe Todd reste enchainé, simplement on l’a détaché de sa roue.
Va s’ensuivre un tas de péripéties, une morsure de serpent, les Apaches, la rencontre avec des soldats (attention si Todd est reconnu, il va être de nouveau prisonnier), les Apaches de nouveau, la première nuit de Jenny et de Todd (on est toujours dans les fifties, tout est suggéré…), l’alternative qui s’offre à Todd, s’enfuir ou rester et dans cas finir en taule ou pendu, une grosse baston, scène finale au tribunal, dans laquelle on apprend les raisons de la tuerie du début, allez je vous dévoile la fin, le juge va condamner Todd à rester éternellement avec Jenny.
Et là me vient une réplique d’Audiard « je ne vois pas bien la différence » lorsqu’un jeune séducteur était sommé par le père de sa conquête de choisir entre les menottes ou le mariage…
Franchement un western très nettement au dessus de la moyenne, mais ça reste du Delmer Daves (cf .
viewtopic.php?p=279284#p279284 et cf
viewtopic.php?p=191151#p191151), beaucoup de « bons » sentiments, les Apaches massacrent oui, mais c’est parce qu’ils avaient de bonnes raisons pour le faire, les personnages sont trop d’une pièce, dès que tu as cessé d’être un teenager, tu t’en aperçois bien, l’évolution des personnages racistes reste peu crédible, les Apaches ont, coup de bol énorme, omis de tout piller comme d’hab’, et puis, Widmark à qui est dévolu ce rôle ô combien ambivalent de Todd, s’il convient très bien dans ce character très torturé (il a joué x characters du même tonneau dans sa carrière), outre qu’il a 20 ans d’écart avec Jenny/Felicia Farr, on voit pas bien la raison de cette attirance de la part de Felicia, enfin les goûts et les couleurs…
Excellente actrice, cette Felicia Farr, elle fera se pâmer plusieurs critiques lors de sa performance dans un autre western, « 3h10 pour Yuma » (1957) et puis après avoir rencontré Jack Lemmon et avoir tourné « kiss me, stupid » (1964) de Billy Wilder, LE director préféré de Jack Lemmon, elle mettra, comme pratiquement toutes les actrices en ce temps là sa carrière au cinoche en veilleuse pour jouer son rôle d’housewive.
Ah dans le rôle du gamin qui cherche en quelque sorte un second père en la personne de Todd, il y a Tommy Rettig, le garçon qui officie dans « River of no return » avec Marylin, cf.
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Apparemment les westerns de Delmer Daves aujourd’hui sont plutôt bien reconsidérés, c’est effectivement toujours visible, mais pas dans mon top 10, ni même le 20, mais je ne suis pas certain que « « Un Pistolet pour Ringo » passe encore la rampe aujourd’hui, à toi de voir Ambroise…