C'est une équipe au fond du trou, dépourvue depuis hier d'actionnaire majoritaire, dont le président est sur le départ alors que l'entraîneur a été remercié avant d'être rattrapé par le bout de la manche, qui s'apprête à défier tout à l'heure (20 h 30) l'En Avant Guingamp. Au Racing, décidément, le pire est toujours à venir.
Alain Fontenla est annoncé, ce soir à la Meinau contre Guingamp. Viendra ? Viendra pas ? Et pour y faire quoi, au juste ? (Photo DNA - Laurent Réa)
Jusque-là, tout va mal. Très mal. Au Racing, inlassablement, chaque jour apporte son lot de désillusions et de consternation. Si bien que la réalité a fini par dépasser l'affliction.
On pensait pourtant avoir tout vu lors de l'ère américano-surréaliste de McCormack. Laissé exsangue par le passage dévastateur des Proisy, Le Roy et consorts - de 1997 à 2003 -, le club strasbourgeois avait un peu recouvré la santé sous le regard protecteur de Gindorf.
Un violent tourbillon
a plongé la Meinau
dans le chaos
La rechute, incarnée par les échecs sportifs de Philippe Ginestet, n'a ensuite cessé d'inquiéter les amoureux du club. Mais un fol espoir de rémission a pris corps voilà deux semaines, jour pour jour, quand le président, décrié et moralement usé, a décidé de passer la main à « un grand financier » censé sortir le Racing de l'ornière.
Las, rien, mais alors strictement rien, ne s'est déroulé comme prévu. En une petite quinzaine, un violent tourbillon venu d'Angleterre, sinon de Suisse, a emporté les rares certitudes et plongé la Meinau dans le chaos.
Dans le sillage de Julien Fournier, président salarié très vite dépassé par les événements (lire ci-dessous), une légion de nouvelles têtes a participé à la cacophonie ambiante.
Roman Loban, golden boy estonien de 27 ans, rachète le club mais disparaît aussitôt de la circulation sans passer par la case Meinau. Un sentiment de malaise affleure. Alain Fontenla, entouré de son conseiller Ralph Isenegger et de Christophe Cornelie, se présente comme l'actionnaire majoritaire. L'homme, d'apparence joviale, n'entend rien, mais alors absolument rien, au football. On se gausse dans les chaumières.
Suit le crispant épisode de la vraie-fausse arrivée de Jean-Pierre Papin. Pascal Janin est débarqué dès jeudi, mais l'ex-Ballon d'Or hésite, à juste titre. Quoi de plus logique, dès lors, que de réintégrer le coach évincé et, fatalement, très embarrassé ?
L'affaire vire à la pantalonnade quand Fontenla ne parvient pas à montrer « patte blanche » devant la DNCG, mardi. Trois millions d'euros manquent à l'appel. Une paille que le repreneur n'avait visiblement pas prévu d'injecter sans ciller... Ce n'est plus un faisceau de doutes qui converge vers la Meinau, mais un projecteur surpuissant.
Le comble du ridicule n'est pourtant pas encore atteint. Il faut attendre hier matin pour dépasser les bornes de l'entendement. La société EuroRacing qui gère le club doit se réunir en assemblée générale pour entériner la passation de pouvoir entre Ginestet et Fontenla.
Problème, ni le nouveau patron, ni aucun de ses représentants, ne pointe à l'horizon. Abracadabra : la troupe s'est volatilisée, sans laisser d'adresse. Julien Fournier est abasourdi, les autres actionnaires restent pantois.
Comme tout le monde, Julien Fournier découvre vers midi, à travers un communiqué effarant, que Fontenla et ses hommes ont mis les bouts pour de bon. La faute en incombe à la presse, bien évidemment, mais aussi à quelques actionnaires minoritaires qui « n'ont eu de cesse de (les) critiquer totalement gratuitement, voire de façon parfois diffamatoire ». Même la DNCG en prend pour son grade.
Ralph Isenegger assure que le futur ex-patron du Racing - celui-ci se « retire pour votre plus grand plaisir (sic) » - est « un garçon extrêmement sensible, proche de la dépression, qui a été confronté à un milieu impitoyable. » Pauvre de lui.
Personne n'aura eu le temps de le regretter. Pas même Ginestet, qui a le sentiment de « s'être fait berner, comme Julien Fournier, face à des promesses non tenues ». Le président sortant se réjouirait presque de ce départ : « A partir du moment où il ne peut pas assurer ses obligations, c'est une bonne nouvelle. A condition qu'il passe la main rapidement. »
L'heure de la mobilisation
alsacienne sonne à nouveau
Dans le rang des autres actionnaires, l'heure de la mobilisation sonne à nouveau. Alors que l'historique André Bord «adjure les élus strasbourgeois de provoquer une réunion» entre les forces vives locales, Alain Fontenla laisse à ses détracteurs « jusqu'au 24 décembre » pour formuler une proposition de reprise.
« Fédérer les Alsaciens autour d'un projet commun n'est pas évident, le plus dur commence », conclut Dominique Pignatelli. Et dire qu'il y a un match ce soir...
Sébastien Keller